Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternité

XX

Une fois arrivés à Montombe, la petite troupe n'avait pas perdu son temps et s'était presque jetée dans la salle de travail d'Athanase. Le vieux moine s'était montré extrêmement surpris de les voir ainsi débarquer sans même l'avoir prévenu de leur retour à l'abbaye. Et c'est dans l'espace exiguë où il avait pensé trouver un peu de paix après une longue journée de travaux, l'habit couvert de poussière et les yeux soulignés de cernes noires, signes d'un départ précipité et d'un voyage visiblement écourté au maximum, que les nouveaux venus expliquèrent gravement le motif de ce débarquement impromptu.

"J'ose espérer que vous n'êtes pas sérieux finit par déclarer Athanase en observant avec sévérité la petite assemblée devant lui, dès que Natacha l'eut informé de la nouvelle concernant sa meilleure amie, n'osant pas croire que cette révélation fusse avérée.

En effet, les conséquences de ces découvertes n'étaient pas seulement alarmantes et infiniment tristes pour le jeune époux, mais elles étaient d'une gravité extrême, une véritable catastrophe qui pouvait mener l'humanité vers une fin certaine. Dieu seul connaissait l'esprit vil et pernicieux des suppôts de Satan en personne. La vie de la demoiselle était non seulement menacée mais la leur et celle de millions d'êtres innocents l'étaient aussi. Sentant les force lui manquer lorsqu'il vit le regard empreint d'une sincérité à toute épreuve de chaque âme présente, Athanase s'effondra dans son fauteuil de travail. Que Dieu leur vienne en aide, l'Apocalypse venait certainement de débuter.

" Croyez moi, j'étais bien la dernière personne à m'y attendre, soupira Natacha pour toute réponse, encore incapable de peser le pour et le contre concernant cette nouvelle information, ne désirant pas faire face aux conséquences de cet enlèvement.

En réalité, la demoiselle était bien plus inquiète pour sa meilleure amie que pour son statut de Don, et serait partie à sa recherche même si elle n'avait pas obtenu l'approbation du moine. Cependant, compte tenue du rôle de Charlie nouvellement dévoilé, ce dernier se trouva loin d'être récalcitrant à une quelconque mission de sauvetage. Il les incita même à se presser pour former un plan malgré son air déboussolé et s'empressa d'envoyer un moine faire quérir les autres dons présents au sein du monastère.

 Cupio était probablement le péché capital le plus puissant. Quand bien même le plus dangereux d'entre eux était sans conteste Superbia du fait de sa haine inconditionnelle envers eux qui le rendait parfaitement instable, le péché de l'envie avait des projets mystérieux, et cela le rendait d'autant plus menaçant et imprévisible. En outre, l'attraction étrange qu'il semblait éprouver pour la jeune femme brune était loin d'être saine. Rattrapée par l'anxiété, Natacha  se hâta de proposer ses idées afin de préparer une mission de sauvetage. Le gardien de Charlie venait de partir pour rendre visite à la captive, et la jolie blondinette attendait déjà son retour, la boule au ventre. 

Si cette pourriture de démon de l'envie avait touché à un seul cheveu de sa meilleure amie, elle n'allait pas faire dans la demie-mesure. Le regarda chargé d'amertume et de colère, Guillaume se sentit tout petit lorsqu'il croisa les iris noisettes de sa fiancée. Il lui avait semblé que les foudres du très-haut venaient de s'abattre sur lui, même s'il n'était pas l'objet de la colère de sa Dame. Celle-ci se radoucit en remarquant qu'il l'observait. Laissant ses iris plonger dans l'acier du regard de son fiancé, la jolie demoiselle sentit que la fureur qui bouillait en elle s'apaisait lui laissant certainement le temps de retrouver des idées plus claires qui leur permettraient de récupérer la kidnappée au plus vite. Se rapprochant furtivement de lui, la blondinette lui signifia silencieusement qu'elle avait besoin de son étreinte, chose que le concerné n'eut aucun mal à comprendre ayant lui-même le désir de la serrer contre lui pour la rassurer. En effet, cette tempête qui faisait rage dans l'esprit de la jeune femme n'était qu'un masque pour dissimuler le sentiment de terreur qu'elle cherchait à étouffer du mieux qu'elle le pouvait. Une fois qu'elle fut à sa hauteur et sans prendre le regard des autres en considération, Guillaume enlaça le corps frêle et éreinté par le voyage si précipité et l'anxiété de sa compagne, qui sentit le poids du monde s'éloigner légèrement de ses épaules une fois blottie dans la chaleur rassurante de l'étreinte qu'il lui offrait. Épuisée, la demoiselle se sentit malgré elle attirer dans les prémices d'un sommeil profond, son corps n'ayant plus la force de lutter, vidé de toutes formes d'énergies. Ainsi dans les bras confortables de Guillaume, elle se laissa légèrement somnoler espérant que ces quelques minutes l'aideraient à rattraper ce sommeil qui lui manquait cruellement.