Tu seras un homme ( Vanitas no carte )

Chapitre 19

Noé

_19h00

Au volant de ma « deuxième surprise » – une mercedes benz noire offerte par mes parents –, en route vers la demeure des Sade, je me repasse encore et encore la dernière conversation que j'ai eu avec mon père après le repas. Il avait l'air si sûr de lui, avec son air pincé et son regard signifiant « quoique tu en penses, les choses seront faites à ma manière. » Je n'ai pas le choix. Ça a toujours été comme ça, avec lui.

Tout en garant la voiture devant l'impressionnante bâtisse que je connais depuis tout petit, je me convaincs d'effacer Vanitas de ma mémoire. Lui et toutes les choses que nous avons construis. Les longues conversation jusqu'au petit matin, les regards complices, les baisers furtifs et la confiance de sa part que j'avais enfin réussi à obtenir... Tout ça, c'est terminé. Cela doit se terminer.

Dominique surgit de derrière le rosier dont l'automne n'a laissé que des feuilles ternies par le froid et longe le mur en vieilles pierres jusqu'à me rejoindre. Elle s'est changé et porte une robe à sequins noirs épousant ses formes à la perfection et a ramené ses cheveux en une queue de cheval.

- Wah ! s'extasie-t-elle devant la carrosserie. Elle est magnifique !

J'ai l'impression de la revoir bien des années en arrière, lorsque ce regard pétillant était réservé aux cadeaux que nous ramenait son grand père de ses multiples voyages. A l'époque, elle rêvait d'ours en peluche, de jupes en tulles, de rubans blanc et de contes de fée.

Incroyable que ça ait autant changé.

- Peut-être. Mais était-ce vraiment utile ? je demande dans un soupire

Elle grimpe sur le siège à côté du mien, touche la matière du bout des doigts, sourit d'un air satisfait.

- Evidemment ! rétorque-t-elle. Il manquait le rétroviseur sur l'ancienne.

- Mmh, tu peux me rappeler à cause de qui déjà ?

- Je ne vois pas du tout de quoi tu parles..

Je m'apprête à lui raconter la foi où elle a insisté pour emprunter ma voiture et a frôlé un mur d'un peu trop près, mais elle plaque sa main sur ma bouche avant que je n'ai le temps de commencer ma phrase.

- C'est bon, c'est bon ! Ça me revient !

Nous éclatons de rire tous les deux. Je passe la première, appuie sur l'accélérateur et nous voilà parti en direction du restaurant le plus réputé de la ville.

Lorsque nous arrivons, l'intérieur et même la terrasse sont bondés de monde en ce samedi soir. Pourtant, un serveur vient directement à notre rencontre, vêtu d'un gilet de costume noire et d'une chemise parfaitement boutonné jusqu'aux manches, et nous guide vers une table pour deux personnes situé juste à côté de la baie vitré donnant directement sur la ville. Une bougie recueillie au creux d'une lanterne en métal noir éclaire les assiettes et la table en marbre d'une douce lueur.

- La meilleure table, annonce-t-il en nous la présentant d'un geste de la main. Comme signalé lors de votre réservation.

Je sais que mon père est derrière tout ça mais je ne dis rien et contente de m'asseoir tout en l'écoutant nous présenter le plat du jour et la carte des vins. Dominique insiste pour avoir une bouteille entière du meilleur grand cru de l'établissement. Jouant à la perfection mon rôle de petit ami dévoué, je lui cède.