XXVI

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Bien loin du combat des entités qui incarnaient Dons et Péchés, Grégoire et Luxuria étaient installés face à face, dans un silence quasi religieux. 

Jetant un coup d'œil aguicheur à son geôlier, Luxuria fut presque vexée de n'y lire qu'une profonde indifférence. La jeune démone se ressaisit. Sûre de son charme irrésistiblement diabolique, elle en oubliait parfois que certains habitants de cette terre n'étaient pas uniquement des humains faibles et incapables de résister à son regard de velours. Certains étaient doués de capacité leur permettant d'y être parfaitement insensible s'ils le désiraient. Elle allait devoir changer de tactique si elle voulait se libérer de ses entraves et regagner le champ de bataille qui devait se tenir chez ce traître de Cupio. 

Jetant un regard à sa prisonnière dont l'expression facial laissait deviner qu'elle se triturait le cerveau pour trouver une échappatoire, Grégoire se sentit l'âme prise entre deux eaux. D'un côté, son esprit réclamant la vengeance et la justice désirait régler ses comptes avec frère Athanase et de l'autre, son instinct de don lui ordonnait d'obéir à l'injonction du moine de garder leur otage même si cela signifiait repousser le temps des explications. Luxuria, extrêmement sensible à l'humeur des personnes l'entourant sentit une pointe d'excitation devant son indécision, car il s'agissait peut-être là de sa seule possibilité d'échappatoire. Elle était bien incapable de se libérer seule des chaînes de l'insupportable mais puissante Sagesse, il lui fallait donc exploiter la faille au plus en utilisant à bon escient ses sens extrêmement aiguisés mais aussi sa faculté à lire clairement les plus sombres désirs dans les esprits des hommes. En parlant de ses entraves de fer, celle-ci étaient imprégnées de la magie très pure du Don, mordant sa chaire impie lorsque le métal trouvait un centimètre de peau découvert. Ses vêtements avaient été abîmés par leur affrontement, elle n'avait plus beaucoup de temps.

" Hermine..." Sussura-t-elle dans un demi soupir, faisant rouler sur sa langue chaque syllabe de ce prénom, guettant avec impatience une réaction de la part du jeune don de Science.

Sachant pertinemment qu'elle avait visé juste puisque ce prénom raisonnait plus fort que toutes autres pensées dans l'esprit du garçon, elle ne s'attendait cependant pas à la violence de la réaction que cela provoqua chez lui. On aurait presque dit qu'elle venait de jeter du sel sur une plaie à vif lorsqu'il n'hésita pas une seconde pour lui sauter à la gorge et la soulever d'une seule main à plusieurs centimètres du sol, serrant ses doigts un peu plus chaque seconde autour de son cou gracile. S'il n'était pas le plus fort des Dons et que sa carrure plutôt fine et élancée laissait croire le contraire, Grégoire avait tout de même acquit une grande puissance suite aux entraînements intensifs à Montombe. Si elle n'avait pas été un péché plein de mauvais sentiments elle-même, la démone de la luxure aurait certainement pâli et tremblé d'effroi devant ce regard brûlant d'une haine sombre comme elle n'en avait jamais vu auparavant. Jusque là elle avait douté de la décision de Superbia, d'essayer de le corrompre, mais à présent, elle voyait de ses propres yeux l'immense potentiel dont leur avait parlé leur leader et un frisson d'excitation la parcouru toute entière alors que l'air se raréfiait de plus en plus autour d'elle.

" Écoute moi bien petite vipère... vitupéra le jeune homme au regard de braise d'une voix caverneuse presque inhumaine tout en accentuant la pression qu'il exerçait sur la trachée de sa victime. Répète encore une fois ce nom et je me ferai un plaisir de coudre ta jolie bouche avec des ronces avant de me charger de tes yeux pour qu'il n'ait plus le plaisir de revoir un jour là lumière du soleil."

Si la diablesse possédait une force égale voire supérieure à celle du Don qui lui faisait face, elle n'arriva pas à contenir un frisson, cette fois-ci de peur, car ses traits déformés par tant de haine cachaient une sombre puissance qui le rendait bien plus dangereux et plus fort qu'elle. Regrettant presque d'avoir appuyé aussi fort sur la blessure immatérielle, la jeune femme ne pouvait plus faire marche arrière. Elle devait lui faire face et se libérer. Affichant un masque moqueur pour dissimuler cette peur naissante qui lui rongeait les entrailles, elle poursuivit.

Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant