L'ambiance était pourrie. Bruno se disait bien que sa présence pourrait créer un embarras à Déborah, mais il n'imaginait pas que ça irait aussi loin! Il ne comprenait pas pourquoi cette tante Bertille la voyait d'un si mauvais œil! Il sentait que Déborah n'était pas bien. Il fallait qu'ils s'en aillent. Mais il n'avait pas pu se résoudre à partir sans dire quelque chose.
Il est vrai que Déborah était allée un peu fort, mais sa tante avait dépassé les limites. Ce qui le dérangeait n'était pas tant qu'elle le dénigre lui, puisqu'ils étaient des étrangers l'un pour l'autre. Ce qui lui faisait mal c'était que Debby ait pu entendre de telles atrocités venant de sa tante, sa propre famille!
- Nous allons devoir nous excuser, fit Bruno. Une longue route nous attend, il va donc nous falloir partir si nous voulons arriver avant la nuit.
- Bien sûr! Faites bonne route! répondit Benjamin.
- Tu veux aller saluer les mariés avant? murmura Bruno à Debby. J'attendrai dehors.
- Très bien. fit Debby. Chers cousins, Oncle Ben, tante Bertille, ce fut un plaisir de vous revoir, je vous dis à la prochaine!
Ils se levèrent, et pendant que Debby se dirigeait vers les mariés, Bruno lui sortit de la salle, et s'adossa à une colonne près de la porte. Elle sortit quelques instants plus tard, mais se dirigea directement vers l'extérieur sans un mot ni un regard pour lui. Sa réaction le surprit, et il mit un moment à réagir. Il la rattrapa et marcha en silence à ses cotés jusqu'à la voiture.
A sa grande surprise, elle lui remit les clés de la voiture après l'avoir débloquée. Elle entra côté passager, et attendit. Il la rejoignit à l'intérieur, mais ne démarra pas aussitôt. Il resta silencieux quelques instants avant de se tourner vers elle.
- Ça peut aller? s'enquit-il.
- Oui, répondit-elle, le regard rivé droit devant elle.
- Hey! Regarde moi, au-moins! réclama-t-il en se penchant vers elle.
- Pourquoi?
- J'ai envie de voir tes beaux yeux!
Elle tourna la tête vers la vitre et serra les poings sur son sac pochette.
- Mes yeux n'ont rien d'extraordinaires, ce sont juste des yeux. Et je vais bien, alors allons-y.
Sa voix tremblait. C'était la première fois qu'il la voyait si vulnérable. Et il en avait le coeur serré, surtout qu'il avait le sentiment d'être en partie responsable de ce qui s'était passé. Des choses avaient été dites, des choses qu'il ne fallait pas dire. Et maintenant elle se fermait à lui. C'était comme si tout ce temps passé ensemble s'envolait peu à peu.
Il démarra et lança le GPS pour se guider.
- Je vois que tu n'as pas envie de me parler, fit-il une fois sur la route. Et je ne vais pas insister. Mais j'aimerais te dire que... Je n'en ai rien à faire de ton argent. Je te le promets.
Elle daigna enfin le regarder. Mais lui garda son regard fixé sur la route, donc ne sut quelle expression affichait son visage. Au bout d'un moment elle se retourna à nouveau vers la vitre.
- Je n'en ai jamais douté, informa-t-elle.
- Vraiment?
- Vraiment.
- Alors pourquoi refuses-tu de me regarder en face?
Elle ne répondit rien, et il n'insista pas. Elle prétendait que ça allait, mais il savait très bien que ce n'étais pas le cas. Ce qu'avait dit sa tante la touchait vraiment, et c'était compréhensible. Il sentit qu'il était en train de la perdre lorsqu'ils atteignirent l'autoroute hors de la ville sans qu'elle n'ait dit un mot. Il réfléchissait à quoi lui dire pour ne pas la perdre quand elle sortit enfin du silence, sans le regarder une seule fois.
- Je n'ose pas te regarder parce-que j'ai peur. J'ai peur qu'en te regardant je découvre que ma tante a raison, que personne ne peut m'aimer. J'ai peur que tu ne m'aimes pas, et en même temps j'ai peur que tu m'aimes. Mais ce dont j'ai le plus peur, c'est qu'en te regardant je me rende compte que ma tante a tort, et que je découvre que je t'aime... Ce que je dis n'a pas de sens, n'est-ce pas? Je veux que tu m'aimes, mais j'ai peur que cela arrive vraiment. Je veux que tu m'aimes, et pourtant je n'ose pas t'aimer en retour. L'amour m'était jusque là quelque chose de totalement inconnu. J'étais persuadée que ça ne pouvait pas m'arriver. Et maintenant que je découvre que je peux aussi aimer, la réalité dans laquelle je vivais commence à s'effondrer. Parce-que je me rend compte à quel point aimer une personne lui donne du pouvoir sur votre vie. A quel point son opinion de vous compte, à quel point il devient un facteur important dans toutes vos décisions et dans tous vos projets. Alors pour moi qui ai toujours vécu sans me soucier des autres et de leur opinion, c'est vraiment effrayant de se rendre compte qu'on aime peut-être quelqu'un. C'est pire lorsqu'il est possible que cette personne ne vous le rend pas... Hé! Mais qu'est-ce que tu fais?!
Bruno venait d'effectuer une manœuvre brusque pour passer de l'autre côté de la route et faire demi-tour. Il roula moins d'une minute avant de tomber sur une aire de stationnement où il alla se garer grossièrement. Il lui fit un sourire gêné en voyant son regard choqué, mais quand même dirigé vers lui.
- Désolé, commença-t-il. Il fallait que je m'arrête... Tu me regardes enfin!? Hé! Non, ne détourne pas les yeux!
Il lui prit le menton pour l'obliger à le regarder.
- C'est normal d'avoir peur, tu sais? dit-il doucement. Moi aussi j'ai peur! J'ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne jamais être digne de toi. Ta tante l'a dit, je ne suis pour l'instant qu'un domestique, et de ce fait, je suis loin de te mériter. Mais j'ai décidé d'affronter mes peurs. J'ai décidé de me battre, afin d'être digne de toi. Afin que ce genre de situations n'arrivent plus. Et tu sais pourquoi? Tu sais ce qui me donne la force de le faire? C'est l'amour. Je ne te l'avais pas dit plus tôt, et c'était probablement une erreur de ma part. Mais voilà: je t'aime. Et si je fais tout ça, si j'ai décidé de me battre, c'est pour que tu m'aimes aussi. Alors s'il te plait, affronte tes peurs et regarde moi. Regarde moi et vois à quel point je t'aime. Et je sais que c'est trop tôt pour te demander ça, mais s'il te plait, aimes moi en retour. Parce-que je t'aime, je t'aime tellement!
- Bruno, je...
- Chuut! la coupa-t-il. Ne dis rien, pas encore. Pas tant que tu ne seras pas prête. Pour l'instant laisse moi juste être avec toi, c'est déjà tellement!
Debby colla son front au sien et il lui caressa la joue. Elle joignit leurs mains sur sa joue, et ils fermèrent tous les deux les yeux. Et avec cette proximité, le silence parlait mieux que n'importe quelle parole. Tout avait été dit, désormais il ne leur restait plus qu'à profiter l'un de l'autre à chaque instant. Il se rapprocha un peu plus pour l'embrasser et...
Le téléphone de Déborah sonna, brisant la bulle de magie dans laquelle ils venaient de s'enfermer. A contrecœur il s'éloigna d'elle et se redressa dans son siège. Il reprit la route pendant qu'elle décrochait.
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L'homme à tout faire
RomanceDebby décide de partir s'installer pendant l'été dans la maison de vacances de sa famille pour éviter de croiser celui que son père aimerait la voir épouser. Elle y fait la connaissance de Bruno, ''l'homme à tout faire'' de la maison, et décide de l...