4 ans plus tôt
- Tu as toujours adoré la mer, non ?
A cette interpellation, Vanitas leva le nez de son portable et fronça les sourcils. Il prit le temps d'observer les ridicules parasols bleus plantés dans une vaste étendue de sable, les gens parés de maillot de bain colorés installés confortablement sur leur transat, les gamins chahutant sur le sentier bétonné, les immenses pots contenant des cocotiers pourtant étrangers au paysage, les toits en ardoise qu'on observait de l'autre côté du fleuve, par delà le mur encadrant la rive..
- C'est pas la mer, c'est Paris plage, s'agaça-t-il.
Et puis, comme si le ton hautain employé ne suffisait pas, il roula des yeux. Une manie qui, il l'ignorait encore, le poursuivrait bien des années plus tard.
- Sois pas rabat-joie, Van'. Tu adorais venir là, quand tu étais petit !
Son père sourit patiemment, les yeux rieurs, détendu. Il avait les cheveux clairs, légèrement doré par le soleil, un visage ouvert et avenant, une silhouette élégante, une montre armani au poignet. La seule chose qu'il partageait avec son fils était l'iris de ses yeux bleus éclatant. Pour le reste, on n'aurait jamais juré qu'ils soient de la même famille.
- Arrête de m'appeler comme ça.
Vanitas ne pouvait pas le supporter. Ses parents ne s'étaient pas donnés la peine de lui donner un prénom aussi difficile à porter pour qu'il soit simplement réduit à trois petites lettres dans la bouche de son père.
Ils avaient décidé de l'appeler ainsi après avoir entretenu une conversation un peu trop tardive et philosophique à propos de la mort et de la vie, de l'existence et du passage sur Terre. Ils s'étaient rappelé des vieux cours d'histoire des arts sur les vanités, avec des peintures, des crânes, des instruments de musique, des bulles de savon. La vie est courte.. Et si on le gardait ? Ils n'avaient pas d'argent, pas d'emploi, pas de bagues aux doigts, pas de famille pour les épauler, juste un pauvre vingt mètre carré sous les toits de Paris, un test positif et des têtes pleines de rêves. Ils pensaient que ça suffirait.
- Allez, souris un peu ! insistait son jeune – très jeune – père. Tu veux qu'on aille s'acheter des glaces ? A l'italienne, bien sûr. Ce sont tes préférées si je me souviens bien ?
- Quand j'avais quatre ans, oui.
Nouveau coup d'oeil vers le ciel bleu du mois de juillet et le soleil d'une chaleur écrasante. C'était une véritable torture pour l'adolescent de quatorze ans ; ses vêtements étaient trop lourds, trop noir pour la température ambiante, et sa côte droite lui lançait à chacun de ses pas. Il se demandait quand est-ce que cette foire aux belles paroles et aux faux sourires allait cesser. Il n'avait pas envie de se réconcilier avec son père. Pas maintenant. Sûrement jamais. C'était trop dur. Trop tard.
Ils marchaient tous les deux en silence sur le chemin en goudron brûlant, entre les mères occupées à essayer de tempérer l'excitation de leurs enfants riant et courant dans tous les sens en maillot de bain, les mains collantes, les pieds pleins de sable. Vanitas les regardait en se disant qu'il leur avait sûrement ressemblé un jour, il y a longtemps, lorsqu'il était petit, naïf et insouciant, lorsque la vie semblait encore facile et que son avenir lui tendait des bras plein de promesses.
- Je fais des efforts, Van', tu sais.
- Super ! Personne ne t'a demandé d'en faire.
Son père se passa une main embarrassée dans les cheveux.
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Tu seras un homme ( Vanitas no carte )
FanfictionPas facile d'être un garçon dans une société aussi exigeante que la nôtre ! Surtout lorsque certaines obligations masculines vont à l'encontre de notre propre vision des choses... Pas vrai, Noé ?