Chapitre XIV (partie 3): Respirer

14 3 2
                                    

Nathanaël

Jamais l'on avait vu telle tempête, la maison tremblait presque sous les coups du vents. Les feuilles venaient se heurter contres les murs en bois, et la pluie, venait se fracasser contre les carreaux. Dieu -s'il existe- était en colère, ou peut être que cette rage n'était que l'expression de sa tristesse.

Le médecin était passé ce matin, et dans sa barbe il avait dit :

- Hm, c'est du jamais vu un cas qui empire si vite... Intéressant... C'est bientôt la fin, j'en ai peur... Contactez moi quand... Enfin vous savez... La bonne journée...

Je n'avais pas quitté son chevet depuis des heures. Écoutant sa respiration douce et imperturbable. Cela faisait des jours qu'elle n'avait pas ouvert les yeux. Et je désespérait qu'elle les rouvres un jour. Cette chambre n'avait pas changé, et elle ne changea jamais d'ailleurs. Tout était parfaitement fixe, rien ne bougeais, que les mouvements bornés de ses poumons sous la couverture en laine. Elle avait connu la richesse, elle avait connu le luxe, les salons. Et elle se retrouvait face à moi, plus humble qu'une personne pouvait l'être.

Tout était dit et pourtant j'aurais voulu lui dire encore un millions de choses. Et plus le temps passait et plus je perdais espoir de revoir la lueur de son visage. Pourtant son souffle semblait crier mon nom.

La tête posée sur l'oreiller de coton, son corps était plus paisible qu'il ne l'avait jamais été. Comme si elle s'était lavée d'une vie, et je ne voulais pas y croire. Je ne pouvais pas y croire. «  C'est impossible, Ambre Leward se bat, Ambre Leward vit, longtemps. »

Je peinais à garder mon souffle stable, remuant le bout de mon nez, espérant attraper tout l'oxygène qui logeait entre ces murs pour lui redonner ensuite.

Soudain,  plus un bruit, la tempête se calma, laissant place à un rayon de soleil orange qui vint s'incruster sur le visage calme d'Ambre. Elle ouvrit les yeux. Peut être était elle déjà un ange. Son auréole se dessinait déjà autour de ses cheveux cuivrés et de ses oreilles délicates.

- Nathan, bruissait-elle d'une voix de feutre.

J'étais incapable d'y croire, c'était comme un miracle. Comme un miracle que mes yeux étaient capables de voir.

- Nathan tiens moi la main s'il te plait, continua-t-elle.

Je pris sa main fine entre mes doigts, touchant ses phalanges, les bout des ses ongles bleuis par la maladie.

- Tu as peur ? Demandais-je avec tendresse.

Elle secoua la tête. Ses forces étaient limités, et je le savais, mais pour la première fois de ma vie, je ne voulais pas qu'elle la préserve.

- Nathan, il y a une chose que tu dois faire.

Sa voix était faible, presque inaudible. Mais je me concentrait, sur ses lèvres ; et sur son visage, la regardant du mieux que je le pouvais, comme pour graver son visage dans mon esprit pour ne plus jamais m'en défaire.

- Il y a un homme... il tient une petite librairie en ville... Demande aux passants... Ils sauront... Dit leurs qu'il s'appelle monsieur Martin. Cet homme a quelque chose pour toi, mais pas que. Tu dois aller récupérer cette chose... Tu dois...

Elle ferma les yeux une seconde, une seconde qui me parut être une éternité. Avec courage elle repris :

- Tu dois faire attention... Disperser cette chose... Pormet moi que tu le feras ?

- Je te le promet, m'écriai-je.

Elle tourna sa tête vers la fenêtre, le regard mélancolique.

- Ce que j'aurais aimé que le cerisier soit en fleur... Ouvre la fenêtre pour moi... Une dernière fois...

Sans hésiter, et pour ne pas perdre un instant, je m'exécutais, laissant entrer le vent léger sur ses draps blancs. Elle sourit alors que je ne pleurais pas.

- Je suis morte une première fois quand j'ai quitté la maison de mon enfance, Nathanaël. Ne t'en fais pas, je sais ce que c'est. J'ai vraiment été heureuse...

Et puis tout à coup, plus rien. Ses paupières closes, pour la dernière fois. Sa main glissa d'entre les miennes en un soupir. Dans un dernier silence, dans une dernière absence. Elle est partie tout doucement, laissant derrière elle ses non-dits, laissant derrière elle ses mystères, laissant derrière elle son esprit. Elle n'a jamais réellement cessé de respirer. Elle s'est envolé, son corps s'est dissipé. Comme si tout ceci n'avait été qu'un rêve.

Et moi, assis à même le sol dans cette pièce bien trop lumineuse pour une telle situation, tellement seul là ou nous étions deux, le souffle court, incapable de pleurer, incapable de crier, incapable d'hurler.

Pourtant, son âme résonne encore dans les contrées où le vent hurle son nom.

L'absenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant