Mes 5 frères et moi (tome 1)

Chapitre 11 : Prit en flagrant délit ✓

M A S O N 

- Nate, dépêches-toi, Sean va bientôt arriver !

- J'arrive ! me répond sa voix fluette.

C'est à chaque fois la même histoire, je m'efforce de prévenir Nate largement en avance qu'on doit partir, mais il prend toujours trois plombs pour s'habiller. Je me demande ce que ça sera quand il aura mon âge et qu'il prendra en compte l'avis des filles sur ses fringues. Heureusement que je ne me prends pas autant la tête que lui pour ces conneries.

Je souffle, sérieux à présent face à mes responsabilités et me dirige à pas lents vers la chambre de mon père. Je n'ai aucune envie de le voir, mais il faut bien que je vérifie s'il va bien. Mon cœur bat à toute vitesse, j'appréhende toujours de savoir ce que je vais trouver derrière cette porte. Est-ce que mon père est allongé par terre, la tête plongée dans une flaque de vomi ? Peut-être qu'il est déjà mort. Cette pensée me soulagerait presque. Je suis vraiment une personne ignoble pour penser ça. Qui souhaiterait la mort de son père ? Mais voilà, au moins s'il mourait, je n'aurais plus à m'occuper de lui et à réparer tous les dégâts qu'il cause. Je secoue ma tête pour chasser ces idées mais elles reviennent toujours avec violences, comme des boomerangs.

Je sers la poignée de la porte dans ma main et mon ventre se noue. Peut-être que la mort de mon père m'enlèverait un poids sur les épaules, je ne suis néanmoins pas prêt à voir son corps sans vie. Je respire profondément l'air sain de la maison une dernière fois et prends mon courage à deux mains.

La porte grince dans un bruit sourd dans mes oreilles qui bourdonnent. Tout ce que je peux voir c'est que la chambre est plongée dans l'obscurité la plus totale. De toute la semaine, je ne pense pas que mon père ait aéré une seule fois la pièce. Une odeur de renfermé, de moisissure, d'alcool et de vomi m'agresse violemment les narines. Je cherche à tâtons l'interrupteur sans poser un pied dans la pièce et la lumière m'aveugle un moment. Mon père est allongé sur son lit, une bouteille de whisky à la main. Il ronfle comme un porc et de la bave coule le long de sa bouche avant de s'étaler sur le matelas. Au moins, il respire. Je ne traîne pas plus longtemps et fais rapidement demi-tour, prenant les jambes à mon cou. La porte claque derrière moi, et je décide de ne pas la rouvrir avant un moment. Je suis un putain de froussard. Je m'adosse un moment contre le mur du couloir pour reprendre mon souffle. Je déteste le voir comme ça. Mon coeur se calme petit à petit et je compose un sourire factice avant de rejoindre mon frère dans la cuisine.

- On va où aujourd'hui ? Au parc ? Tu m'avais dit qu'on irait au parc et on n'y est toujours pas allés Mason, me rappelle-t-il avec une mine boudeuse.

C'est dingue, ce petit ne retient pas ses tables de multiplications mais est capable de me ressortir des trucs que j'ai dit il y a de ça plusieurs mois.

- Désolé, mais on ne va pas au parc aujourd'hui. On va chez un de mes amis d'accord ? Tu resteras avec moi, mais ne fais pas de bêtises et sois sage, ok ?

- D'accord, mais j'aurais le droit de jouer avec vous ?

- Oui, mon ami veut bien. Et puis, je ne te laisserai pas tout seul, si jamais tu en as marre tu me le dit et on rentre.

- Il arrive quand Sean ?

Est-ce qu'il a au moins écouté ce que je viens de lui dire ?

- Bientôt. Mange tes céréales.

Le déjeuner se passe dans la bonne humeur, Nate rigole et fait l'imbécile. J'aime le voir heureux. Quand il oublie un instant que son père n'est pas capable de s'occuper de lui.