XII

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Après de longues heures de chevauchée Guillaume arriva enfin à destination et il descendit de sa monture ébène, épuisés tout deux par tant d'heures de voyage. Raven était le plus solide étalon qu'il lui ait été donné de posséder mais il n'en demeurait pas moins qu'il avait une limite à son endurance. Contrairement à la précédente forteresse qui se trouvait au delà d'une immense forêt, ce nouveau château avait été étrangement creusé à même la pierre dans un escarpement rocheux, lui conférant l'avantage de ne pouvoir être attaquée que d'un seul côté. Il avait appartenu à un Baron complètement fou qui était mystérieusement décédé laissant sa demeure et ses terres à l'abandon, mais les rumeurs d'un maléfice ayant été jeté sur les lieux avaient suffit à dissuader un quelconque brigand de s'y rendre. Continuant l'observation de son entourage le jeune châtelain ne fut pas surpris de constater que la faune et la flore des lieux semblaient avoir fuit. Par ailleurs, Raven ne semblait pas ravi de s'y trouver et se mit à piaffer d'impatience, comme gêné par quelque chose. Athanase ne s'était donc pas trompé, cet endroit devait être familier à leur ennemi, pour que toute vie le déserte comme la peste.

Jetant un regard au ciel pour voir combien de temps il lui restait avant la nuit, le jeune homme fut étonné de voir l'astre diurne en pleine fin de course : il ne rentrerait pas au château des De Vair ce soir... Trop focalisé sur ses pensées pendant la traversée des terres, il n'avait pas vu les heures défiler. Inutile de chercher plus longtemps pourquoi son cheval semblait épuisé. Jetant un regard au château à l'air abandonné, Guillaume hésita. S'il se lançait maintenant dans l'exploration de celui-ci, il y avait fort à parier qu'il y serait encore pendant la nuit ce qui ne tournait pas forcément à son avantage... Cependant, quelque chose lui disait qu'il devait y aller, qu'un mystère qui devait le concerner de près l'attendait là-bas. Incapable de reléguer cette gêne qui l'assaillait dans un coin de sa tête, il finit par céder face à celle-ci et abandonnant Raven sur le sentier pierreux près d'une vieille souche. Il s'élança vers la bâtisse délabrée, tout en priant intérieurement pour que le mauvais pressentiment qui venait lui titiller l'esprit ne soit pas aussi dramatique qu'il en avait l'air. 

Une fois arrivé dans ce qui devait être autrefois la cour du château, le géant brun redoubla de prudence sentant puissamment l'aura malfaisante de l'adversaire et espéra que la sienne passe inaperçue. S'il venait à affronter les démons, ils y avaient peu de chances pour qu'il s'en sorte vivant, il devait donc absolument tout miser sur ses capacités en terme de discrétion. Une fois à l'intérieur des murs de l'enceinte, le jeune homme fut frappé par le contraste avec l'extérieur. En effet, si la chaleur de l'été était réellement présente au dehors, il sembla à Guillaume qu'il venait de mettre un pied en plein hiver, lui arrachant un long frisson. De petites volutes de fumée s'échappèrent de ses lèvres prouvant que la température avait véritablement et incroyablement chutée, faisant presque regretter au châtelain de n'avoir pas pris sa cape, laissée sur la croupe de son cheval, pour se couvrir. Mettant l'ambiance glaciale sur le compte de la propriété des roches qui isolaient de la chaleur externe, il n'élimina cependant pas l'option de la présence démoniaque des péchés capitaux refroidissant considérablement l'atmosphère.

Ne sachant pas très bien où se diriger, Guillaume déambula durant de longues minutes le long des couloirs creusés dans le roc, ne devinant absolument pas où il devait se rendre, laissant ses instincts de Don le guider où Dieu seul savait. Sentant le découragement pointer le bout de son nez, alors que ses recherches se trouvaient toutes infructueuses, quelque chose attira son attention. En effet, il n'y avait prêté que fort peu d'attention, mais l'air qu'il respirait avait changé. Plus attentif, il ne pensa pas se tromper en affirmant avec dégoût qu'il s'agissait d'une odeur de sang frais mélangée à celle de la chaire de cadavre en putréfaction. Ayant déjà connu des champs de bataille, cette odeur lui était familière, mais pourquoi diable se trouvait-elle dans un lieu prétendument inhabité ? Sentant les battements de son cœur s'accélérer, le jeune seigneur se laissa guidé par cette répugnante émanation de mort qui s'amplifiait au fur et à mesure de sa progression dans la direction choisie. Plusieurs fois, une vague de nausées monta en lui pour le dissuader de faire un pas de plus, mais il continua sa route, à présent sûr que c'était là où il devait se rendre.

Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant