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Les cinq minutes de pause me semblèrent bien trop courtes. Je n'avais aucune envie de revenir dans cette cour de justice, de retrouver cette atmosphère suffocante, et surtout d'affronter le regard insistant de cet avocat. Pourtant, je n'avais pas le choix. La tension dans l'air était presque palpable lorsque je fis mon retour dans la salle. La lumière crue des néons me parut encore plus agressive, renforçant l'impression d'être sous un projecteur, incapable de me cacher.

À ma grande surprise, on ne me demanda pas de témoigner à nouveau. Les avocats avaient repris leurs débats, chacun défendant son client avec une ardeur presque mécanique. Les preuves étaient présentées les unes après les autres, des documents passaient d'une main à l'autre, les voix s'élevaient et s'affaiblissaient, mais je ne suivais qu'à moitié. Mon esprit vagabondait, épuisé par tout ce tumulte. L'heure du verdict approchait à grands pas, et une sourde angoisse me nouait l'estomac.

Quand le juge demanda à tout le monde de se lever pour l'énoncé du verdict, mon cœur sembla s'arrêter un instant. Le bruit du bois des bancs grinçant sous le poids des corps se levant simultanément résonnait dans la pièce comme un écho lugubre.

— Monsieur Jeon Heinckel, vous êtes accusé d'avoir kidnappé mademoiselle Min. Plaidez-vous... ?

— Coupable, termina-t-il d'une voix ferme, coupant presque la parole au juge.

Je vis l'avocat d'Heinckel soupirer d'agacement, ses épaules s'affaissant sous le poids de la défaite.

— Toutes les preuves sont contre vous, et au vu de votre comportement, vous êtes déclaré coupable. Vous êtes condamné à une peine dans un établissement psychiatrique où vous serez traité... poursuivit le juge.

Avant même qu'il ne puisse achever sa phrase, Heinckel éclata de rire, un rire dément qui résonna dans la salle d'audience, glaçant le sang de chacun des présents. Ce rire fit se figer le juge, interrompant son énoncé. La salle, qui jusque-là était déjà oppressante, devint soudain insoutenable.

— Monsieur Jeon, ce que vous ressentez pour cette jeune fille n'est pas de l'amour, c'est de l'obsession, et c'est extrêmement grave. Vous avez besoin d'être traité, déclara le juge, son regard empreint de tristesse. L'ordre de votre placement en traitement prend effet immédiatement. La séance est levée.

Le marteau du juge frappa le bois avec une froide autorité. Je fermai les yeux un instant, tentant de digérer tout ce qui venait de se passer. La réalité me parut surréaliste, presque floue, comme un rêve dont on essaie désespérément de se réveiller. Lorsque je les rouvris, je vis oncle Jimin s'effondrer en larmes devant Heinckel. Son visage était ravagé par le chagrin, ses épaules secouées par des sanglots incontrôlables. Incapable de supporter cette vision, je détournai les yeux et me précipitai hors de la salle, courant presque jusqu'à la voiture.

Le ciel gris semblait refléter mon état d'esprit, lourd et sombre. La fraîcheur de l'air me frappa au visage, mais elle ne réussit pas à apaiser l'agitation en moi. Je m'assis sur le siège passager, tentant de reprendre mon souffle, lorsque ma mère me rejoignit. Elle glissa derrière le volant en silence, me jetant un regard empreint de sollicitude avant de soupirer.

— Nira, crois-moi, c'était la meilleure chose à faire, dit-elle doucement, brisant enfin le silence.

Je ne pouvais plus retenir mes larmes. Elles se mirent à couler silencieusement, marquant mes joues de traînées salées. Tout en moi semblait s'effondrer.

— (pleure) C'est fini, hein ? parvins-je à articuler entre deux sanglots.

Ma mère me regarda longuement, ses yeux brillants d'émotion. Elle hocha la tête, puis soupira profondément avant de tourner la clé dans le contact.

— (soupire) Oui, murmura-t-elle, comme si elle avait du mal à y croire elle-même.

La voiture démarra en douceur, glissant sur l'asphalte humide. Alors que nous nous éloignions du tribunal, je fixai la route devant moi, cherchant à comprendre ce que tout cela signifiait désormais. Les bâtiments défilèrent à travers la fenêtre, leurs silhouettes floues par les larmes qui embuaient mes yeux. Tout était terminé, mais à quel prix ?

Sens interdit ( Heinckera) Tome3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant