1 • Coraline

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La classe de seconde.

Un nouveau départ.

Certaines personnes diront que non, que cette rentrée est seulement séparée du collège par deux petits mois.

Je suis persuadée du contraire. Même si dire que j'ai hâte serait mentir. En soit, j'ai hâte, c'est vrai. Mais pas pour les mêmes raisons qu'un futur lycéen banal.

Un futur élève de seconde a hâte de retrouver ses amis, de s'en faire des nouveaux si il arrive seulement dans l'établissement. Hâte d'être enfin au lycée, d'avoir accès à la cafétéria, à son téléphone, à de nouvelles méthodes de travail. Hâte de découvrir ses futurs professeurs, horaires...

Moi j'ai hâte de cette rentrée pour pouvoir changer de vie.

J'ai envie de dire adieu à mon ancienne moi, celle qui pleure chaque soir la mort de son père, dont les anciennes amitiés sont toxiques...

Je ne veux pas oublier mon père, juste ne plus être aussi sensible face à sa mort. Il me manque terriblement, surtout que depuis l'accident, ma mère a sombré dans l'alcoolisme.

Au niveau des amitiés toxiques... Enfin, mon amitié toxique. On va l'appeler Melon.

Ça va être dur de l'oublier, étant donné que je viens d'apprendre de la bouche de ma mère (qui est amie avec la mère de Melon) qu'il va dans le même lycée que moi.

Mais le plus dur dans tout ça, c'est que c'est de sa faute si il a fait le choix de cette école. Elle m'a dit, mot pour mot (on va appeler la mère de Melon "Pastèque"):

J'ai conseillé à Pastèque d'inscrire Melon au Bon Pasteur. C'est une excellente école, et elle vient de m'apprendre qu'il a été accepté. Il était sur liste d'attente jusqu'à présent, et sinon il serait allé au lycée de la ville. C'est super, non? Il me semble que vous êtes de bons amis?

Je lui en veux tellement... Mais en même temps, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je n'ai pas dit à ma mère tout le mal que Melon m'a fait, pour ne pas l'inquiéter.

Elle a fait ça pour me faire plaisir, alors en soit je n'ai pas le droit de lui en vouloir. Surtout que ces temps-ci, ses accès de gentillesse se font de plus en plus rares, noyés au milieu de ses insultes et violences. Mais comment réussir à lui pardonner?

Melon a détruit ma vie sans que je ne m'en rende compte en primaire. Ça a continué au collège, et pareil, au début je ne m'en apercevais pas.

Il a fallu attendre la moitié de l'année de cinquième et un voyage des hispanophones (dont il ne faisait pas parti alors que moi si) pour me rendre compte qu'il me "manipulait". En fait, il me faisait faire des choses que je n'avais pas forcément envie d'exécuter.

Mais je ne m'en rendais pas compte, m'accrochant à cette amitié qui pourtant me faisait si mal.

Durant ce voyage à Barcelone, nous étions répartis par famille d'accueil. J'avais d'autres amis que Melon (si on peut le considérer comme tel), enfin plutôt une connaissance. Les répartitions étaient de deux par famille, alors je me suis mise avec elle. Elle s'appelle Marine.

Le premier soir, on parlait, et elle m'a confié qu'elle s'inquiétait pour moi. Que Melon profitait que je n'ai que lui pour me faire faire des choses que je ne voulais pas, et que ça ne pouvait qu'empirer.

J'ai nié, disant que j'avais toujours le choix, et elle m'a dit: "Je suis désolée, mais prendre des araignées dans tes mains alors que ça se voit que tu as peur, ce n'est pas avoir le choix."

Je n'ai rien répondu quand elle m'a dit ça, tout simplement parce qu'elle avait raison.

J'ai la phobie des araignées, et avec ce qu'il me faisait faire, ça empirait de jour en jour. Alors je me suis contentée de soupirer, en admettant qu'elle avait raison.

