Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternité

IV

Abasourdie, Charlie dévisagea le monarque d'un air totalement ahuri, sentant presque sa mâchoire lui tomber. Venait-il de prétendre mieux connaître son amie et Guillaume qu'eux-même en leur mettant sous le nez le fait que les mariages inter-Don n'avaient pas marché avant ? 

Elle fut encore plus bouleversée en remarquant que son amie n'avait pas répondu à l'offensive, et paraissait même entrain de réfléchir consciencieusement aux paroles du souverain. Si Natacha ne se bougeait pas pour garder la chance d'épouser un jour l'homme qu'elle aimait, bien malgré elle semblait-il, la jolie brune se promit qu'elle le ferait. Et qu'elle s'y appliquerait dès maintenant. Prenant la parole pour la seconde fois, elle laissa libre cours à sa véhémence, chagrinée par le fait que Natacha accorde si peu d'importance à sa propre vie sentimentale, préférant mettre en avant ses obligations de Don à chaque décision qu'elle prenait ou ne prenait pas, et cela dans le but d'éviter l'épineuse question de ses sentiments sur lesquels elle n'avait pas de contrôle.

" Et bien, votre sérénissime Majesté, je vous prierai de croire qu'il n'en est rien. Déclara posément la brunette, en fixant le monarque avec intensité. Vous ignorez tout du lien qui peut unir les deux amoureux qu'ils sont, qui plus est deux dons unis entre eux par l'espoir de vaincre un jour les ennemis de l'humanité. Peut-être pourriez vous laisser une chance à ces deux âmes, parce que vous savez comme moi que le rôle de Don est bien plus difficile qu'il n'y paraît ! Ils donnent leur vie au service d'une cause, et bien peu d'entre eux ont la chance de se marier, de fonder une famille, pour la simple et bonne raison qu'ils n'ont ni le temps ni le partenaire idéal.

- Que voulez vous dire par "partenaire idéal "? L'interrompit-il, soudainement absorbé par le monologue de sa convive et intrigué par son aplomb.

- Écoutez votre majesté. Guillaume et Blanche sont des dons tous les deux. Ils comprennent parfaitement l'un comme l'autre ce à quoi ils sont exposés. Ils sont ensemble en toutes circonstances, ils ont la possibilité de vivre leur relation en comprenant totalement ce que l'autre vit. Je pense que l'amour entre un Don et entre une personne qui n'est pas un Don est bien plus compliqué à gérer...Ils ont cette opportunité et ils s'aiment, et vous voudriez leur interdire ? "

Presque essoufflée par sa tirade, Charlie chercha du soutien dans les yeux noisettes de Natacha, mais n'y vit qu'un étonnement sans fond mais pas l'once d'un encouragement pour ses paroles. Quant au monarque, il était agréablement surpris d'être en compagnie d'une femme aussi convaincante et persuasive. En quelques mots, elle venait de renverser son jugement et de le mettre d'accord avec cette union de prime abord délicate. Impressionné malgré lui, connaissant la naïveté et la bêtise de la plupart des femmes qu'il côtoyait, il répondit à l'adresse de la blondinette cette fois-ci, pensif mais à la fois amusé par la verve employée par son interlocutrice :

" Vous avez probablement raison...Merci, jeune damoiselle d'avoir éclairé ma lanterne. A vrai dire, en souhaitant votre rencontre, j'ignorais encore si je cautionnais ou non vos fiançailles et votre mariage...Mais il me semble à présent impossible de refuser quoique ce soit, après avoir entendu vos arguments..."

Charlie hocha fièrement la tête, et sourit de toutes ses dents au trentenaire qui lui faisait face. Enfin quelqu'un qui avait la bonté de reconnaître ses qualités d'oratrice. Elle esquissa une micro révérence, sous le regard amusé du monarque, consciente qu'elle avait néanmoins parlé de manière peu respectueuse face à un homme qui possédait tous pouvoirs en cette époque et que par conséquent ses prouesses orales n'étaient peut-être pas à renouveler tous les quatre matins. Natacha quant à elle, était parfaitement stupéfaite et même déboussolée par la prise de parole de Charlie. Elle n'ignorait pas que sa meilleure amie voulait absolument la voir au bras du châtelain de Cheralye, mais elle ne s'était pas attendue à ce que la demoiselle mette autant de cœur et d'esprit pour défendre cette idée. N'était-elle pas celle qui lui en avait voulu de repartir au Moyen-Âge avec Guillaume ? Où était passée sa possessivité à l'égard de leur amitié ? A présent, elle souhaitait uniquement les voir ensemble, comme si elle voulait caser la blondinette, et ne plus en avoir à s'en préoccuper... Encore sous le choc, Natacha n'entendit pas les portes de la salle s'ouvrir, ni Guillaume et Tristan pénétrer dans la pièce.