Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternité

III

Contrairement à ce qu'ils s'étaient figurés, le voyage se passa sans encombre majeure. Aucune attaque des Péchés comme redoutée ne vint perturber la quiétude du petit convoi sillonnant les terres de Cheralye. Mais si leurs ennemis démoniaques étaient un véritable fléau pour l'humanité, Charlie semblait être devenue la malédiction personnelle de Natacha, envoyée par le tout puissant pour, justement, Dieu seul savait quelle raison. Prise d'un élan irrépressible de jouer les cupidons, la petite brune s'était imposée comme sainte mission de rapprocher sa meilleure ami du "pauvre petit Guillaume" comme elle le disait si bien, au plus grand dam de la concernée qui avait justement pensé trouver un peu de tranquillité avant de devoir affronter le roy de France et sa clique. 

Heureusement ou malheureusement pour elle, le géant brun ne lui prêta que très peu d'attention durant l'entièreté du trajet, totalement focalisé sur leurs escales régulières dans les villages qu'ils traversaient. L'humeur du châtelain tout comme celle de son cousin par ailleurs s'assombrissait considérablement au fur et à mesure qu'ils découvraient une autre petite bourgade supplémentaire ayant été victime de la barbarie des Péchés. Le bilan était en réalité bien plus lourd qu'ils n'avaient pu le penser... Non seulement les récoltes avaient été détruites, les champs saccagés et les vergers dévastés, mais il arrivait que pour certains hameaux plus reculés que d'autres, les maisons aient été brûlées, pillées et leurs occupants tués. Le spectacle désolant de la ruine de ces pauvres gens qui trimaient toute leur vie pour survivre, serrait le cœur de la jolie blonde et la confortait un peu plus dans sa résolution de mettre un terme à la tyrannie de ces viles démons. Combien de villages allaient-ils encore traverser pour y trouver hommes, femmes et enfants aux joues sales et creuses, combien de familles en deuil allaient-ils devoir réconforter sans pouvoir apporter plus qu'un soutien financier qui ne remplacerait jamais l'être perdu ?

Natacha voyait bien que Guillaume bouillonnait de rage intérieurement et se trouvait dans l'incapacité de trouver les mots justes pour le soutenir dans la situation présente, mais voulut tout de même lui montrer son soutien. Pour la première fois depuis le début du voyage, elle alla spontanément  le trouver afin de discuter avec lui sans que Charlie ne soit derrière elle et ne la "pousse accidentellement" pour qu'elle lui tombe dessus. Sur un rocher dominant leur campement de fortune, le jeune homme était assis en tailleur, coudes posés sur ses genoux, poings crispés au niveau de la bouche et le regard dans le vague. Prenant place auprès de lui, Natacha fit mine de regarder quelques instants dans la même direction que lui, à la recherche d'un point imaginaire, avant de se lancer:

" Ces monstres n'ont vraiment aucun cœur... 

Le silence accueillit sa réplique, ce qui vexa un tantinet la demoiselle. Mais, désireuse de connaître le fond de sa pensée, elle n'en laissa rien paraître et soupira légèrement avant  de reprendre :

" Ces pauvres villageois n'avaient rien demandé... Ils luttent chaque jour pour survivre et ses démons détruisent le fruit de ce dur labeur et nous...

Mais avant qu'elle n'ait pu poursuivre Guillaume l'interrompit d'un regard noir qu'elle eut du mal à interpréter.

"Que savez-vous de leur vie ? Que savez-vous de ce dur labeur dont vous parlez ?! S'énerva-t-il soudainement, effrayant quelque peu la demoiselle par le ton froid et dur qu'il employait. Avez-vous déjà dû travailler un champ du lever du jour jusqu'à la nuit venue à en avoir les mains en sang, tout cela dans le but de nourrir une femme et des enfants ? Cessez de parler alors que vous n'avez connaissance de rien... Tout cela est bien trop facile de les plaindre alors que vous êtes née dans une famille qui vous a nourri sans que vous n'ayez à lever le petit doigt."

Scandalisée par ses propos la demoiselle se leva d'un bond complètement bouleversée et indignée du fait qu'il ait pu tenir un tel discours face à elle, alors que pour une fois elle venait simplement montrer un peu d'égard. Soit, peut-être avait-elle été un peu maladroite, mais de là à lui balancer une telle colère à la figure ? Elle se résolut pourtant à tenir sa langue, prenant un maximum sur elle pour ne rien répliquer. Mais Guillaume poursuivit :