Acte I, 1ère Epître - L'Accident

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Comment débute un cauchemar ? Pour certains, il peut prendre la forme d'un accident de la route, événement terriblement commun mais tellement tragique pour ceux qui en sont victimes... Pour d'autres, le cauchemar commence lors d'une rencontre inattendue avec une personne qui va changer à jamais leur existence. Mais pour Ben Maners, tout avait commencé par un vrai mauvais rêve, même s'il n'en conserva aucun souvenir à son réveil. Juste une vague sensation de mal être, qu'il ne s'expliquait pas. Mais il n'avait pas le temps de s'en soucier davantage, car sa femme le pressait déjà pour qu'il s'active.

« - Allez, bouge-toi un peu, Ben ! s'exclama-t-elle sur un ton presque autoritaire. Je te rappelle que nous devons aller au cimetière aujourd'hui !

- Pitié, ne me hurle pas dans les oreilles... Tu sais que je ne suis pas du matin...

- Oh, mon pauvre chéri, ironisa Mary Ann Maners en donnant un coup d'oreiller à son époux à demi conscient. Quand tu seras enfin revenu du pays des songes, va donc déjeuner : tes toasts vont finir par être froids ! »

S'extirpant finalement de son lit, Ben se traîna d'une démarche nonchalante jusqu'à la cuisine, où la télévision déversait son flot continuel de spots publicitaires. Croquant machinalement dans une tartine fraîchement beurrée, il jeta un coup d'œil distrait au journal du matin, qui titrait sur le terrible incendie d'une auberge de jeunesse, ayant causé la mort de toute une troupe de jeunes en colonie de vacances et de leurs moniteurs dans les montagnes de l'État voisin.

Tout en mastiquant son toast, il essayait de se souvenir de ce rêve qu'il était en train de faire juste avant que sa femme ne le tire de son sommeil. Il n'arrivait pas à se débarrasser de son sentiment de mal être, et ça commençait à le tracasser sérieusement. C'est alors que Mary Ann surgit du couloir adjacent, un peignoir de bain pour seul vêtement et ses cheveux blonds enfouis sous une serviette encore gorgée d'eau :

« - Tu as l'air bien songeur, mon chéri, fit-elle remarquer à son époux, tout en se versant une tasse de café.

- Ce n'est rien, balbutia-t-il en finissant son toast. C'est juste que je n'arrive pas à me souvenir du rêve que j'ai fait ce matin... Un rêve vraiment très étrange...

- Ah bon, s'étonna Mary Ann, intéressée. En quoi était-il si étrange ?

- Eh bien, je ne me rappelle pas des détails, commença Ben, mais j'ai le souvenir d'une atmosphère oppressante, comme si quelque chose de terrible se produisait...

- Voyons Ben, ce n'est qu'un rêve. Tu ne devrais pas y attacher autant d'importance, tempéra son épouse. Va plutôt prendre ta douche : ça te rafraîchira les idées. »

Mary Ann se dirigea vers leur chambre à coucher afin de sécher ses cheveux et de les coiffer. Ben de son côté prit la direction de la salle de bain, toujours songeur. Et tandis que le jet d'eau s'écoulait le long de son visage, un nuage de vapeur d'eau enveloppant petit à petit son corps, il laissa vagabonder son esprit, repensant à la raison de ces préparatifs.

Déjà 21 ans que ses parents n'étaient plus de ce monde. Et pas un jour ne se passait sans qu'il se demande pourquoi, sans crier gare, un fou avait décidé de le priver de l'Amour parental. Leur assassin était mort depuis longtemps, une chaise électrique s'étant chargée de mettre fin à sa misérable existence, mais il n'avait jamais révélé les raisons de son acte. Un coup de folie avait plaidé son avocat, en vain. Mais Ben savait que cet acte ne devait rien au hasard. Il gardait gravé dans sa mémoire le regard sombre que lui avait lancé le meurtrier tout au long du procès, ce malade n'ayant d'yeux que pour lui et personne d'autre. Il n'avait même pas daigné répondre aux questions que lui posaient son avocat ou le juge. Non, seul le jeune Ben, alors âgé de 12 ans, était l'objet de son attention.

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant