Chapitre 24

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Vanitas


_10 novembre

C'est compliqué de vivre avec une personne tout en essayant de l'éviter par tous les moyens. Chaque matinée est une occasion pour le croiser devant sa tasse de café ou dans l'entrée en train d'enfiler sa veste. Chaque soir est le meilleur moyen pour le rencontrer aux douches communes dans le plus simple appareil, ou assis devant la table basse en train de travailler son mémoire sur son ordinateur portable et de le voir se tirer les cheveux lorsqu'il semble en difficulté. Chaque moment, en vérité, est une excuse pour l'admirer, accoudé à la rambarde du balcon, en train de fumer une cigarette tandis que ses cheveux dansent avec le vent du mois de novembre. Naturellement, il tente de me rattraper lorsque je fuis, me demande de lui expliquer ce qui ne va pas et, la gorge serrée, me supplie de rester. Mais nous savons tous les deux que je suis bien plus doué que lui à ce jeu là.

Le soleil de ce matin m'agace profondément lorsque je le vois passer au dessus des immeubles résidentiels du campus. Tout comme la masse d'étudiants attardés avançant dans la même direction que moi. Comme le poids de mon sac de cours sur les épaules. Comme ce chemin de pavé granit mal terminé menant tout droit à l'université que je n'ai pas utilisé depuis beaucoup trop longtemps. Et comme la vue de Dante qui, au bord du trottoir, est en train d'essayer de réparer sa sorte de scooter tombant en ruine.

Pour une fois il n'est pas accompagné de Yohan, mais de Trix qui le regarde torturer sa machine d'un air désemparé. C'est trop bizarre de ne pas les voir tous les deux. Presque flippant, même. C'est comme si je venais de découvrir que l'un pouvait exister sans l'autre.

Bien qu'il soit à peine huit heures du matin, que la journée promet d'être longue et que je ne sois pas du genre à parler pour rien dire, je me sens particulièrement en forme aujourd'hui. Pour les vacheries, j'entends.


- Tu crois vraiment que c'est le moment de jouer les mécano, Dante ?

- T'as pas quelqu'un d'autre à aller emmerder, toi ? fait mon ami sans même lever le nez de sa tâche mais en agitant un petit objet métallique composé d'une tige et d'un boulon dans ma direction.


Je ne m'y connais pas en mécanique, mais je suppose que ça doit être une pièce détachée de sa bécane. Il doit être le seul étudiant sur terre à se balader avec ce genre de matériel sur lui.. Je l'imagine alors, tel un magicien, sortant des clés à molettes à l'infini du fond de son sac de cours.


- Non, je lui réponds avec un sourire.


Malheureusement pour lui, je m'ennuie. Cela fait presque une semaine que je ne m'amuse plus avec Noé. Je n'ai plus l'occasion de le taquiner sur ses cheveux décoiffés au réveil, ni sur ses piètres talents de cuisiner, ni sur sa manière pitoyable de plier les t-shirts, ni sur sa façon de passer le balai.. Je passe si peu de temps à l'appartement que je n'ai même plus l'occasion de me disputer avec lui pour savoir quelle chaîne mettre à la télévision, c'est dire ! D'ailleurs, je devrais peut être lui dire un jour que je m'en moque complètement et que je fais ça juste pour le voir enrager.


- Il a voulu me faire plaisir, intervient Trix d'un air coupable. J'ai insisté pour qu'il m'emmène à l'université avec, et..

- Et maintenant elle est foutue ! s'emporte le rouquin en bondissant sur ses jambes.


Puis il donne un coup de pied rageur du bout de sa Dr Martens dans le tas de ferraille, ce qui ne manque pas de me faire éclater de rire. Ce n'est pas que j'aime rire du malheur des autres, mais lorsque c'est Dante qui s'y met c'est toujours hilarant. J'adore le voir devenir tout rouge et sauter partout comme un excité, les cheveux en pétard et une veine dessinée sur le front.

Tu seras un homme ( Vanitas no carte )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant