Chapitre II (partie 2): Un si joli sourire

45 5 5
                                    

Nathanaël

Ambre partirais chez son oncle à St James, c'est ce qui fut établit. Ma mère était restée molle, les bras ballants, les yeux écarquillés, ne sachant que dire ou que faire, soucieuse de ne pas froisser celui qui avait été son soutien financier pendant toutes ces années. Elle n'en revenait pas, sa fille ou plutôt sa fille-illusion, loin d'elle, loin de la maison, lui glissant entre les doigts. Les traits d'Ambre s'étaient éclairés, et son corps, se levant en un mouvement brusque, incontrôlé ; mais d'une beauté. Et d'une aisance que je ne lui connaissait pas, elle adressa un grand sourire à notre professeur, plus naturel qu'on ne saurait l'espérer.

Ainsi c'était à notre enseignant que revenais la lourde tâche de la préparer au concours d'entrée. Le soir, après ses permanences, il se rendait chez nous. Et Ambre, le visage moins blafard, les traits moins tirés l'accueillait, presque – et il existe des degrés à l'emploie de ce mot- souriante.

« Elle y passe ses nuits », disait Richard, levant les yeux au ciel. C'est vrai qu'elle se retrouvait élève impliquée, elle levait la main en classe, chassait les rêveries de ses pensés. Elle travaillait sans relâche, se montrant déterminée, vive et ambitieuse. Quand monsieur Keegan était là, je savais imaginer des éclats de rire, des discutions engagés. S'il travaillaient, personne n'osait les déranger, même les jumeaux leurs évitaient le tumulte quand ils étaient là.

C'est comme si un corps inanimé avait soudainement trouvé une façon d'exister. Il lui arrivait de chantonner, de danser en passant le ballais. On la voyais, avec étonnement, plus proche de maman qu'elle ne l'avait jamais été, l'accompagnais au marché, l'aidais à la cuisine, dans le silence toujours, mais bien plus lumineux, bien plus chaleureux qu'il ne l'avait jamais été. Elle pouvait bien vivre encore ici un peu puisque bientôt elle découvrirais un ailleurs.

*

Et, sans que je fus étonné, elle réussi l'examen d'entrée et fut admise dans l'école qui habitait chacun de ses rêves. Je crois bien que j'ai pleuré, comme si l'on m'arrachais une partie de moi-même. Pourtant, je savais qu'elle s'en irait, j'en avais même toujours été certain. On ne met pas un renard en cage éternellement.

En me levant, j'avais trouvé maman effondrée sur la table ; comme si on venait de lui arracher un pair. Je me suis avancé, en essayant de me donner des airs surs de moi. Et puis, relevant la tête ma mère me tandis une lettre en un geste las. Je saisis l'encadré de papier l'ouvrant rapidement, non pas parce que j'étais pressé d'en découvrir le contenu mais parce que je détestais le bruit du papier qui se déchire. Un déchirement ne peut être agréable ; j'en suis persuadé. Et puis d'un coup, d'un seul ma vision deviens flou ; « admise » et je sens le long de mes joues glisser de grosses perles chaudes venant tour à tour s'écraser sur le papier.

Oui, nous aimions Ambre. Pas d'un amour sincère, pas d'un amour juste. D'un amour empoisonné, d'un amour qui ronge, qui grignote l'esprit ; un amour qui lui avait volé son si joli sourire.

Et qui allait lui rendre ? Un morceau de papier, un misérable petit bout de papier sans âme.

Et, il n'y a rien de plus déchirant qu'être séparé des gens que l'on aime. Bien qu'il faille faire la distinction entre la séparation éternelle ; Ambre et Anastasia Leward, et la séparation temporaire ; Ambre et Joséphine Hamilton. Pourtant n'importe qui saurait qu'elle aurait préféré le contraire ; mais comment lui en vouloir ?

Maman s'était levé, et moi je m'étais assis à côté de sa chaise vide. Elle avait préparé du thé disant que la chaleur embaumait le cœur ; elle versa délicatement dans les deux tasses de porcelaines le liquide doré, me tendis la sucrière et la crème et je cru même l'entendre chuchoter « Heureusement que tu es là toi. ». Mais je l'ai sûrement imaginer, parce que j'avais toujours aimé les signes d'attention. Et au lieu de répondre quoi que ce soit ou de l'interroger, je fuis en coulant un, deux, trois morceaux de sucres et en observant se répandre la nébuleuse blanche dans ma tasse. Je masque l'amertume avec de la douceur. Mais même dilué, la douleur est toujours aussi présente.

Ambre finit par descendre et étonnée de nous voir tout les deux assis ici après quelques secondes elle dit :

-Vous en faites une tête...

Maman releva le regard et lui adressa un sourire que ses yeux ne suivaient pas.

-Viens t'assoir ma chérie, tu ne vas pas y croire...

Ambre s'assis sans rien dire, confiante. Maman, qui savais mieux que quiconque masquer ses ressentiments, lui tendis la lettre. De ses doigts délicats elle la saisit, puis marquant une légère pause, elle l'ouvre sans se hâter.

Et puis. Je n'ai pas oublié cette sublime expression. Je n'ai pas même chassé de mon esprit cet instant hors du temps. Ou était passé la fille que j'avais connu ces dix dernières années ? Elle redressa d'un coup, se mit à sautiller sur elle-même se cachant derrière la feuille, poussant de petits cris de bonheur. C'était en tout points irréaliste si bien que si des ailes étaient sorties de son dos, je n'aurais pas été étonnée ; on eut dit un ange. Et soudainement alors que nous étions en face d'elle, elle se rua vers notre mère et la pris dans ses bras. Je ne l'avais jamais vue aussi heureuse, aussi présente.

Maman en fis tomber son verre. Ce qui brisa l'euphorie d'Ambre, déconcertée. Et sans que je ne le contrôle un rire jaillis de mes lèvres et bientôt nous étions tout les trois plantés là, dans le salon, à rire aux éclats.

Comme si nous avions oubliés la douleur que cette nouvelle avait provoqué en nous à la vue d'un si joli sourire.

L'absenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant