Le poids du passé

Déclaré durable, puissant et bon

Harry en se retirant du monde sorcier savait qu'il n'avait pas l'obligation de travailler. En tous cas, il était à l'abri du besoin financièrement parlant.

Acheter sa tanière n'avait pas entamé sa fortune, et c'était sans compter l'héritage laissé par Sirius...

Installé dans la périphérie du Londres moldu, Harry vivait en reclus. Il ne sortait pas, et profitait de la technologie moderne moldue pour se faire livrer tout ce dont il avait besoin pour ne pas avoir à mettre le nez hors de chez lui. Dans le secret de sa maison, il utilisait la magie, réunissant ainsi les deux mondes.

Il ne pouvait même pas dire qu'il souffrait de la solitude. Il appréciait ce calme après l'effervescence qu'il avait connu. A certains moments, Ron et Hermione lui manquaient. Il se souvenait qu'avant la fin de la guerre, il rêvait souvent de l'avenir, et ses deux amis faisaient toujours partie de son futur.

Pour lui leur trio ne pouvait pas être brisé, parce que leur amitié avait survécu aux épreuves... Mais il avait découvert qu'il y avait toujours moyen de briser les relations...

Même s'il ne manquait de rien, le jeune homme ne se voyait pas passer une vie d'oisiveté pourtant. Simplement, il avait possibilité de faire quelque chose pour lui, et non pas pour ne pas finir à la rue ou faire plaisir à des étrangers.

Il avait le luxe de pouvoir prendre autant de temps que possible pour se décider. Pourtant, il n'avait pas attendu deux semaines avant de trouver un emploi. Il travaillait de chez lui, ce qui lui convenait parfaitement.

Il s'était convaincu qu'il avait besoin de s'occuper parce qu'il s'ennuyait.

Au départ, ce travail avait été une sorte de plaisanterie. Une façon de se forcer à retrouver le sourire, même s'il n'avait personne avec qui partager le comique de la situation.

Puis il s'était plus ou moins attaché à sa nouvelle profession, travaillant avec un sérieux qu'il n'aurait jamais cru pouvoir mobiliser... surtout dans ce domaine particulier.

N'ayant aucun diplôme valide côté moldu, il avait improvisé. Il était habitué de foncer impulsivement tout en se débrouillant au dernier moment, comme il le pouvait. Et il avait agi de même.

Se souvenant des cours de Trewlaney avec amusement, il avait postulé pour un magazine moldu et il rédigeait désormais les horoscopes. C'était un lien avec son ancienne vie.
Comme un pied de nez supplémentaire, il avait choisi comme pseudonyme Sybille, et il se faisait passer pour une femme pour brouiller davantage les pistes. Si d'aventure un sorcier tombait sur ses prédictions farfelues, il n'irait pas imaginer que Harry Potter se dissimulait derrière les pages voyance d'un magazine féminin bas de gamme.

Ses employeurs n'étaient pas regardants tant que leurs lecteurs étaient satisfaits.

Et ils l'étaient, au point que peu à peu, ses attributions s'élargissaient... Il avait reçu des félicitations pour ses prédictions pleines d'humour. Après tout, il avait gardé la même méthode que celle qu'il utilisait lors des cours avec Trewlaney : tout inventer. Malgré tout, en plus des horoscopes, il avait désormais en charge une rubrique de conseils aux lecteurs.

L'arrivée de Drago changeait les choses, bouleversait ses habitudes.

Il était fier de ce qu'il faisait, puisqu'il s'était débrouillé seul, sans que personne ne se doute que c'était Harry Potter, le héros du monde sorcier derrière la personnalité de Sybille. Il n'avait pas été engagé pour son nom ou sa célébrité, mais bel et bien parce qu'il avait su faire ses preuves.

Pour autant, c'était son jardin secret en quelques sortes. C'était une partie de sa vie qui n'appartenait qu'à lui, et qu'il n'était pas prêt à partager si peu de temps après enfin avoir goûté à la normalité et à l'anonymat.

Pire encore, il aurait pu se dévoiler face à un ami comme Neville par exemple - il savait que son ami ne le jugerait pas ou ne se moquerait pas. Mais Drago Malefoy... Il ne pensait pas que le Serpentard ne puisse le prendre au sérieux.

Il pouvait presque entendre les moqueries et les ricanements. Les regards chargés d'amusement.

Harry repoussa ses pensées maussades et s'enferma dans son bureau pour travailler un peu pendant que Drago se reposait dans la chambre qu'il lui avait montré.

Cette fois pourtant, il avait un léger souci d'inspiration. Là où il ne manquait jamais d'imagination pour formuler ses horoscopes, il bloquait sur chaque mot.

En se relisant, Harry grogna en marmonnant.

- Sérieusement... Le mois sera déclaré durable, puissant et bon ? Ça ne veut rien dire ça !

Avec un soupir, il abandonna, sortit de son bureau et le verrouilla avec soin. Puisqu'il ne pouvait pas travailler, il allait cuisiner. Après tout, il avait un invité !

Harry était dans la cuisine depuis un bon moment, préparant des lasagnes d'un air absent. Il avait développé un goût certain pour la préparation de ses repas, trouvant du réconfort dans une activité où il n'avait pas besoin de réfléchir.

La seule fois où Severus Rogue l'avait surpris en pleine cuisine lors de l'une de ses visites, il l'avait observé d'un air impassible. Un sourire avait étiré ses lèvres et il avait fait un commentaire sur son étrange don en cuisine alors qu'il n'était pas capable de se débrouiller en potion.

Harry sursauta brusquement en entendant un rire derrière lui.

- Comment tu peux cuisiner alors que tu ne parvenais pas à brasser la plus simple des potions, Potter ?

Le Gryffondor se retourna et leva les yeux au ciel en soufflant.

- Je ne vois pas le rapport.

- Tu prépares tes ingrédients pour cuisiner à la perfection mais tu es incapable de le faire pour les potions... Enfin, compte tenu de ce que je vois ici, ce n'est pas un problème de capacité mais plus de volonté !

Harry mit le plat au four et claqua la porte avant de croiser les bras en s'appuyant contre le plan de travail. Drago haussa un sourcil avec un rictus amusé.

- Si Severus savait ça...

- Il est au courant, il vient régulièrement.

Drago avança avec un air intéressé.

- Vraiment ? Et quelle est exactement la raison de ta soudaine entente avec mon si gracieux parrain ?

Harry se ferma et se frotta le visage.

- Et bien tu lui demanderas à l'occasion. Il serait surprenant qu'il ne vienne pas voir si nous ne nous sommes pas entretués !