«Allons manger ?»

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Les deux adultes sont arrivés dans leur chambre d'hôtel, sous une tension de plomb. À tour de rôle, ils se sont lancés des coups d'oeil craintif durant le trajet, évitant soigneusement de ne pas se faire remarquer.

D'un côté, Aomine en veut au journaliste d'avoir céder devant le charme de cet étranger. Mais d'un autre côté, il est agacé de sa propre immobilité envers Akashi. Il était persuadé qu'à force de petites attentions, la fine barrière se serait brisée et il aurait été plus à même d'être plus tactile, de prendre des initiatives plus explicites. Apparemment, ce n'était pas la bonne méthode et il s'en veut terriblement de ne pas l'avoir vu plus tôt.

Akashi, lui, est irrité de la complicité qu'a fait preuve le serveur avec cette métisse. Lui, qui par coutume ne s'intéresse pas plus particulièrement aux autres ; avec elle, il a entretenu une relation des plus amicales et tangibles. Alors oui, il a jalousé cette entente entre les deux adultes. C'est pourquoi il a ce sentiment qui lui oppresse le cœur et change sa culpabilité, de ce matin, en une pénible irritation.

Affalé dans le fauteuil et pianotant sur l'écran de son téléphone, le ventre gourmand du basané crie soudainement famine. Même à l'autre bout de la pièce Akashi entend l'estomac réclamer son dû et un sourire radoucit légèrement cette ambiance.

"Allons manger ?", propose Akashi.

Suite aux paroles du journaliste, ils se lèvent et partent en direction du restaurant de l'hôtel. Mais à peine les portes passées, que le duo constate avec déception qu'aucune place n'est libre. De ce fait, Akashi se retourne, sans sourciller, vers la sortie et jette un regard, au dessus de son épaule, pour vérifier que le serveur le suit. Un sentiment de soulagement s'installe, au fond de lui, quand effectivement il aperçoit sa silhouette bien tracée, derrière lui.

À présent hors de leur hôtel, ils marchent côte à côte dans les rues de la ville, pendant longtemps, dans le silence. Quand enfin, l'enseigne d'une gargote accroche leurs attentions. Sans même prendre le temps de réfléchir, Seijuro et Daiki s'engouffrent à l'intérieur et sont accueillis par une serveuse qui les place à une table pour deux, un peu en retrait.

« Bon au moins c'est pas bondé comme à l'hôtel » se lamente l'ex policier.

Et pour cause, la brasserie, dans laquelle ils sont entrés, est un restaurant de quartier ; alors forcément il y a moins de monde, malgré sa popularité locale. En revanche, les éclats de rire et les débats, un peu trop fort, sont la preuve d'une convivialité sans nom.

Assis face à face, leurs regards se portent sur des objets ou des inconnus bien plus distrayant ; une marque de l'atmosphère encore tendue entre eux.
Une serveuse se présente devant eux et leur tend la carte des menus, afin qu'ils prennent connaissance des plats. L'affamé se jette sur les cartes, à peine distribuées, tandis que Akashi préfère prendre son temps, ne pouvant s'abstenir de guetter son acolyte, du coin de l'oeil.

"Est-ce que vous prendrez un apéritif ?
- Ouais, pour moi un sex on the beach, répond Aomine avec un provoquant regard pour Akashi et une intonation plus marquée sur le premier mot du cocktail.
- Et je prendrai un verre de Don Perignon 1998, s'il vous plaît, réplique le journaliste d'un calme olympien, ignorant royalement son binôme.
- Très bien messieurs, je reviendrai prendre vos commandes dans un instant", puis la serveuse reprend ses biens et laisse nos deux compères seuls.

Le climat devient lourd à nouveau et les prévisions, pour cette soirée, annoncent clairement une tempête, si cette ambiance ne change pas. Heureusement que le brouhaha chaleureux, parsemé d'éclat de rire, de la salle a pu contraster avec le silence crispé des deux hommes. De longues minutes se sont déroulées, avant que Akashi amorce un début de discussion :

"Cette journée a été riche en émotion, vous ne trouvez pas ?
- Humm... esquive Aomine en jouant avec son couteau.
- Cette française m'a tout l'air de...
- Messieurs, voici vos boissons, annonce la serveuse qui a coupé le journaliste, dans un même temps. Avez vous fait votre choix ?
- Un curry, je vous prie, commande en premier Akashi, toisant de ses prunelles roses son binôme d'une humeur de chien.
- La même chose pour moi."

Toi, moi et un ballon !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant