Le poids du passé

Renversement

L'arrestation et l'internement à Sainte Mangouste de George Weasley avait probablement été le plus spectaculaire renversement de situation qui soit.

Avant que cette affaire ne soit portée à la connaissance du public, le peuple sorcier voulait massivement humilier et enfermer les Mangemorts, sans chercher à savoir s'ils étaient coupables par conviction ou s'ils avaient rejoint Voldemort pour avoir la vie sauve.

Lorsque le scandale avait éclaté, l'annonce avait eu l'effet d'un coup de tonnerre. Une fois de plus, les sorciers perdaient tous leurs repères.

Severus avait assuré que les choses avaient changé pour de bon. Qu'il avait pu se promener sur le chemin de Traverse sans récolter les habituels regards noirs. Malgré tout, Drago était toujours chez Harry.

Le Serpentard avait prétendu qu'il voulait être certain qu'il ne serait pas la cible d'un autre déséquilibré à l'instant où il poserait le pied en dehors de la maison de Potter. En réalité, il était resté pour Harry.

Le Sauveur ne parlait pas beaucoup depuis l'arrestation de George Weasley. Il n'allait pas réellement mal - il semblait tout à fait normal - excepté qu'il semblait en permanence perdu dans ses pensées. Drago savait qu'il avait été étroitement lié avec les jumeaux roux, et il espérait que sa présence l'aidait.

Drago avait rapidement compris qu'il se reprochait beaucoup de choses. Le jeune homme semblait s'être persuadé lui-même que s'il n'avait pas fui le monde sorcier pour un peu de liberté, il aurait pu aider son ami et l'empêcher de commettre les crimes qui allaient l'envoyer en prison le reste de sa vie.

Ils n'avaient pas abordé le sujet ensemble. Ils ne parlaient pas vraiment plus. Le sujet de leur baiser avait été également reporté à dire vrai. Mais Drago le connaissait parfaitement, et il avait décidé qu'il pourrait remercier le jeune homme en l'aidant à son tour. En ne le laissant pas trop vite seul.

Drago savait que c'était une solution provisoire. A l'instant même où le Gryffondor irait mieux, il partirait loin de lui. Pas forcément par choix mais juste pour ne pas lui porter préjudice. Même si les sorciers étaient plus compréhensifs avec les anciens Mangemorts, le nom des Malefoy restait entaché d'infamie...

Severus avait semblé comprendre beaucoup de choses. Il avait ce regard entendu lorsqu'il les regardait et Drago ne pouvait pas s'empêcher de rougir légèrement en se souvenant que son parrain les avait surpris en train de s'embrasser. Il avait juste demandé à Drago de le contacter quand il souhaiterait partir de chez Potter.

Il avait fallu presqu'un mois à Harry pour reprendre pied dans la réalité. Pour se sentir mieux, et oublier parfois la culpabilité dévorante qui l'avait rendu malade.

Drago avait laissé passer quelques jours avant d'annoncer son départ.

Sur le moment, le Serpentard avait été légèrement blessé : Harry avait hoché la tête en silence et n'avait pas dit un seul mot. Il avait imaginé au moins un commentaire positif sur leur cohabitation. Peut être une vague allusion au fait qu'il allait lui manquer. Parce que définitivement, Harry Potter allait lui manquer. Sans aucun doute.

Le lendemain matin, lorsque Drago s'était levé, il était d'humeur maussade. En arrivant dans la cuisine, il s'était servi son habituelle tasse de thé et s'était installé à la petite table, le regard perdu dans le vague.

D'un coup, il sursauta violemment en constatant que Harry était planté debout devant lui, le fixant, attendant qu'il ne s'aperçoive de sa présence.

- Potter ! Tu veux me tuer en me provoquant une crise cardiaque ou quoi ?

Harry était resté parfaitement sérieux, et l'avait fixé un long moment avant de parler.

- Reste.

Drago avait cligné des yeux lentement, essayant de comprendre ce qu'essayait de lui dire le jeune homme.

- Quoi ?

- Reste. Ici. Il y a la place et tu serais en sécurité. Tu pourrais voir ta mère quand tu veux. Et c'est à cheval entre le monde magique et le monde moldu.

Le Serpentard avait alors froncé les sourcils et avait secoué la tête, incapable de suivre le cheminement des pensées du lion face à lui.

- Mais... Je ne suis plus en danger Potter. Je n'ai plus besoin...

- Je ne dis pas ça parce que tu pourrais être en danger. Juste que nous avons plutôt bien cohabité et que je me suis... habitué à toi. En quelque sorte.

Drago laissa échapper un ricanement moqueur, bien que son cœur se soit dilaté sous le plaisir de constater qu'il était invité à rester. Peut être que c'était la façon dont Harry Potter lui faisait comprendre qu'il allait lui manquer.

Cependant, au lieu de se moquer gentiment, il secoua la tête.

- Ne sois pas stupide. Tu vas avoir des problèmes si tu héberges un Malefoy. Ça serait plus simple que je parte. Je ne suis pas fréquentable.

- Des problèmes ? Je ne vais avoir aucun problème, Malefoy.

- Tu sais très bien de quoi je veux parler. A ton avis, que diras le monde sorcier lorsque...

- Je m'en moque.

Drago referma brusquement la bouche après que Harry l'eut coupé. Mais il n'eut pas l'occasion de donner plus d'arguments à Harry puisque celui-ci s'enflamma.

- Crois-tu que j'en ai quelque chose à faire de ce que pense le monde sorcier ? J'ai suffisamment donné pour pouvoir faire ce que je veux. Qu'ils essaient de me donner des leçons sur comment je dois mener ma vie, après tout ce que j'ai du sacrifier !

Harry reprit sa respiration et recommença à parler, plus calmement.

- Ce que je dis c'est que je te propose de rester parce que ça me ferait plaisir. Je me moque de savoir si tu es fréquentable ou non, je sais juste que j'ai appris à te connaître et que je pense qu'on pourrait... apprécier tous les deux de continuer de partager la maison.

Drago essaya de répondre, mais Harry le coupa encore une fois.

- Avant que tu ne protestes...

- C'est d'accord.

Ils échangèrent un sourire, les yeux dans les yeux.

Pour tous les deux l'avenir s'éclaircissait. Et soudain, ils avaient tout le temps du monde pour parler des baisers qu'ils avaient échangé et qui les avaient marqué. Ils avaient tout le temps pour apprendre à s'apprivoiser et pour construire une nouvelle relation, tranquillement. Juste eux, tous les deux. Ensemble.