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Protégée par une lourde pèlerine aussi sombre que la nuit qui l'entourait, et ce malgré la température plutôt agréable de cette approche de l'été, une silhouette longiligne sillonait les sentiers de l'épaisse forêt dans laquelle elle se trouvait. Plus silencieux que la mort elle-même, le mystérieux personnage laissait ses pas être guidés par la seule lumière des étoiles et de la lune, au beau milieu de l'immense dédale végétal dans lequel il était engagé. Pas un son ne trahissait cet être aux intentions aussi noires que le ciel d'encre au dessus de lui, si ce n'était peut-être celui de sa respiration lente et régulière en dépit de l'allure soutenue de sa marche déterminée.
Sous ses pas, l'herbe perdait toute sa vitalité, créant ainsi un long sillage noirâtre derrière lui. Trahissant ainsi sa nature démoniaque de péché capital.

Une branche craqua, la silhouette se figea. Une biche sortit d'un fourré et s'enfuit à toutes jambes dans une direction opposée comme si elle avait perçu l'aura malsaine qui se dégageait de l'être. Après quelques secondes d'attente, la personne reprit sa route qui dura encore de longues minutes avant de s'arrêter au cœur de la clairière faisant face à l'imposant château de Cheralye. Un sourire inquiétant s'étendit sur les lèvres pâles de l'individu. Sourire qui s'évanouit rapidement lorsqu'il aperçut à la lisière de la forêt, non loin d'une source chaude, plusieurs masses difformes au sol qu'il ne parvint pas à distinguer dans l'épaisseur sombre de la nuit. Lentement, il s'approcha du monceau pour y découvrir quatre corps totalement nus gisant inconscients sur le sol. Malgré la noirceur de la nuit, il reconnut sans peine le châtelain des terres, son cousin et sa fiancée, disparus inexplicablement quelques temps plus tôt.

Un rire triomphant franchit les lèvres du péché qui ne s'était pas attendu à voir ses ennemis se trouver ainsi à sa merci. Un frisson d'excitation le parcourut lorsqu'il comprit qu'il avait entre les mains la possibilité de se débarrasser de deux de leurs adversaires sans même avoir à recourir à un effort, tant ils étaient profondément enlisés dans les méandres de l'inconscience. Même s'il n'était pas réellement friand de cette quête du pouvoir de domination sur le monde, ni de devoir inlassablement tuer de nombres personnes, pouvoir se débarrasser d'un ennemi se révélait quelque chose de tout à fait fascinant et quelque peu grisant. Ce sentiment était le même que lorsque sa flèche destinée à la fameuse Sagesse, c'était fichée dans la poitrine du jeune don de piété, s'étant interposé afin de la sauver. Inspirant un grand coup il laissa avec délectation, l'adrénaline monter dans ses veines et se reconcentra sur ses futures victimes.

Cependant, avant même qu'il eut pris une décision quand au sort qu'il leur réservait, un détail attira son attention. Il connaissait l'identité de trois des personnes au sol, mais celle de la quatrième était encore un mystère et ce bien malgré sa connaissance de l'entourage des Dons. Le quatrième corps était celui d'une jeune femme qui serait d'une main crispée l'avant bras de la Sagesse, tout en ayant le reste de son corps à moitié reposé sur celui du cousin du châtelain. S'approchant de plus près, il dégagea avec soin la chevelure brune de la demoiselle afin de découvrir les traits de son visage. Une fois mis à la lumière des rayons blafards de la lune, le faciès de la jeune femme lui fut révélé, et la silhouette s'écarta d'un coup brusque le cœur battant la chamade. Comme foudroyé, il tituba avant de tomber à genou sur le sol, une main sur sa poitrine douloureuse.
Que venait-il d'expérimenter à l'instant ? Qui était cette nymphe aux traits envoûtants ? Il n'aurait su le dire, et il désirait par dessus tout le découvrir. Mais le choc d'une telle rencontre raisonnait dans sa poitrine, et ses pensées ne trouvaient plus aucun sens dans le tourment impétueux que subissait son esprit... Le trouble venait perturber ses sens plus que de raison. Alors, une fumée caractéristique apparut et l'emporta dans son sillage, ne laissant pour preuve de son passage qu'une herbe desséchée par sa venue.

***
Le soleil dardait ses rayons sur les feuilles vertes des chênes massifs de la jolie forêt, jouant innocemment avec les reflets des sources chaudes. Non loin de la petite cascades apaisante, à la lisière de la forêt, un jeune homme avait ouvert les yeux, encore bouleversé par son réveil miraculeux.

Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant