I Need Your Help

34 • Manelle

Il... M'a violée.

Encore des heures après, cette phrase résonne, tourbillonne dans ma tête. J'ai cru Coraline à la seconde. Aucune question à me poser pour ça. Mais elle a cru le contraire, puisque je suis restée stupéfaite plusieurs longues secondes. Elle m'a violemment repoussée et a quitté la pièce en trombe. J'ai insisté pour la revoir, mais on m'a dit qu'elle demandait expressément à ne plus me voir. Alors... On m'a gentiment poussée vers la sortie, disant que Coraline allait dormir en foyer. En foyer. Coraline. Je n'y crois pas une seule seconde. Elle n'y arrivera pas.

- Manelle.

Silence. Soupir de Mallory.

- Eh, Manelle. doucement.

Ma petite amie s'assied sur le bord du lit, du côté où je suis couchée.

- Tu n'as pas mangé de la journée.

- Pas faim.

- Tu sais combien de kilos tu as en marge?

- ...

- Aucun.

- Je n'ai vraiment pas faim.

- S'il-te-plaît... Si tu ne le fais pas pour toi, alors fais-le pour moi.

- ...

- Je t'en prie.

- Je suis désolée. Terriblement désolée. Mais je ne peux pas.

Elle soupire et se relève. S'allonge derrière moi, m'entoure de ses bras. Sa bouche vient se loger sur mon cou. Elle m'embrasse tendrement puis colle son front à ma nuque.

- Et si tu me racontais?

Je soupire.

- Je suis encore une fois désolée... Ce n'est pas à moi de te le dire...

- Mais à Coraline. termine-t-elle.

Elle soupire à son tour.

- Il est vingt-trois heures et des poussières. J'éteins.

- Si tu veux.

La pièce s'assombrit d'un coup alors que Mallory se décolle, puis elle revient à sa place. Les yeux rivés sur la faible lumière passant à travers les volets, mes pensées continuent de tourbillonner dans ma tête.
Retentit alors un bruit sourd. Ma compagne se relève brusquement.

- C'était quoi, ça?

Je me suis crispée. C'est lui. Il revient. Il s'est échappé. J'en suis sûre. Il va...

Deuxième bruit sourd. Quelqu'un est dans la maison. Un juron, très faible.

Les images s'imposent à mon cerveau. Elles repoussent toutes les barrières mentales que j'ai dressé tant bien que mal, et se transforment en un souvenir.

Je me mets alors à hurler en me bouchant les oreilles. Tout revient, le souvenir me frappant de toutes ses forces. Mes cordes vocales m'en font mal, mais je hurle pour me concentrer sur ce son et pas sur mes pensées. Mes mains glissent de mes oreilles à mes cheveux. Elles tirent, arrachent.

- MANELLE! MAIS QU'EST-CE QUI T'ARRIVE?

Je deviens complètement folle. J'en suis pleinement consciente, mais mon corps refuse de m'obéir. C'est comme si mon esprit partait à la dérive de mon corps, qui crie toujours. La scène se rejoue malgré mes hurlements.

L'accouchement. Les complications. Les points de suture dans le vagin. Sa pénétration. La douleur. "Mais t'es bonne à rien! Putain, suce-moi au moins, alors!". Les cris. Les pleurs. Ses excuses, me promettant de ne pas recommencer. Ma naïveté.