À partir de ce moment, j'ai commencé à réfléchir. Je me suis rendue compte de tout ce que Melon faisait. Et la mort de mon père, un mois après le retour de ce voyage, m'a confirmé qu'il se foutait de moi.

Quand je lui ai dit, en larmes, que mon père était mort, il s'est contenté de hausser les épaules et de lâcher un simple "ok" avant de rejoindre ses vrais amis.

Ce jour-là, Marine et son groupe d'amis m'ont pris sous leur aile, me réconfortant, et m'apportant cette vraie amitié dont j'avais tant besoin.

Marine et moi sommes devenues meilleures amies, mais malheureusement elle a redoublé sa quatrième, ce qui fait que l'année dernière nous étions séparées. Mais grâce au club d'équitation, on continue de se voir.

L'équitation. La deuxième chose (avec l'amitié) qui m'a permis de tenir quand mon père nous a quittés. J'en fait depuis que j'ai quatre ans, et j'en parlais tellement souvent que j'ai fini par convaincre Marine (qui habite à cinq minutes à pied de chez moi) de s'inscrire au même club que moi.

Elle se débrouille vraiment bien, et elle passe déjà en galop 2 alors qu'elle n'en fait que depuis un an. Ça nous permet de continuer de nous voir une fois par semaine.

Troisième chose qui m'a fait tenir: la boxe. Boxe thaï, pour être précise. J'en fais depuis que j'ai deux ans, c'est mon père qui m'enseignait. Mais je n'ai pu assister à de réels cours seulement après mon cinquième anniversaire, le club de ma ville n'acceptant pas les enfants en-dessous de cet âge.

Assez parlé de moi.

Ma mère ne travaille pas, enfin ne travaille plus. Comment on s'en sort? Avec l'argent que gagnait mon père. Et puis comme ma mère ne s'en charge pas, c'est moi qui m'occupe de faire les comptes.

On peut encore s'en sortir pendant trois ans. Passé ce délai, plus de sous. Et trois ans, c'est sans m'inscrire à l'équitation et à la boxe (enfin, plutôt deux ans, car cette année est la dernière). Tout en prévoyant que je dois finir ma scolarité au Bon Pasteur, les lycées publics de ma ville n'étant vraiment pas... Fréquentables. Je ne sais pas comment je vais m'en sortir sans ces deux piliers dans ma vie.

Je commence déjà à me préparer mentalement pour cette année, je me dis que ça y est, c'est la dernière. Mais c'est beaucoup trop dur, je ne vais pas m'en sortir. Je vais être comme perdue, désorientée.

Le club, je pourrais toujours y aller, même si je ne monte pas. Donc encore, ça peut aller. Mais la boxe... Quand on s'inscrit, on nous donne une carte d'abonné. Carte qui nous permet d'entrer et de sortir de la salle de sport.

Mais sans cette carte, impossible d'accéder au gymnase. Donc ça va vraiment être impossible de continuer, et ça me fait clairement chier.

Mais bon. Il faut que j'arrive à me sortir tout ça de la tête, pour prendre un nouveau départ, dans un nouvel établissement.

Le nouveau départ de la classe de seconde, pour Coraline Larmine.

***

Hello!

Histoire de "remplacer" Le trophée perdu le temps de retrouver de l'inspiration, voici un autre livre sur l'adoption, mais également d'autres sujets qui me tiennent à cœur: les amitiés toxiques, et les enfants battus.

Je ne parlerai pas de foot ici, alors désolée d'avance si vous étiez venus pour ça.

Les points de vue des personnages sont indiqués en titre de chapitre.

Ah oui, et aussi. Certains faits que je raconte me sont arrivés. Melon, c'est vrai (sur certains détails, j'en ai inventé d'autres). Alors pas d'insultes, merci d'avance.

La bise!

Ce livre est en parti dédié à perleefly, qui saura se reconnaître (même si la réalité est quelque peu modifiée). ^^

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