Révolutionnaire

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Harry n'osait plus sortir de sa chambre.

Il avait une terrible gueule de bois, il avait l'impression qu'un marteau piqueur avait élu domicile dans son crâne. Mais à son grand désespoir, il se souvenait parfaitement de ce qui s'était passé. Chaque seconde de la soirée était gravée dans son esprit au fer rouge.

Il avait embrassé Drago Malefoy.

Ils avaient bu, et il ne parvenait pas à déterminer ce qui s'était exactement passé. Il se souvenait juste du baiser, enivrant. Il se souvenait parfaitement qu'il avait apprécié le moment. Qu'il aurait aimé le prolonger.

Puis, lorsqu'ils s'étaient écartés, il avait vu l'air surpris de Drago et ses yeux écarquillés.

Plutôt que de subir des sarcasmes ou des réflexions blessantes, il avait choisi de fuir et de s'enfermer dans sa chambre. Et il tournait en rond, n'osant plus sortir, de peur de croiser un regard gris qu'il avait appris à apprécier. Il craignait un retour brutal en arrière, comme à l'époque où ils se haïssaient.

Il était incapable de comprendre ce qu'il ressentait exactement. Oublié le courage des Gryffondor, il espérait juste que Drago aurait oublié à cause de l'alcool qu'ils avaient bu.

Le Serpentard n'avait pas cherché à lui parler.

Drago Malefoy n'avait même pas tambouriné à sa porte en hurlant de rage. Au contraire, la maison était totalement silencieuse, comme si Harry était de nouveau seul. Mais cette idée le dérangeait plus qu'il ne voulait l'avouer.

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Après la fuite de Harry, Drago s'était replié dans sa chambre. Il était blessé et en colère. Il s'était senti rejeté comme jamais.

Il savait qu'il était un Mangemort. Pourtant, ce fichu Gryffondor l'avait traité normalement jusqu'à cet instant fatidique. Ils se battaient, mais il lui parlait comme à un être humain. Pas comme s'il était un monstre.

Jusqu'à ce stupide baiser révolutionnaire.

Drago écartait soigneusement de son esprit ce moment. Il ne voulait pas y penser, il ne voulait surtout pas se demander pourquoi ils s'étaient embrassés.

Sur le moment, ça avait semblé tellement naturel. Et il mentirait s'il prétendait qu'il n'avait pas apprécié le moment.

Il avait été pris par surprise. Il avait noté l'air perdu de Harry lorsqu'ils s'étaient écartés. Avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, le Gryffondor était parti.

Drago comptait bien exiger encore et encore de quitter cette maison auprès de son parrain. Il trouverait n'importe quelle excuse, pourvu qu'il puisse s'éloigner de Potter. Parce qu'il se doutait qu'il allait avoir droit à des regards accusateurs, et que leurs relations redeviendraient tendues.

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Finalement, Harry mobilisa suffisamment de courage pour mettre le nez hors de sa chambre. Il ne savait pas trop à quoi s'attendre. En tous cas, certainement pas à trouver la maison déserte et parfaitement rangée.

Drago semblait s'être retranché lui aussi dans sa chambre, puisque la porte en était soigneusement fermée.

Le Serpentard avait rangé la bouteille de Whisky et lavé leurs verres. Rien ne pouvait rappeler ce qui s'était passé.

Avec hésitation, le jeune homme se décida à cuisiner. Ils avaient pris l'habitude de manger ensemble et soudain, Harry avait besoin de se raccrocher au maximum de normalité. Il allait juste préparer le repas, aller prendre une douche et prévenir Drago qu'il pouvait venir manger.

C'était peut être la chose la plus lâche qu'il ferait de sa vie, juste prétendre que tout allait bien, qu'il ne s'était rien passé.

Alors qu'il cuisinait, il manqua de se couper le doigt plusieurs fois en éminçant les légumes. Il faillit faire brûler le plat et manqua de tout renverser en voulant mettre le gratin qu'il préparait au four. Tout ça parce qu'il ne faisait pas attention à ce qu'il faisait. Il tendait l'oreille de toutes ses forces pour essayer d'entendre le moindre signe de vie, craignant encore que Drago ne soit parti comme la dernière fois.

Ce ne fut qu'en réglant la minuterie du four qu'il s'aperçut qu'il avait cuisiné le plat préféré de Drago. Il pinça les lèvres en regardant le plat, avant de décider que c'était un signe de paix. Sa version domestique du drapeau blanc.

Le jeune homme soupira et jeta un sort au four pour que le plat ne brûle pas - mais qu'il soit gardé au chaud en fin de cuisson. Puis, silencieusement, il se rendit à la salle de bain, décidé à se doucher.

Lui qui aimait rester sous le jet d'eau chaude un long moment expédia la douche. Il se sentit un peu plus humain après ça, plus calme également.

Enfin prêt, les cheveux encore humides et ébouriffés comme jamais, il se tenait devant la porte de la chambre de Drago, se balançant d'un pied sur l'autre, se mordillant la lèvre. Il souffla doucement avant de se murmurer à lui même "Je suis un Gryffondor". Puis, d'un air décidé il frappa à la porte.

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En entendant frapper, Drago se figea et reposa doucement le livre qu'il lisait les sourcils froncés. Il avait pris soin de rester discret. Il avait supposé que le Gryffondor serait soulagé de ne pas le voir et il était persuadé qu'ils resteraient chacun dans leur coin jusqu'à ce que Severus ne réponde à son hibou.

Il se leva et avança jusqu'à la porte. Il hésita la main sur la poignée, ne sachant pas s'il devait ouvrir ou prétendre qu'il n'était pas là. De nouveaux coups sur la porte le décidèrent et il ouvrit doucement.

Harry fichu Gryffondor Potter se tenait devant lui, terriblement mal à l'aise, les joues rouges. Ils se fixèrent un long moment, les yeux dans les yeux puis Harry s'éclaircit la gorge et eut un léger sourire.

- Euh... Tu veux manger ?

Drago s'obligea à rester de marbre. Il leva les yeux au ciel, accentuant le mouvement pour être certain que Harry le verrait.

- J'ai pas vraiment faim, Potter. Merci.

L'air déçu de Harry lui serra le cœur et il soupira prêt à fermer la porte, pour ne plus voir son air presque suppliant.

- S'il te plaît ?

A cet instant, Drago détesta le Gryffondor, puisqu'avec juste ces mots il venait de le faire céder. Il grogna un vague assentiment, puis le suivit en direction de la cuisine.

Face au plat de gratin qui sentait délicieusement bon, il resta interdit, ne sachant pas quoi dire. Alors, il s'installa à table et se servit, murmura un remerciement du bout des lèvres et commença à manger en silence, déterminé à oublier que Potter avait fait le premier pas et lui avait cuisiné son plat préféré.

Le poids du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant