Tôt le matin

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Ils s'étaient encore battus.

Ce n'était pas leur pire bagarre, ça ne serait probablement pas la dernière. Ce n'était même quelque chose d'important. Juste quelques coups échangés, pas de quoi en garder des marques.

Si quelqu'un leur avait posé la question, ils auraient été incapables de donner le sujet de la dispute. Ils étaient à fleur de peau, stressés. Agacés d'être enfermés, reportant la faute sur l'autre d'être bloqués ensemble.

Ainsi, ils s'étaient croisés dans le couloir. Un mot en avait amené un autre et le ton était rapidement monté.

Ils avaient échangé quelques coups, s'étaient bousculés avant de repartir chacun de leur côté.

Ce n'était rien qu'un léger accrochage, un de plus, dilué dans leur lourd passé. Pourtant, Drago en resta éveillé toute la nuit.

C'était peut être la bagarre de trop, l'accumulation de trop de choses. Il avait peut être atteint la limite de ce qu'il pouvait accepter ou supporter.

Pour autant il n'en voulait pas à Potter. Il n'avait rien à lui reprocher, et il avait conscience d'avoir une dette de plus en plus conséquente envers lui. Potter l'avait sauvé, sorti d'Azkaban, innocenté et accueilli.

Plus que leur dispute, c'était probablement l'impression qu'il devenait dépendant de Harry Potter qui le gênait. Il prenait conscience qu'il se reposait trop sur lui, et il n'aimait pas ça.

Il prit sa décision tôt le matin. L'aube colorait à peine le ciel alors qu'il sortait de sa chambre un petit sac à la main.

Malgré le fait qu'il craignait d'être surpris par Harry, il prit le temps de s'arrêter dans le salon pour écrire un mot. Il fit demi-tour après réflexion pour le déposer sur le lit qu'il avait occupé depuis son arrivée.

Un dernier coup d'œil à la chambre confortable qu'il avait occupé et il soupira.

La minute suivante, il quittait la maison de Harry Potter. Il s'était enfin décidé, et peut-être qu'il reviendrait dans quelques jours un peu honteux mais au moins il aurait tenté sa chance.

Il allait se rendre dans le monde moldu et cacher qu'il était un sorcier. Il comptait passer inaperçu au maximum, oublier qu'il était un sorcier sang-pur, oublier qu'il était un aristocrate. C'était le moment pour lui de faire ses preuves, une bonne fois.

Drago soupira une fois de plus et observa longuement la maison de Potter, avec un léger pincement au cœur. Il s'y était senti bien, malgré tout. Mieux que dans le Manoir de ses parents plein de fantômes et de souvenirs douloureux.

-

Lorsque Harry se leva, il se sentit immédiatement de mauvaise humeur. Il avait mal dormi, probablement parce qu'il s'était encore battu avec Drago la veille.

Le jeune homme prépara le petit déjeuner, et mangea, les yeux dans le vague. Il comptait écrire les articles qu'il avait promis à son patron avant le réveil de Drago.

En passant devant la porte de la chambre du blond, il hésita puis haussa les épaules en s'enfermant dans son bureau. Il allait le laisser dormir, puis il s'excuserait pour l'avoir bousculé.

Dans un monde parfait, ils repartiraient sur de bonnes bases. En pratique, Harry se doutait que les choses ne seraient pas si simples. Mais ils avaient réussi à se supporter jusqu'à maintenant, alors peut être qu'ils pourraient passer au dessus de leur rivalité d'enfant...

-

Drago Malefoy se rendit compte qu'il était totalement ignorant des pratiques moldues lorsqu'il entra dans un hôtel et que l'employé lui demanda de régler la chambre en avance. Il fit mine de chercher de l'argent et prétexta avoir égaré son portefeuille pour ressortir aussitôt.

Il avait choisi un hôtel chic, digne de son rang.

Lorsqu'il sortit, il s'engouffra dans une ruelle déserte pour y réfléchir un peu à ce qu'il pourrait faire. Il allait devoir utiliser la magie pour faire croire au réceptionniste qu'il avait payé. Cependant, il devrait choisir un hôtel peu fréquenté, afin de ne pas se faire surprendre par un moldu. Les hôtels de grand standing devenaient donc hors de portée.

Drago erra un long moment dans les ruelles de plus en plus mal famées avant de trouver un établissement qui proposait des chambres. Le jeune homme hésita un long moment en voyant les lieux, craignant d'attraper une maladie moldue rien qu'en entrant à l'intérieur du bâtiment. Rien qu'en le regardant même...

Au moins, il était certain que personne ne penserait jamais à venir le chercher dans cet endroit.

Légèrement effrayé, Drago crispa sa main sur sa baguette, se jurant de lancer un sort sur le premier moldu qui s'approcherait un peu trop près de lui. Ou qui le regarderait d'une façon qui ne lui conviendrait pas.

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Harry envoya par mail ce qu'il avait écrit avant de jeter un coup d'œil à la pendule. Il était dix heures passées et la maison était toujours silencieuse.

Il fronça les sourcils, trouvant étrange que Drago ne soit pas encore levé. Habituellement le jeune homme était plutôt matinal, et Harry ne l'avait encore jamais vu dormir aussi longtemps.

Sortant de son bureau, Harry prit un livre et s'installa silencieusement dans le salon, pour ne pas réveiller son colocataire forcé. S'il voulait repartir sur de bonnes bases avec Drago Malefoy, il comptait bien ne rien faire qui puisse l'énerver.

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Drago se retrouva dans une chambre sombre et nauséabonde. Il regarda le lit d'un air écœuré, certain que la propreté n'était pas une des priorités des lieux... A cet instant, il regrettait fortement d'avoir quitté la maison de Harry, si propre et lumineuse. Le lit au moins y était accueillant et confortable.

Il soupira en plissant le nez de dégoût avant de jeter un Tergeo par précautions au couvre lit avant de s'y asseoir avec précautions.

Le matelas était désagréablement mou, et les ressorts du sommier se faisaient un peu trop sentir. Drago se releva à toute vitesse. Il ferma les yeux, se sentant au bord des larmes, avant de se reprendre au plus vite. Il avait décidé de montrer qu'il était apte à se débrouiller seul, sans personne pour venir l'aider. Il allait donc s'endurcir un peu et supporter la misère moldue. Après tout... S'il avait réussi à supporter la présence de Voldemort dans sa propre maison, s'il avait pu manger à sa table sans être malade, alors il pouvait bien passer quelques jours dans un hôtel minable avant de trouver une solution pour améliorer son quotidien.

Tout n'était qu'une question de volonté.

Le poids du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant