XXI

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L'esprit complètement désorienté et en proie à un véritable trou noir sur ce qui venait de se passer à cause du récent choc, Charlie commença à lentement reprendre conscience. Une à une, ses facultés lui revinrent et quelque chose ne manqua pas de la frapper alors qu'elle tentait de faire bouger n'importe quelle partie de son corps. En plus d'être terriblement ankylosée, son visage était écrasé sur le sol sentait particulièrement bien la texture étrange qu'il revêtait. En effet, le par-terre sur lequel elle se trouvait allongée, était recouvert de longues herbes desséchées qui lui chatouillaient la peau. Les yeux clos, elle ne savait pas réellement s'il s'agissait d'herbe, mais l'odeur caractéristique du foin sec qui agressait son sens olfactif, rendait sa théorie plus que probable.

Soudain, la mémoire de son excursion dans l'aile ouest de la demeure de Cupio lui revint à l'esprit et le souvenir de sa chute dans l'unique pièce qu'elle avait pu y trouver lui expliqua pourquoi elle se trouvait dans cette situation pour le moins inconfortable.

Cependant, ce n'était pas tant le fait de savoir que son ravisseur possédait une pièce avec une espèce de trou immense qui la tracassait, mais plutôt le fait de savoir que dans le fond de celui-ci, il avait décidé de faire pousser du gazon... Un Cupio jardinier était une idée parfaitement absurde connaissant le personnage. Durant encore quelques longues minutes, la demoiselle entreprit donc de faire revivre ses membres gourds, cherchant par tout les moyens à dégager sa tête en premier, car celle-ci se trouvait la face contre le sol, ce qui l'empêchait de respirer correctement. Après des efforts surhumains, et avoir fait travailler ses abdominaux relativement douloureux, elle parvint finalement à basculer son corps pour se retrouver allongée sur le dos. Ça ne l'avançait pas vraiment mais cela avait au moins le mérite de dégager ses voies respiratoires. Ouvrant délicatement ses paupières, la jolie brune les referma aussitôt, sa rétine ayant été violemment agressée par une lumière aveuglante. Prenant son temps pour s'habituer à la puissante luminosité, la jeune femme crut tomber des nues en comprenant que ce qui pouvait la rendre potentiellement aveugle en cet instant n'était pas une lumière artificielle comme elle l'avait d'abord pensé, mais bien les rayons dangereux de l'astre diurne, qui brillait dans le ciel d'un bleu qu'elle avait rarement vu. Une vague de panique monta en elle. Comment se faisait-il qu'après être tombée dans un trou noir qui aurait dû mener à quelque chose qui s'apparentait à des oubliettes, elle se trouvait à présent dehors sous un soleil de plomb...

Elle se redressa rapidement malgré la supplique de ses membres qui criaient grâce, faisant fi de cette nouvelle découverte, totalement abasourdie du fait que Cupio ait été si négligeant. Il semblait tellement paranoïaque, comment avait-il pu laisser un moyen de s'échapper si facile ? À moins que tout ceci ne fasse parti d'un plan dont elle ignorait tout...? Ses questionnements s'étiolèrent au fur et à mesure qu'elle commençait à profiter de cet instant de liberté. Savourant la brise très légère qui caressait doucement le grain de sa peau, elle se mit inconsciemment dans une position de méditation, ce qui lui arracha un sourire. Pourtant, malgré sa position très droite, elle sentait toujours un poid venir crisper les muscles de son dos.

Décidément, vivre les illusions de son hôte ne lui réussissait pas, quand bien ce dernier lui avait maintes fois assuré n'y être pour rien. L'esprit plus clair, la demoiselle s'autorisa à s'interroger de nouveau. Comment diable avait-elle pu se retrouver à l'extérieur ? Mais surtout était-elle vraiment à l'extérieur ? La brise et son bruissement dans les feuillages des arbres n'avait rien d'artificiel, mais elle ne devait pas sous-estimer les talents de Cupio. Derrière un des chênes qui bordait la clairière dans laquelle elle était apparue, elle crut reconnaître le contour en bois d'une petite maisonnette.

Intriguée, et n'ayant de toute façon aucun moyen de retourner en arrière, la demoiselle se releva doucement, et laissa ses pas la guider jusque devant la petite bâtisse. Elle ouvrit la porte, et fut instantanément recouverte d'un frisson désagréable. Les gonds grincèrent à outrance, faisant montre du peu de soin qu'on prodiguait à cette cabane, et la demoiselle glissa une tête prudente dans l'entrebâillement, gardant en mémoire la chute douloureuse et terrorisante qui lui était arrivée quelques instants plus tôt. Cette fois ci, l'obscurité ne régnait pas totalement dans la pièce, et Charlie eut même la chance de constater le bazard sans nom qui en habillait chaque recoin.

Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant