Vivre pour le raconter

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Pendant la bataille de Poudlard, Drago avait eu l'intuition que Potter allait tuer le Seigneur des ténèbres. Son camarade dégageait une telle prestance et une telle puissance, qu'il ne pouvait que vaincre. Excepté les Serpentard - trop attachés à leur famille Mangemort ou trop peureux pour prendre position - tous s'étaient massés derrière lui.

Il avait su que sa vie allait prendre fin. Il avait la marque des ténèbres et personne ne s'arrêterait sur le fait qu'il était encore un enfant qui n'avait pas eu le choix. Un enfant qui avait fait ce qu'il avait pu pour aider ses parents.

Malgré ce que ça impliquait pour lui et sa famille, il avait été soulagé de voir Harry Potter vaincre et survivre à toute cette folie. Ils avaient échangé un regard, et Drago l'avait perdu de vue lorsqu'il s'était laissé attirer par sa mère dans une étreinte de réconfort.

Les Aurors étaient venus vers eux, mais son rival s'était interposé et les avait empêché de les emmener. Il avait eu l'air bien plus vieux que ses dix-sept ans à cet instant, en les défendant sans hésitation.

Ils avaient eu une semaine de répit. Une petite semaine au Manoir, terrés, à sursauter à chaque bruit, où ses parents avaient peur d'être rattrapés par leurs erreurs. Drago pour sa part était dans une sorte d'hébétude passive. Il avait perdu le goût de vivre.

Puis les Aurors étaient arrivés et les avaient emmené. Ils avaient été jetés à Azkaban, sans ménagements.

Drago aurait pu en vouloir à Potter de leur avait fait miroiter l'absolution puis de leur retirer brusquement la liberté. Mais au final, il n'avait pas la moindre chose à reprocher au Gryffondor. Bien qu'il soit silencieux et calme, les gardiens d'Azkaban le bousculaient et le frappaient régulièrement. Il encaissait sans broncher, il avait perdu toute combativité.

Le jour de son procès, il savait qu'il allait être condamné. Les détraqueurs avaient été bannis puisqu'ils s'étaient placés du côté de Voldemort, donc il échapperait au baiser. Mais il finirait probablement ses jours à Azkaban, et il serait probablement victime d'un tragique accident dans les mois à venir.

Face au Magenmagot, il n'écoutait même pas. Il avait l'impression d'être spectateur d'une vaste mascarade.

Et puis, il était arrivé. Drago avait croisé ses yeux verts brillant de malice alors qu'il enlaçait sa mère et avant qu'il n'ait le temps de comprendre ce qui se passait, il était libéré. Il avait remercié Potter, sans savoir exactement pourquoi il avait droit à une seconde chance.

Sa nouvelle vie était loin d'être aussi plaisante que son enfance. Les Malefoy étaient mis au ban de la société. La richesse qu'il leur restait - suffisante pour garder leur train de vie, mais loin de pouvoir acheter la complaisance du monde sorcier - ne pouvait rien pour que Drago se sente vivant de nouveau.

Plusieurs fois, il avait pensé quitter le monde magique. Il s'était longtemps demandé s'il serait capable de vivre comme un moldu, anonyme. A chaque fois, le regard triste de sa mère le retenait. Lucius en prison, elle n'avait plus que lui après tout.

Une fois de plus, tout avait basculé lorsqu'il avait échappé à plusieurs attaques. Sa mère voulait le cloîtrer au Manoir, alors qu'il haussait les épaules en ne changeant rien de ses habitudes. Severus était intervenu, porteur d'une solution, comme toujours.

Il l'avait convaincu de venir demander l'aide de Potter en personne, et sa mère s'était jetée sur l'occasion pour l'éloigner du danger.

Drago aurait pu se rebeller, mais il était définitivement un trouillard. Alors comme toujours, il avait obéi. Il avait écouté les instructions de son parrain en silence, sans émettre une objection. Pourtant, il avait trouvé le discours de Severus humiliant. Il s'était senti dans la peau d'un gamin immature, alors que son parrain lui répétait de ne pas provoquer Potter puisqu'il était le seul à pouvoir l'aider.

Il n'avait même pas songé à se rebeller lorsqu'il avait découvert qu'il devait vivre chez Potter pour une durée indéterminée. Il s'était résigné.

A sa grande surprise, le Gryffondor ne l'avait pas mis à la porte. Il lui avait ouvert, l'avait invité à entrer et n'avait pas protesté à l'idée de l'aider.

Lui, Drago Malefoy s'était montré méprisant et infect avec lui toute leur scolarité et le fichu héros Potter ne se permettait même pas une remarque déplacée. Il le faisait entrer chez lui, lui permettait de rester, lui donnait une chambre.

Le jeune homme soupira en cherchant son hôte et le trouva dans la cuisine, occupé à préparer un plat.

Il l'observa un moment, surpris de se rendre compte que le grand héros du monde sorcier vivait seul et se débrouillait comme un grand. Il aurait pu avoir une armée d'elfes. Il aurait pu exiger n'importe quoi du monde sorcier, mais Potter restait égal à lui-même...

Il lui suffit d'échanger quelques mots - étonnement courtois - avec le Gryffondor pour soudain se demander pour quelle raison Severus Rogue, lui qui haïssait tant la famille Potter, était d'un coup devenu proche du Sauveur au point d'être le seul à connaître son adresse et au point de lui demander d'héberger son filleul avec la certitude que Harry allait accepter.

Comme Harry ne lui répondit pas sur ce point, il prit note d'interroger le Maître des Potions. Il devait avouer qu'après des jours à se laisser aller dans la morosité, à avoir perdu tout intérêt pour ce qui l'entourait, il était agréable de s'intéresser à quelque chose. Même si le quelque chose concernait le lien qui semblait unir Severus Rogue à Harry Potter.

Drago eut l'impression que la vie revenait en lui alors qu'il réfléchissait à la prochaine question qu'il allait poser au brun devant lui. Sur un coup de tête, il dit la première chose qui lui passait par la tête.

- J'imaginais que tu... partagerais ta maison avec la belette.

Les yeux verts de Harry se posèrent sur lui, et une brève lueur triste passa dans le regard du jeune homme. Puis, il haussa les épaules.

- Je suppose que la guerre a changé beaucoup de choses.

- Je suppose que je devrais te dire que je suis désolé... Mais je ne le suis pas vraiment.

Harry sourit et secoua la tête, plus amusé qu'autre chose. Malgré tout, Drago changea volontairement de sujet, préférant donner à la conversation un ton plus léger.

- Et sinon, ça fait quoi d'être un héros pour le monde sorcier ?

- Oh... Et bien je dirais qu'il faut le vivre pour le raconter !

Le poids du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant