XXVIII

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" NATACHA !!! Hurla un petit bout de femme à la chevelure de feu en se réveillant en sursaut.

Le front perlé de sueur et les yeux mouillés de larmes, Zinaïda se leva d'un bond de son lit et courut jusqu'à la chambre de ses parents, réveillant au passage son frère qui la suivit rapidement quand il comprit qu'il s'agissait de leur aînée. Tambourinant à la porte comme une forcenée, la petite demoiselle ne tarda pas à obtenir gain de cause et vit apparaître quelques secondes plus tard, ses deux parents les yeux bouffis de sommeil. Terrifiée par ce qu'elle venait de voir, la petite fille se jeta dans les bras de sa mère en sanglotant. Après de longues minutes à essayer de calmer la pauvre enfant, le père et la mère finirent par obtenir une explication.

" Que... Quelq... Quelque chose est arrivé à Natacha ... Bégaya-t-elle difficilement après quelques instants.

***

La première sensation qui frappa Natacha lorsqu'elle émergea des brumes de son inconscience fut la pesante lourdeur de son corps tout entier. Étendue de tout son long sur une surface aussi froide que du marbre, elle avait l'impression que son corps si lourd ne tarderait pas à lui faire traverser la surface pourtant dure sur laquelle elle se trouvait allongée. Ainsi c'était ça la mort ? Perdre la vie n'était donc pas synonyme de légèreté ? Elle qui avait toujours cru qu'une fois dans l'au-delà elle serait semblable à un esprit, plus léger qu'une bulle de savon flottant parmi les nuages... Il lui semblait au contraire que son être tout entier venait d'être accroché à une chape de plomb la tirant inlassablement vers le fond. Elle soupira. Décidément la mort n'était pas la fin de ses peines... Le seul point positif de sa situation était peut-être l'absence de souffrances physiques. Si elle n'avait pas résisté bien longtemps après l'attaque mortelle de Superbia, les dernières secondes qu'elle avait passé sur terre n'avait pas été sans d'atroces douleurs. Plantée puis retirée tout aussi rapidement, la lame de Superbia avait eu le temps de faire son œuvre, puisqu'elle n'était pas prête d'oublier la sensations intense qui l'avait traversé à partir du moment où le projectile l'avait percuté. Une sensation de brûlure vive et de perforation, laissant place à une souffrance permanente lorsque le tranchant fut arraché de son ventre.

En revanche, il était une douleur qu'elle n'était pas prête d'oublier... Celle de voir Guillaume s'effondrer près d'elle pendant ses derniers instants. Elle, qui avait pensé que son sacrifice serait la dernière image de sa vie sur terre, avait dû assister à l'effondrement de celui qu'elle aimait durant ses derniers instants. Les larmes et les hurlements de celui-ci avaient été bien plus douloureux à supporter que le trou béant et sanguinolent par lequel sa vie s'échappait. À présent morte, elle sentait le vide profond que laissait l'absence du jeune châtelain. Loin de regretter son geste, l'idée de ne plus le voir lui fit ressentir plus vivement que jamais qu'un choix implique ses renoncements. Avec un peu de chance l'éternité et les anges apaiseraient quelque peu cette écrasante réalité...

Chassant les récents souvenirs de sa mémoire, elle entreprit de se redresser. Elle était peut-être morte mais ce n'était pas encore la fin ! Par réflexe, elle leva d'abord son bras gourd et entreprit de toucher l'endroit qui avait signé la fin de sa vie pour s'assurer qu'elle ne risquait plus aucune souffrance de ce côté là. Un corps plus lourd que du plomb lui paraissait être déjà un ennui suffisant pour qu'elle ne se rajoute une difficulté supplémentaire. Après de longues secondes a essayé d'atteindre le point de l'impact à l'aide de ce membre qui pesait plus lourd qu'un âne mort, Natacha fut surprise de constater que la plaie juste à droite de son nombril était encore béante. Si elle était indolore et ne saignait plus, il n'en demeurait pas moi que pour la demoiselle celle-ci aurait dû disparaître une fois morte pour laisser place à un corps glorieux. C'est alors qu'un détail la frappa car si elle en croyait l'emplacement du trou, la blessure n'avait endommagé aucun organe vital... Alors comment était-elle morte ? L'hémorragie avait été trop importante ? Sa constitution trop fragile ? La lame avait été empoisonnée ? Connaissant Superbia toute explication était bonne à prendre. Puis elle soupira ... À quoi bon s'embrouiller le cerveau à ce point maintenant ? Elle était morte point barre. Le pourquoi du comment n'y changerait rien.

Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant