𝓟𝓻𝓸𝓵𝓸𝓰𝓾𝓮

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L'accouchement fut difficile. Il y eut des cris. De la souffrance et beaucoup de sang. La jeune femme, couchée dans le lit, donnait naissance, au coté de sa sœur qui la soutenait en lui tenant la main et en lui soufflant des paroles tendres à l'oreille. 

- Courage, Lena. Respire et pousse, chuchotait sa sœur en embrassant son front ruisselant de sueur. Tout va bien se passer. Oui, c'est ça. Respire bien.

Helena, les cheveux trempés, respirait péniblement. On lui mit un masque à oxygène quelques minutes. La sage-femme, une rousse rondouillarde, commandait des ordres à tout bout de champ et regardait l'endroit ou l'enfant devait sortir. Elle sourit à la future maman, pour la rassurer.

- Je vois la tête, s'écria-t-elle en se positionnant pour réceptionner le bébé. Préparez-vous à pousser une dernière fois, mademoiselle White. Et les autres, préparer les linges. Beaucoup de linge.

Son équipe bougea aussitôt. Helena poussait de toutes ses forces, ne retenant pas ses cris de douleur. C'était tellement douloureux ! Suivant les paroles de la sage-femme, l'humaine poussa une dernière fois. Elle crut qu'elle allait s'évanouir de douleur. Elle sentit le bébé sortir de son corps et la rouquine en blouse blanche avec des gants, saisit l'enfant. Dès qu'il fut sorti, il poussa un cri strident et rigoureux qui perça la pièce. La jeune femme, soulagée, laissa sa tête retomber sur l'oreiller et soupira. Sa sœur la serra dans ses bras puis se sépara d'elle pour aller voir le nouveau-né.

- Félicitations, mademoiselle ! C'est une fille ! En pleine santé.

Ils emmenèrent sa fille dans une autre pièce et Helena pleura, accrochée au lit. Elle ne parvenait plus à retenir ses sanglots. En sachant ce qu'elle allait faire...elle eut envie d'hurler sa rage et sa peine. Elle pensa à sa décision. Elle ne reviendrait pas dessus mais elle ne le regretterait pas, peut-être un jour mais ce choix serait pour le mieux.

- Nous allons vous recoudre, mademoiselle. Et mettre des glaçons, cela risque d'être désagréable. Voici une boisson fraîche. Buvez, insista la rouquine tout sourire. Vous avez perdu beaucoup de sang. Reposez-vous en attendant.

Helena fit ce qu'elle lui disait et elle sentit la fatigue retomber d'un coup sur elle. Elle mourrait d'envie de dormir mais elle voulait absolument voir sa fille. Elle ne l'avait qu'aperçue. Elle tendit les mains vers sa sœur qui revenait avec une petite chose emmitouflée dans ses bras maigrelets. Cette dernière avait un sourire jusqu'aux oreilles et elle lui donna le bébé. Dès qu'elle eut la petite fille dans ses bras, elle ne ressentit plus de fatigue mais seulement un immense bonheur.

- Elle est absolument magnifique, tu ne trouves pas ? Lui demanda-t-elle en se penchant légèrement.

Helena descendit son regard vers le nouveau-né qui avait les yeux grands ouverts. Ses traits étaient fins et incroyablement beaux. Sa petite bouche rose formait un nuage et son nez était adorable. Elle caressa ses joues d'une douceur hors du commun et la petite chose dans ses bras remua et poussa des petits sons qui émerveillèrent sa mère. Elle la pressa contre elle, admirative de cet enfant qu'elle avait porté en elle pendant neuf longs mois. Les pires de sa vie.

- Elle pèse 4 kilos 200 et mesure 52 cm. Tu nous as fait un gros bébé, Helena.

- Elle est parfaite, chuchota la jeune maman, attendrie.

Elle la garda des heures contre sa poitrine puis elle se rappela une chose. Une seule.

- Prends là, Annie, déclara Helena d'une voix froide.

Sa grande sœur, sursauta et se leva d'un bond de la chaise où elle était assise.

- Quoi ? Mais je pensais que tu avais changé d'avis.

La maman eut envie d'éclater en sanglot une nouvelle fois. Elle tendit sa fille à sa sœur, refusant de la garder. Elle ne pouvait tout simplement pas. 

- Helena, s'il te plait.

Sa sœur l'implora mais elle ne se laissa pas faire.

- Annie, je t'en prie. Choisis lui une bonne famille. La meilleure que tu trouveras. Et fais en sorte qu'elle ne manque de rien. J'ai mis de l'argent de coté pour elle. Elle pourra faire de grandes études ou même voyager à travers le monde. Il y en a assez pour toute sa vie. Elle vivra une existence heureuse et ne souffrira de rien, tu m'entends ? Je sais que tu peux lui faire ça et lui offrir. Moi, je ne peux pas.

C'était tellement difficile qu'elle faillit craquer. Non, elle ne le pouvait pas. Elle devait garder sa décision. Ne pas penser à elle mais à ce petit bout qu'elle avait créé.

- Sœurette, tu vas le regretter, essaya-t-elle de lui faire changer d'avis. Merde Helena ! C'est ta fille ! Ne fais pas ça. Toute sa vie, elle va ressentir un manque, qu'importe ses parents adoptifs ! Et imagines si on en trouve pas ? Et toi ? Tu vas fuir jusqu'à ta mort ? Il te retrouvera, Helena et sois-en sure qu'il saura absolument tout dès qu'il te verra !

IL. Ce fameux IL. Helena pensait à lui chaque seconde qui passait. Elle avait fui. Elle avait tout plaqué, quitte à faire mal aux gens qu'elle aimait. Et sa sœur était la seule avec qui elle avait gardé contact. Personne ne savait si Helena était encore vivante. Surtout pas lui. S'il connaissait toute la vérité, il remuerait ciel et terre pour la retrouver. Et Helena ne le souhaitait surtout pas. C'était fini. Tout était fini. Absolument tout.

- Annie, dit-elle seulement.

La grande blonde maigrelette s'empara du bébé et le berça doucement. Elle refusait de pleurer. Elle était tante, en plus. Mais cet enfant ne le saurait jamais.

- D'accord, Helena. Je ferai mon possible. Je t'appellerai. Repose toi.

Helena embrassa délicatement son bébé sur le front, et garda ses traits en mémoire. Elle ne l'oublierait jamais. Annie prit ses affaires, l'enfant dans les bras et s'éloigna. Mais avant de passer la porte de la chambre, elle s'arrêta et se retourna vers sa sœur, allongée dans le lit. Celle-ci était grisâtre, avec d'horribles cernes sous les yeux, ceux-ci menaçant de déverser une rivière de larmes. Et elle venait d'avoir tout juste vingt ans. A ses yeux, c'était encore un bébé mais pendant ses derniers mois, elle avait énormément pris en maturité. Elle était fière d'elle malgré l'épreuve qu'elles vivaient toutes les deux.

- Comment veux-tu l'appeler ?

Helena battit des paupières, résistant au sommeil et regarda fixement sa sœur, surprise.

- Haley, appelle là Haley. Crois-tu qu'elle me pardonnera un jour, Annie ?

- J'en suis persuadée, ma Lena.

Les liens d'amour - Aime moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant