Le poids du passé

Égouttement

Drago et sa mère avaient été libérés. A contrecœur, certes, mais ils n'auraient pas à retourner à Azkaban. Lucius avait été condamné sans surprise, mais sa peine avait été étonnement légère. D'un coup, le soutien surprise de Harry Potter pour la famille Malefoy avait semblé appeler la clémence... Personne ne voulait se mettre à dos le Sauveur après tout.

Narcissa avait remercié Harry. La femme glaciale semblait d'un coup plus humaine alors qu'elle retenait ses larmes sans succès et essayait de rester digne.

Puis, alors que la salle se vidait, Drago était arrivé près de lui, alors même que Lucius venait d'être emmené à Azkaban.

- Merci, Potter.

Harry avait eu un geste de la main pour minimiser son rôle mais Drago insista.

- Tu m'as aidé, tu as sauvé ma mère et mon parrain. Je ne pourrais jamais... Je ne pourrais jamais assez te remercier pour ce que tu as fait pour nous.

- Malefoy...

- Non. Je sais que... Que j'ai jamais été sympa avec toi, que... Que j'ai même été vraiment méchant parfois. Je ne vais pas dire que je regrette parce qu'on sait tous les deux que ça ne serait pas sincère...

Harry le coupa en gloussant doucement.

- Nous étions deux à nous disputer, Malefoy. Tu m'as réellement sauvé la vie tu sais.

Drago baissa la tête, mais ses muscles se détendirent comme si la réaction de Harry lui ôtait un poids des épaules.

- Merci encore.

Harry lui posa une main sur l'épaule, trouvant étrange d'avoir un geste d'une telle proximité envers le Serpentard.

- Prends soin de toi, Malefoy.

Pour la première fois, il se regardèrent sans animosité et échangèrent un sourire timide, bien loin des relations qu'ils avaient entretenu depuis le début de leur relation. Il restèrent sans parler, le silence juste troublé par le bruit d'égouttement produit par la fontaine devant la salle d'audience.

Harry soupira en voyant Narcissa s'accrocher au bras de Drago avant que les deux Malefoy ne quittent la pièce rapidement, espérant échapper à Rita Skeeter ou aux réflexions désagréables de certains sorciers.

Harry fit quelques pas avant de grogner. Dans le couloir, Ron et Hermione attendaient. Ron avait l'air furieux et il tournait en rond comme un lion en cage. Hermione ne montrait pas ses sentiments, et Harry ne pouvait pas déterminer quelle était l'opinion de la jeune fille.

En le voyant, Ron fonça sur lui, comme un taureau furieux. Il le bouscula en arrivant à sa hauteur.

- T'es sérieux ?

Harry le repoussa brusquement et fronça les sourcils, sentant la colère monter en lui. Il n'oubliait pas que Ron et Hermione savaient qu'il avait demandé aux Aurors de ne pas arrêter les Malefoy, et ces derniers lui avaient sciemment caché qu'ils avaient été arrêté...

Ron insista, son teint vira au rouge.

- Tu as fait libérer la fouine ? Sa place est à Azkaban !

Harry grogna en levant les yeux vers son ami. Il le détestait à cet instant précis, parce que Ron restait un idiot immature. Il ne se rendait pas compte que Drago avait leur âge et qu'aussi détestable fut-il, ce n'était pas une raison pour le faire payer de cette façon.

- Il m'a sauvé la vie ! S'il n'avait pas refusé de me reconnaître je serais mort ce jour-là !

- Et alors ? C'est un abruti !

Harry lui tourna le dos, mais Ron le bouscula. Hermione s'interposa.

- Harry comprends...

- Ne songe même pas à terminer ta phrase, Hermione. Je me fous de ce que vous pensez sur ce sujet, je ne reviendrais pas dessus. Et je n'oublierais pas que vous avez voulu me cacher ce procès volontairement.

Ron gronda soudain.

- C'est un putain de Mangemort ! Il devrait être mort !

Harry eut l'impression d'être soudainement épuisé et vidé de toute combativité. Il toisa Ron avec dégoût, et détourna le regard, refusant d'argumenter avec lui.

Alors qu'il allait s'éloigner, Hermione lui attrapa le bras.

- Tu vas prendre le poste au Ministère, Harry ?

- Non.

Son ton sec surprit Hermione mais elle eut soudain l'air vexé.

- C'est une chance inestimable ! Tu devrais saisir la chance qui t'es offerte au lieu de faire n'importe quoi !

Elle parlait à toute vitesse, mais le Gryffondor ne l'écoutait plus. Il l'observait en se demandant depuis combien de temps ses amis étaient devenus des étrangers pour lui.

Ils avaient traversé tant d'épreuves ensemble qu'il pensait que leur amitié était plus forte que tout. Il était persuadé les connaître et d'un coup, il les découvrait sous un jour bien peu flatteur.

Harry avait passé sa vie à être manipulé.

Son oncle et sa tante, qui lui avaient fait croire que ses parents étaient des délinquants pauvres et bons à rien, morts dans un accident. Pire encore, ils l'avaient persuadé qu'il était un monstre, une anormalité.

Dumbledore qui avait su quoi lui dire pour le faire obéir, pour le forcer à se battre. Au nom du plus grand bien. Jusqu'au bout il avait été le pantin du vieux sorcier...

Et voilà qu'il découvrait que ses propres amis faisaient la même chose. Ron avait du penser que Harry aurait trop peur de se retrouver seul pour se rebeller. Hermione qui le culpabilisait encore et encore, pour qu'il reste la gentille marionnette du monde sorcier.

Harry repensa brièvement aux ecchymoses sur la peau pâle de Drago Malefoy, et regretta de ne pas lui avoir demandé ce qui s'était passé. Et c'est cette image en tête qu'il releva la tête, le regard décidé et la mâchoire crispée.

- Hermione. Je ne serais ni Auror ni employé du Ministère. C'est ma vie et c'est ma décision.

La jeune fille couina d'un air outré et fronça les sourcils en prenant une voix autoritaire, commençant immédiatement à protester. Mais Harry était trop fatigué et trop plein de colère et de rancœur pour s'en inquiéter. Il venait de décider de vivre pour lui-même. Il avait fait ce qu'on attendait de lui après tout.

Il avait mené les batailles du monde sorcier sans rechigner, il avait vaincu Voldemort. Par chance, il avait survécu et maintenant, il était décidé à faire ses propres choix.

Il ferait probablement des erreurs. Il n'aurait pas toutes les réponses, il hésiterait probablement.

Mais au moins, il n'aurait pas de regrets. Ses décisions, sa vie. C'était ainsi que les choses devaient être. Il avait gagné le droit de se débrouiller, le droit de choisir ce qu'il voulait pour lui même.

Sa vie venait tout juste de commencer.