27

487 40 0
                                    

J'avais l'impression d'étouffer, comme si l'air autour de moi devenait de plus en plus rare. Deux semaines s'étaient écoulées depuis ma libération, mais l'angoisse ne me quittait pas. Ma mère avait insisté pour que je consulte un psychologue, mais chaque séance me replongeait dans un abîme de souvenirs douloureux. J'avais demandé à partir, à m'évader quelque part, n'importe où, mais on m'avait interdit de voyager tant que le procès n'était pas terminé. Et aujourd'hui, c'était enfin le dernier jour.

La maison était étouffante, non seulement par la chaleur qui imprégnait chaque pièce, mais surtout par la tension palpable entre ses murs. Ma mère avait tenté de fuir, de quitter cet endroit où tout rappelait ce qui s'était passé, mais j'avais refusé. Je ne pouvais pas la laisser partir, pas maintenant.

Je me regardai une dernière fois dans le miroir de ma chambre. Mon reflet me renvoyait une image tendue, cernée, comme si ces dernières semaines avaient aspiré toute trace de vitalité. Je soupirai profondément. Mes épaules étaient crispées, chaque muscle tendu sous l'effet de l'angoisse. Derrière moi, ma mère entra doucement dans la pièce, posant ses mains réconfortantes sur mes épaules.

— Allez, ma chérie, c'est l'heure, murmura-t-elle en me massant légèrement les épaules.

Je hochai la tête, tentant de trouver un peu de courage dans ses mots. En sortant de ma chambre, je passai par le salon, où la petite famille était réunie. Oncle Jimin était assis, les coudes appuyés sur ses genoux, la tête basse. Il avait l'air dévasté, comme si tout le poids du monde reposait sur ses épaules. Personne n'osait parler, l'atmosphère pesante envahissait chaque recoin de la pièce.

~~~

La salle d'audience était grande, presque froide, avec ses murs gris et ses rangées de bancs en bois, tous remplis de visages inconnus qui me fixaient. L'air était chargé de tension, de murmures étouffés, de regards inquiets. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine.

— J'appelle à la barre ma cliente, mademoiselle Min Nirabelle, en tant que témoin, annonça mon avocat.

Je me levai doucement, sentant les regards peser sur moi comme un poids invisible. Mes jambes tremblaient légèrement, mais je me forçai à avancer. À mesure que je traversais la salle, je tentai de ne pas croiser le regard des gens, surtout pas celui d'Heinkel. Je pris place à la barre des témoins, sentant chaque mouvement devenir de plus en plus difficile, comme si la gravité elle-même me retenait en arrière. On me fit prêter serment, ce que je fis d'une voix à peine audible.

Le juge, un homme imposant à la voix grave et autoritaire, me regarda attentivement.

— Mademoiselle Nira, quelle relation entreteniez-vous avec monsieur Jeon avant votre enlèvement ? demanda-t-il d'un ton neutre.

Je sentis ma gorge se serrer. Mes yeux parcoururent la salle à la recherche d'un point de fuite. Je refusais de le regarder, de plonger dans ses yeux, là où résidaient encore des souvenirs que je préférais oublier.

— Nous étions... de meilleurs amis, répondis-je, ma voix à peine un murmure.

Le juge hocha la tête, puis se tourna vers l'avocat de la défense.

— L'avocat de la défense peut poser ses questions, dit-il.

L'avocat d'Heinkel se leva lentement, son regard perçant fixé sur moi. Un rictus s'étirait sur ses lèvres, un sourire de prédateur prêt à attaquer. Il s'avança vers moi avec une assurance presque dérangeante. Je me sentis tout à coup petite, vulnérable face à lui.

— Mademoiselle Min, selon votre rapport, vous affirmez que mon client vous a envoyé faire une promenade, et c'est en arrivant dans un parc qu'il vous aurait kidnappée. Est-ce exact ? demanda-t-il, sa voix tranchante comme un couteau.

— C'est exact, murmurai-je, tentant de maintenir mon calme.

— D'accord. Toujours selon vous, pendant votre enlèvement, vous avez tenté de vous échapper à plusieurs reprises, mais il vous a toujours retrouvée, n'est-ce pas ?

— Oui.

Mon avocat se leva brusquement, ses traits tendus par l'indignation.

— Votre honneur, mon confrère essaie d'intimider ma cliente ! cria-t-il, sa voix résonnant dans la salle.

— Veuillez vous rasseoir, maître Kim, répondit le juge d'un ton ferme.

Mon avocat contracta la mâchoire avant de se laisser tomber lourdement sur sa chaise, son regard noir toujours fixé sur l'avocat adverse.

— Mademoiselle Min, pendant toutes ces tentatives, vous auriez pu essayer de contacter vos parents, n'est-ce pas ?

Je baissai les yeux, les mains crispées sur mes genoux.

— Mais je vous ai dit qu'il me retrouvait à chaque fois, rétorquai-je.

L'avocat esquissa un sourire sarcastique.

— Il y a une partie dans votre rapport où vous mentionnez avoir rencontré un homme lors de votre dernière tentative d'évasion. Il aurait pu vous aider, n'est-ce pas ?

— Sur le moment... je n'y ai pas pensé, dis-je, la voix tremblante.

— Pourtant, le jour de l'arrestation de mon client, vous ne ressembliez pas vraiment à quelqu'un qui venait d'être kidnappé. Avouez-le, mademoiselle Min. Comme beaucoup d'adolescents, vous aviez simplement décidé de fuir ensemble. Et quand vous avez été retrouvée, vous avez menti à la police, ainsi qu'à votre mère, pour ne pas perdre sa confiance. Arrêtez de nous faire perdre notre temps et dites la vérité !

— (pleurant) Tout ça n'est que des mensonges ! hurlai-je en sanglotant, incapable de contenir mes émotions.

Comment pouvait-il dire de telles choses ? Mon cœur battait si fort que je crus qu'il allait exploser. Les larmes envahirent mes yeux, brouillant ma vision. Je sanglotai, désemparée, jusqu'à ce qu'une voix forte coupe le silence.

— C'est faux ! Je plaide coupable ! Je l'ai kidnappée parce que nous nous aimons ! cria soudainement Heinkel depuis son banc.

Je levai les yeux vers lui, abasourdie. Il me fixait avec un sourire étrange, presque triomphant. Le juge frappa son marteau, demandant une pause de cinq minutes.

La salle sembla se figer autour de moi. Tout était flou, comme si la réalité elle-même s'était déformée. Mon esprit vacillait entre incrédulité et désespoir, tandis que je sentais le regard insistant d'Heinkel sur moi, me transperçant, me poursuivant même dans ce cauchemar éveillé.

Sens interdit ( Heinckera) Tome3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant