Le poids du passé

Seul

Il avait fallu d'une conversation pour que Drago se rende compte qu'il appréciait Harry Potter. Il avait cessé de le voir comme un rival, et il se rendait compte qu'il appréciait leurs échanges, même lorsqu'ils se disputaient.

En réaction, son premier réflexe avait été de s'éloigner. Cela pouvait paraître paradoxal... Pourtant c'était le fruit d'une longue réflexion.

Potter était ce qui ressemblait le plus à un ami. C'est pourquoi il s'écartait volontairement de lui, même si quelque part son cœur se serrait.

Il ne perdait pas de vue l'identité de Harry. Il était le Sauveur, le héros du monde sorcier.

Lui n'était qu'un ancien Mangemort au bras marqué, dont le nom était marqué par le sceau de l'infamie. Harry Potter ne le rejetterait jamais, parce que c'était dans sa nature d'être un gentil Gryffondor. C'était à lui de prendre soin de lui, sans qu'il ne s'en doute, en s'éloignant de lui-même pour ne pas lui nuire involontairement.

Excepté que les choses ne se passaient pas comme il le voulait. Plus il s'éloignait, plus Harry le poursuivait pour se rapprocher de lui. Le Gryffondor venait le trouver dès qu'il s'isolait, il l'empêchait de rester seul, à l'écart.

Ils se disputaient encore, de temps à autres. Leurs personnalités faisaient toujours des étincelles au bout d'un moment, mais ce n'était pas vraiment méchant... Ils étaient comme ça après tout.

Harry semblait décidé à ne pas le laisser s'isoler, venant le chercher inlassablement. Il trouvait toujours une excuse, plus ou moins bancale.

Jusqu'à ce qu'il l'invite à le rejoindre pour boire un verre.

Ils avaient siroté un whisky pur feu tranquillement, parlant peu, bien que le moment ne soit pas gênant. Le silence était confortable, étrangement. Ils se connaissaient suffisamment, maintenant. Ils avaient vu le pire de l'autre, au fil des années. C'était peut être pour ça qu'il n'y avait pas de gêne, puisqu'ils n'attendaient rien.

Le premier verre en avait appelé un autre, rapidement.

Ils l'avaient siroté tranquillement en parlant du passé, de leur scolarité. Ils avaient évoqué leurs disputes, régulières au fil des années. Ils avaient évité les amis de Harry - sujet devenu sensible - ainsi que les rencontres de Harry avec Voldemort.

Avec surprise, ils se rendirent compte qu'ils passaient un moment agréable. Le second verre terminé, ils se resservirent, sans même y penser. Ça semblait naturel de remplir leurs verres, pour continuer la soirée, pour avoir une excuse de rester ensemble.

Ils s'étaient installés au sol, côte à côte, leurs verres posés sur la table basse, totalement décontractés.

Alors que Harry vidait un verre de plus - il avait perdu le compte - il se laissa tomber en arrière avec un grognement exagéré.

- Je m'ennuie à être enfermé ici.

Drago gloussa en remplissant les deux verres.

- Ma compagnie ne te suffit pas, Potter ?

Leurs yeux se croisèrent, et il ricanèrent, amusés.

- C'est juste que je déteste être enfermé !

- C'est pourtant ce que tu faisais avant mon arrivée non ?

Boudeur, Harry haussa les épaules, toujours allongé au sol.

- Ouais. Avant j'avais le choix. C'était moi qui décidait.

Drago but un peu plus, avant de se laisser tomber sur le sol près de Harry, tournant la tête vers lui.

- Tu as hâte de retrouver la liberté de rester enfermé chez toi ?

Harry fronça les sourcils, réfléchissant soigneusement à la pique du blond. L'alcool lui montait à la tête, l'empêchant de réfléchir correctement. Ou d'avoir autant de répondant qu'en étant sobre.

Finalement, il se redressa pour boire une bonne gorgée, grimaçant à la brûlure du Whisky. Puis il se laissa retomber au sol en soupirant.

- Quoi que tu en penses, tu ne me déranges pas.

- Tu es ivre Potter.
- Pas plus que toi.

D'un coup, la tension monta brusquement, alors qu'ils se défiaient du regard, allongés côte à côte sur le côté.

Ses yeux gris lançant des éclairs, Drago grogna.

- C'est quoi ton problème Potter ? T'en as jamais assez de jouer les héros ?

Harry leva les yeux au ciel, d'un air agacé. Il se redressa à demi pour bousculer Drago.

L'esprit embrumé par l'alcool qu'ils avaient ingurgité, ils ne comprirent pas comment ils en arrivèrent à batailler, comme des enfants.

Jusqu'à ce que d'un coup, ils se retrouvent à s'embrasser comme si leur vie en dépendait.

Ils étaient incapable de dire qui avait initié le baiser, comment ils en étaient arrivés là alors que quelques instants plus tôt ils se battaient.

Lorsqu'ils s'écartèrent, yeux écarquillés, ils restèrent un instant figés. Puis, Harry émit un hoquet de surprise avant de se lever et de partir en courant pour rejoindre sa chambre.

Drago sursauta en entendant la porte claquer et il eut soudain la nausée.

Il pourrait toujours dire ce qu'il voulait, il ne pouvait pas se cacher qu'il était blessé par la réaction de Harry. Il se sentait terriblement mal et un début de migraine commençait à pointer. Il regarda d'un air écœuré la bouteille d'alcool presque vide et soupira.

Maintenant, il ne pouvait plus rester. Il refusait de rester dans cette maison, en compagnie de Harry foutu Potter après qu'ils se soient embrassés. Ils avaient passé la soirée à boire et si le Gryffondor n'avait pas fui, ils auraient pu prétendre que c'était l'alcool uniquement. Qu'ils ne s'en souvenaient plus.

Mais le brun avait eu l'air... perturbé ? Horrifié ? Et il était parti s'enfermer en courant dans sa chambre. Il ne pourrait y avoir que de la gêne désormais.

Drago se redressa lentement, et tituba avant de trouver son équilibre. La première chose qu'il allait faire serait d'écrire un parchemin à son parrain, pour exiger de quitter cet endroit. Même s'il devait finir enfermé dans les cachots de Poudlard en compagnie d'un ancien espion sarcastique et acariâtre.

Severus pourrait inventer n'importer quelle excuse au monde, Drago ne céderait pas d'un pouce. Et avec un peu de chance, Harry allait appuyer sa demande. Il le lui devrait bien après tout...

Le Serpentard ignora délibérément le serrement de cœur à l'idée de partir, et il mit sa tristesse soudaine sous le compte de l'excès d'alcool.

Et il décida que Harry Potter ne lui manquerait pas. Leurs disputes lui manqueraient probablement. Juste parce qu'il allait s'ennuyer à mourir.

Rien de plus. Définitivement.