L'homme à tout faire

Chapitre 15

Depuis qu'il avait décidé de mettre une distance entre Debby et lui, Bruno se sentait vraiment mal. C'était certes agaçant quand elle l'enquiquinait avant, mais ça lui manquait. Il ne la voyait plus souvent, et son visage si expressif lui manquait. Il se demandait parfois quelle folie elle aurait encore inventé si elle n'avait pas décidé d'abandonner. Il luttait intérieurement pour ne pas la rejoindre à chaque fois qu'elle s'installait à la piscine. Et lorsqu'ils se retrouvaient, généralement pour manger, il avait un pincement au coeur en lui trouvant un air songeur, puisqu'il était habitué à la voir débordante de bonne humeur. Il s'en voulait, car ils étaient sensés être ''amis et pourtant il et était froid avec elle. Elle devait se sentir vraiment seule! Mais c'était un mal pour un bien, pensait-il.

Quand ce matin elle était venue lui demander à l'accompagner, il hésita un moment, parce qu'il craignait de se retrouver seule avec elle dans un endroit si confiné. Surtout que sa petite robe blanche fleurie retenue sur ses épaules par une corde servant de bretelles qu'on attachait lui donnait des idées pas très catholique! Quand il la vit courir vers lui, ses boucles noires lâchées se balançant autour de son visage, il la trouva plus belle que jamais. Il eut envie de l'attirer contre lui et de passer ses doigts dans sa chevelure abondante. Pour ne pas écouter ses pulsions, il enfonça les mains dans ses poches pendant qu'elle lui parlait.

Durant tout le trajet, ils ne dirent pas un mot. Il garda son regard fixé sut la route pour ne pas la regarder elle, mais il sentait parfois, le temps de quelques secondes, son regard sur lui. Et à ces moments, malgré la climatisation il avait l'impression d'étouffer. C'est donc avec un grand soulagement qu'il se gara sur le petit parking presque désert du supermarché. Il vérouilla la voiture et enfonça les clés dans ses poches.

Bruno s'apprêtait à entrer dans le supermarché quand une voix de femme qui lui était inconnue l'appella par son nom complet. Elle avait un léger accent étranger. Il se retourna, et vit une jeune femme blonde, aux yeux gris, de petite taille, avec une apparence un brin fragile, qui lui souriait. Son visage lui paraissait assez familier, mais il mit quelques secondes avant de se rappeler, et quand il se souvint d'elle, il sourit de toutes ses dents. Si on lui avait dit qu'il retomberait sur elle un jour!

- Anaïs Lawson? demanda-t-il pour avoir confirmation.

- Oui, c'est moi, fit-elle en souriant de plus belle. Tu te souviens de moi!?

- Bien sûr, comment je pourrais t'oublier? remarqua-t-il, plus pour lui-même. Et puis tu n'as pas tellement changé! Mais toi comment tu m'as reconnu?

- Tu as fait tomber ça près de ta voiture, répondit-elle en lui montrant son portefeuilles. Je me suis permise de l'ouvrir pour voir si je ne trouverais pas une pièce d'identité, c'est là que j'ai vu ton nom.

- Mon Dieu! Comment j'ai fait pour le perdre? s'étonna-t-il en récupérant son portefeuille. Et dire que j'allais faire des courses!

- Eh bien par chance j'étais pas loin! rigola Anaïs.

- C'est fou qu'on se recroise après tant d'années! s'exclama Bruno.

Ils furent interrompus par un raclement de gorge. Bruno avait complètement oublié que Debby l'avait suivi. Et le regard qu'elle leur porta montrait qu'elle n'avait pas apprécié être oubliée.

- Tu ne me présente pas ta femme, Bruno? demanda Anaïs en souriant.

- Ma femme?! Mais loin de là! Anaïs je te présente Déborah McNamara, ma patronne. Déborah, je te présente Anaïs Lawson, une ancienne camarade de classe.

- Enchantée, mademoiselle! fit Anaïs en lui tendant la main sans se départi de son sourire d'ange.

Debby lui prit la main, mais le seul son qui sortit de sa bouche était semblable au grognement d'un chien enragé. Bruno s'en étonna. Debby était du genre sympathique d'ordinaire. Pourquoi était-elle si grognon aujourd'hui? Est-ce que ''les anglais'' étaient là? Parcequ'il avait remarqué que certaines femmes étaient de mauvaise humeur pendant ces moments.