29 • Coraline

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- Oui, bien sûr. Bien sûr. Merci Madame.

Ma génitrice, cette hypocrite. Propre, lavée, habillée correctement, souriant à l'infirmière qui s'est principalement occupée de moi ici. Cette dernière ne se doute de rien, et viens de sortir de la pièce, me laissant seule avec Clara. Elle ne mérite plus, et ce depuis longtemps, l'appelation de "mère", et encore moins "maman". Dès que la porte est refermée, le sourire de cette femme retombe. Elle se tourne vers moi et lâche froidement:

- C'est bon, t'es contente? T'as attiré l'attention sur toi, alors que j'en ai bien plus besoin que toi en ce moment? Écoute-moi bien, sale pute.

Elle s'approche d'un pas rapide de mon lit et m'agrippe le bras, encore en pleine cicatrisation.

- Tu devrais avoir honte de toi. Si tu recommences, j'arrête de payer pour la maison de retraite.

Elle arrête de payer? Pardon? J'ai bien entendu? Mais qui gère les comptes ici, qui fait tout pour dépenser le minimum? Elle n'amène aucun argent, et elle ose faire ça?

- On rentre maintenant. Assez traîné.

Woah, elle s'est déplacée seulement mardi pour venir me chercher alors que je suis ici depuis vendredi, et c'est pour elle une perte de temps? Je retourne dans mon enfer...

***

Un coup.
Une insulte.

Un coup.
Une insulte.

Le temps est passé plutôt rapidement depuis ma première tentative de suicide.

Entre les coups.
Et les insultes.

Décembre est arrivé. Avec son froid, me réconfortant, me faisant comprendre que même la nature meurt. Elle se relèvera au printemps. Comme chaque année. Je me relèverai au printemps. Comme chaque année. En attendant il m'est facile de me cacher derrière des pulls à manches longues. Ce qui est moins facile, en revanche, c'est de convaincre mes camarades de laisser une fenêtre ouverte. Mais après une "spectaculaire" crise de panique et de nerfs, ils ont bien compris que je ne tiendrais pas. Alors certains mettent leurs manteaux, d'autres supportent le froid. Ils sont compréhensifs. Je commence à les apprécier de plus en plus.

Les cours m'ont rattrapée à la mi-octobre. "Coraline, sois gentille et casse-toi de la maison, j'aimerais baiser avec tout ce qui bouge." voici en résumé ce que me sous-entendait Clara, qui continuait ses coups avec la même intensité, si ce n'est plus, qu'avant ma tentative ratée. Et ce qui m'a brisée, c'est que même sobre, ce qui est aussi rare que la neige en été, elle continuait. Pleinement consciente, elle continuait. Pleinement consciente, elle m'a laissée seule un soir avec un de ses plans cul pour "aller faire un tour et s'acheter quelques clopes". Quand Samy, du nom de ce plan cul, est parti, il a emporté avec lui le peu d'objets de valeur encore présents dans cette maison. Mais aussi ma virginité. Ce porc m'a violée. Ce porc m'a salie. Ce porc a détruit le peu d'humanité, le peu d'espoir restant dans mon cœur. Et ce porc, je l'ai revu le lendemain. Au lycée. Puisque Samy Colana est professeur d'EPS au Bon Pasteur et professeur principal de la seconde une.

Impossible pour moi de fuir.
Impossible pour moi de porter plainte. Personne ne me croirait.
Impossible pour moi de passer à travers les regards pervers de ce porc qui, même à travers les couloirs bondés, me transpercent de part et d'autre. Il me déshabille des yeux, et je ne peux rien faire. Rien. Pas même disparaître, puisque ma grand-mère ne pourrait pas survivre seule, encore moins depuis que mon père a disparu, laissant derrière lui le seul endroit où elle aurait pu venir si par malheur elle venait à être expulsée de la maison de retraite.

J'ai vu passer un article sur Instagram. Un compte très peu connu, reportant les témoignages de femmes battues. Faisant des articles sur les procès à venir. Eh bien je suis tombée sur un qui m'a intéressé plus que les autres. Pour la simple et bonne raison qu'il titrait "Manelle Fiorella se relève". Ma professeure de physique-chimie. Ma professeure principale. Elle ne témoignait pas, c'était le récit d'un policier l'ayant sauvée il y a un mois et quelques. Le mari en question attendait sagement derrière les barreaux en ce moment même, un procès le menerant obligatoirement à la prison devant lui.

I Need Your HelpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant