Le poids du passé

Devenir adulte

Si Drago Malefoy avait été du genre à faire preuve d'honnêteté envers lui même, ou à reconnaître ses erreurs, il aurait admis que fuir la maison de Harry Potter n'était pas une bonne idée. Loin de là. C'était probablement la pire initiative qu'il ait pu prendre de sa vie à bien y réfléchir. Juste derrière n'avoir rien fait pour éviter de prendre la marque des ténèbres.

Alors qu'il était à l'abri dans une maison confortable et propre, son caractère l'avait poussé à fuir parce qu'il s'était senti vexé. Bien sûr, il pouvait toujours prétendre que leurs disputes incessantes l'avaient poussé à partir. Ou qu'il ne supportait plus la proximité du Gryffondor. Mais quelque soit la raison qu'il invoquerait, il se rendait bien compte que ça ne justifiait pas cette fuite idiote.

Cependant, alors qu'il était dans cette chambre d'hôtel sombre et miteuse, il pouvait admettre que s'il n'avait pas été aussi orgueilleux il ne serait pas dans une telle situation. Il avait voulu prouver à Potter qu'il n'avait pas besoin de lui, que lui aussi était capable de se débrouiller.

Il était majeur, il était un sorcier puissant lui-aussi. Potter n'avait rien de plus que lui. Excepté qu'il était le héros du monde sorcier et qu'il n'avait pas la marque des ténèbres gravée dans sa chair.

C'était toujours son orgueil qui le poussait à se cacher dans le monde moldu, à supporter cet endroit répugnant plutôt que de retourner chez Harry.

Le blondinet regarda une fois de plus autour de lui en soupirant et s'assura que les sorts de protection étaient toujours actifs.

Il s'ennuyait à mourir.

Tout à son idée de fuite, il avait pensé à prendre quelques affaires mais à aucun moment il n'avait imaginé que sa fuite se résumerait à se terrer dans une chambre minable et sans lumière, seul, sans distraction. S'il avait pris un livre au moins, il aurait pu passer le temps. Oublier sa situation quelques instants. Il s'était imaginé quelque chose d'un peu plus palpitant, après tout.

Il ricana soudain, en se disant qu'il aurait le temps de réfléchir à sa situation. Juste avant de se demander si rire seul était le signe d'un début de folie.

Drago soupira avant de jeter un énième Tergeo autour de lui, pensant que cette escapade lui aurait au moins permis de maîtriser les sorts de nettoyage - même si tous les nettoyages du monde ne suffiraient jamais à faire de cet endroit quelque chose de propre... Il n'osait même pas penser au nombre de germes avec lesquels il avait été en contact depuis son arrivée.

Le Serpentard sursauta alors qu'un bruit sourd retentissait soudainement. Il lui fallut quelques instants avant de trouver ce qui l'avait sorti de ses réflexions. Un hibou était à la minuscule fenêtre crasseuse, attendant patiemment que Drago ne lui ouvre.

Avec hésitation, le jeune homme se leva et entrouvrit la fenêtre, laissant l'animal entrer. Il avait décidé qu'il ne risquait pas grand chose avec ce messager-là. Drago récupéra la lettre avec précautions, et récolta une morsure dès que le hibou se rendit compte qu'il n'avait rien à lui donner. Aucune friandise, aucune récompense. Le Serpentard le chassa avec de grands gestes, agacé, et le hibou avança la tête pour le mordre de nouveau avant de partir à tire d'ailes.

Il se détendit en reconnaissant l'écriture de son parrain sur le parchemin, et se jura de lui parler de son choix douteux en matière de hiboux. Sa famille avait toujours eu des chouettes parfaitement dressées, racées. Dignes de servir leur famille...

Drago resta un long moment avec la lettre de Severus dans les mains, hésitant à l'ouvrir. Il savait pertinemment que l'homme allait lui reprocher sa fuite, et probablement exiger son retour au plus vite. Chez Potter ou à Poudlard. L'enfermer pour le mettre en sécurité, comme une petite chose fragile.

Lorsqu'il ne put plus ignorer la missive, lorsque ses pensées ne cessèrent plus de se focaliser sur son contenu, il soupira. Il était temps de savoir ce que voulait Severus. Ce que son parrain et ancien professeur attendait de lui.

Sans surprise, le ton de la lettre était au reproche. Son parrain se montrait brutalement honnête, lui reprochant sa fuite immature. Il appuyait sur son comportement idiot, sur la façon dont il s'était mis en danger, dont il avait mis en danger son entourage en partant sans précautions, sans prévenir personne.

Il n'hésitait pas à le pousser à culpabiliser en lui rappelant qu'il n'était pas le seul en danger. En s'exposant, il attirait l'attention sur Severus, sa propre mère et Potter bien évidemment.

Il lui demandait de devenir adulte, de grandir un peu. De réfléchir, et de prendre la décision qui s'imposait. Rentrer.

Drago grogna en laissant tomber le parchemin et se frotta le visage, soudain fatigué. Il se rendait compte qu'il avait fait une erreur monumentale. Il n'avait pas vraiment mesuré la portée de ses actes...

Les mots de Severus l'avaient heurté plus qu'il n'aurait pu le penser. Il détestait être vu comme un gamin irresponsable, comme un idiot gâté qui ne réfléchissait pas. Il n'avait voulu nuire à personne, il avait juste eu besoin d'espace.

La lettre de son parrain avait fait ressurgir tous ses doutes, les accentuant encore plus. Il n'avait sur-réagi que parce qu'il s'agissait de Potter. Il se serait montré moins... impulsif envers n'importe qui d'autre. Mais ça avait toujours été ainsi entre lui et le Gryffondor.

Le jeune homme regarda autour de lui, la main crispée sur sa baguette, se retenant de lancer un nouveau sort de nettoyage. Il essayait de se convaincre que ça ne servirait à rien, que quelque soit le nombre de récurages qu'il tenterait, il ne se sentirait pas mieux.

Il soupira et ferma les yeux un moment, comprenant qu'il allait devoir ravaler sa fierté et oublier ses doutes pour retourner à son point de départ. La pilule était amère mais c'était probablement ça, devenir adulte. L'âge de la raison. La preuve qu'il n'était plus ce gamin stupide qui ne pensait pas aux conséquences de ses actes.

Drago, vaincu, décida de se plier à la demande de son parrain. Il allait rentrer, au risque de se faire humilier. Il devrait supporter le regard moqueur de Potter, et probablement une bonne dose de sarcasmes mais il devrait y survivre...

Il décida qu'il partirait le lendemain matin. Un dernier signe de rébellion avant de rentrer dans le rang.