Chapitre II (partie 3): Un si joli sourire

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Richard

Je n'étais absolument pas jaloux de la pupille de mes parents.

Elle disposait d'un meilleur rang social que le mien, réussissait plus que moi, et était probablement plus intelligente que moi. Et cela m'énervais le plus souvent. Mais je n'étais absolument pas jaloux d'elle. Elle n'était rien d'autre qu'une coquille vide. Du moins c'est ce que je croyais.

Manipulatrice, froide, distante, ingrate, égoïste, cruelle, ennuyante et malade de surcroît. J'ai toujours pensé qu'elle n'avait rien à apporter à notre famille. Elle n'avait ni notre nom, ni notre histoire, ni notre apparence. Elle ne partageais même pas notre sang. Pourquoi alors étaient-ils tous tellement obnubilé par sa personne ?

Quand j'ai appris son départ, j'avoue avoir été soulagé. J'en avais plus qu'assez du silence.

Je m'apprêtais à prendre le train pour l'université quand je vis au loin, au-delà des railles, Ambre dévalant la colline à toutes jambes. Elle semblait ne pas avoir pris le temps de se coiffer, ni même de mettre un chapeau ; quelle image allait elle encore véhiculer des mœurs de notre famille ? Je me serais retourné sans y prêter attention si un détail ne m'avais pas mis la puce à l'oreille ; son sourire.

En un coup de vent, je m'éloignais du quais, traversais la petite gare de campagne en bois, m'immisçant entre les voyageurs affairés. Les alentours étaient crus, les même champs depuis mon enfance, avec les même paysans pitoyables qui ne savaient pas aligner deux mots, je m'aventurais sur le sentier rocailleux. La probabilité pour qu'Ambre passe par cet endroit étaient élevés, et mes pressentiments ne me mentais jamais. Après quelques pas je finis par sortir ma montre à gousset de ma poche de gilet, le prochain train était dans une heure, ce qui me laissait le temps de vérifier qu'elle ne commette pas quelque chose pouvant embarrasser notre famille.

En un coup d'œil furtif, je regardais l'état de mes chaussures que j'avais si soigneusement ciré ce matin ;pleines de boue terne. J'en voulais à Ambre de m'avoir fait rater mon train.

J'entendis des bruit de pas impatients se rapprocher de plus en plus de moi ; c'était elle. Son visage meurtris par les opérations et son corps d'enfant chétive. Elle s'arrêta net. Me fixant avec toujours ce même regard obstiné, impertinent.

-    Que faites vous là Richard ? Me lança-t-elle avec son venin.

Sans même tenter d'entendre ce que j'avais à lui dire, elle tenta de mon contourner. Mais je pris son bras avant qu'elle n'ai pu faire deux pas. Son petit bras tout frêle. Elle tourna la tête en un mouvement brusque, fronçant les sourcils. Elle était en colère mais dit rien, se contentant de me fusiller du regard.

-    Qu'est ce que c'est que cette tenue ? Dis-je d'un ton sec.

Elle ne répondit rien.

-    Je n'ai pas de temps à perdre Ambre, dis-je plus fort. Qu'est ce que c'est que cette tenue ?!

Toujours rien. Si ce n'est ses yeux.

-    Est-ce que tu te rends compte de la situation dans laquelle tu aurais pu nous mettre si je ne t'avais pas arrêté avant ? Criais-je. Tu étais là, à courir comme une garçonne, les cheveux lâchés, pas même peignés, avec ce sourire insolent aux lèvres. Non mais pour qui tu te prends ? Tu veux encore ternir d'avantage ta réputation c'est ça ? Et avec la réputation de la famille ? Ou vas-tu d'ailleurs ma mère sait-elle que tu es là ? Tu ne lui as rien dit c'est ça ?



Rien, absolument rien, pas un seul mot, le même silence depuis des années.

Je saisis son deuxième bras avec ma main et sans que je ne puisse le contôler, je me retrouvais à la secouer en hurlant :

-    Mais parle enfin, parle ! J'en ai plus qu'assez de toi et de ton comportement ! Tu te crois supérieure c'est ça ?! Parce que tu es riche ?! Parce que tu es de bonne famille ?! Tu te rend compte du mal que tu fais à maman, et je ne parles même pas de Nathanaël ! Espèce de sale petite ingrate !!

Un gifle m'échappât. J'entend encore son son sanglant résonner.

J'étais calme maintenant, je pouvais la lâcher. Elle n'avait pas baissé les yeux, elle continuait à me regarder. Je me suis demandé si elle m'en avait voulu. Elle m'en avait sûrement voulu.

J'étais engourdi, encore étonné d'avoir levé la main sur la petite. Cela ne me ressemblait pas, j'étais quelqu'un d'intelligent, je réglais mes différents avec les mots habituellement, pas avec les coups. Tout cela ne serait jamais arrivé si elle ne m'avait pas fait sortir de mes gonds. Mais quelque part, j'étais déçu de moi-même.

Elle se recula, légèrement tremblant. Puis continua son chemin avant de s'arrêter et de dire :

-    Je suis admise à st Joseph, j'allais annoncer la nouvelle a monsieur Keegan.

Sa joue était rouge, ma sa démarche n'en était pas perturbée. Elle plaçait méthodiquement un pied devant l'autre, encrée dans le sol sans ne jamais flancher, tandis que moi, je perdais l'équilibre.

Je tombais de haut. Bien qu'intimement, je savais qu'elle serait prise dans cette école. Je me rendais compte finalement que je trouvais là un soulagement. St Joseph. Ambre. Loin de moi.

Qu'aurais-je pu rêver de mieux ?



*

Bonjour à tous !
Merci de m'avoir lu jusque là.
Cette partie devait initialement se trouver dans le chapitre 3, mais je trouvais plus cohérent de l'associer aux chapitre 2.
Certain auront également remarqué que j'ai changé le nom du lycée de « st James » à « st Joseph », c'est tout simplement parce que joseph est le saint patron des étudiants et que je trouvais ce nom plus symbolique.
Cette partie est courte mais intense je l'espère, voyez ça comme un petit bonus !
Noémie.

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