Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternité

XXXIV

Le cœur venant littéralement de tomber au fond de sa poitrine, Natacha eut un immense soupir de soulagement en constatant que la main qui venait de la stopper dans leur élan, n'était autre que celle de L'Ermite.

Le vieil homme qui avait mystérieusement disparu dans la nature après la chute de Montombe, sans donner la moindre nouvelle, se tenait à présent devant elle, tel un cadeau tombé du ciel. Levant les yeux pour voir au delà de la silhouette décharnée par les âges de leur énigmatique allié, quelle ne fut pas la surprise pour la jolie blonde de constater la présence d'une petite trentaine de soldats en armure derrière lui. Elle reconnut sans peine les attributs royaux gravés sur les lourdes carapaces métalliques des nouveaux arrivants. Mais par dessus tout autre chose, elle ne put retenir un cri d'exclamation en prenant conscience de la présence inattendue de Cupio. Instinctivement, Natacha eut un petit mouvement protecteur en direction d'Hermine, qui se trouvait à ses côtés, ayant comme un doute sur le statut des nouveaux venus.

Les traits burinés de Ashem s'illuminèrent malicieusement en voyant l'attitude défensive de la demoiselle et il ne tarda pas à clarifier la situation :

" N'aie crainte petite Sapienta... Cet homme est notre allié. Il est celui qui est venu me chercher. Et il a abjuré ses anciennes croyances."

Hochant la tête en signe d'acceptation, la concernée n'en demeurait pas moins sur ses gardes. Elle était bien placée pour savoir que la perfidie de leur ennemi était plus pernicieuse que n'importe quel poison, et ne connaissait aucune limite. Pourtant, elle admit néanmoins qu'il y avait quelque chose de différent chez "l'ancien" péché de l'envie. Elle n'arrivait pas tout à fait à mettre le doigt dessus mais il lui donnait étrangement une impression de fatigue. De lassitude... Bon et puis après tout, elle n'allait pas faire la difficile. Elle manquait cruellement d'aide.

Chassant les pensées peu utiles pour l'heure, elle focalisa à nouveau son attention sur le vieil homme, trépignant d'impatience :

" Et eux ? Qui sont-ils ? Demanda-t-elle en désignant la petite troupe derrière lui d'un mouvement de tête. Comment avez-vous pu obtenir des soldats de la garde du Roy?

- Disons ma chère, que notre souverain a simplement respecté la promesse faite par ses ancêtres et qui fait de lui l'un de nos plus vieux alliés...

Natacha ne dit rien. Elle hésitait encore, ne sachant si elle devait se sentir soulagée ou suspicieuse. Après tout, Cupio était un maître de l'illusion. Il aurait tout bonnement pu créer cette scène de toute pièce pour la berner. Hermine semblait un peu perdue, derrière son épaule. Ashem dut deviner son trouble, et il argumenta, un sourire au coin des lèvres :

" Vous savez, vous êtes un Don, ma chère Sapientia. Et en tant que telle, vous êtes capable de bien plus que vous ne le croyez. Vos instincts sont les plus fiables, alors si vous pensez sincèrement que nous sommes venus en ennemis, renvoyez nous. "

La jolie blonde émit un sourire discret. Elle hésitait à cause de la frénésie environnante. Mais en son for intérieur, elle avait déjà choisi de les voir comme des alliés, et non comme une menace. C'était perturbant de voir qu'un vieil homme, qu'elle n'avait croisé qu'une ou deux fois dans sa vie, arrivait si bien à la cerner, elle et ses doutes. Elle secoua la tête comme pour se débarrasser du reste de ses mauvaises pensées.

" Vous êtes réellement une bénédiction, Finit-elle par déclarer, soulagée de voir leur effectif augmenter. Pouvez-vous en envoyer vers l'incendie ? Sans quoi je pense que la forêt ne sera bientôt plus qu'un tas de poussières et le château un bain de vapeur toxique..."

Tous suivirent son regard lorsqu'elle jeta un œil à l'immense forteresse. En effet, de grosses volutes de fumée épaisses et sombres qui s'échappaient par les meurtrières ne présageaient rien de bon. L'incendie semblait avoir gagné en ampleur et ses flammes léchaient déjà le pourtour des tours de garde. Ce n'était qu'une question de temps avant que le bois de la structure ne s'affaisse.