Chapitre XIII (partie 1) : Pas le temps pour les regrets

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Elvis Keegan



Bonjour Monsieur,

J'ai conscience de ne pas être en position de vous écrire après avoir si expressément ignoré vos dernières lettres. Si je m'adresse à vous, c'est parce que j'aimerais vous voir.

Je serais au café La pléiade dans le centre ce Samedi, que vous me rejoigniez où nous, je vous y attendrais.

Bonne journée et à bientôt je l'espère,

Ambre Leward.

J'avais voyagé une journée entière en charrette, pour me retrouver là, assis en face d'elle pour la première fois depuis plus d'un an. Elle avait énormément maigris, avait ôté son bandeau, semblait plus droite, plus distinguée. Mais je ressentais sa fatigue.

-    Tu n'as pas bonne mine, dis-je en appelant le serveur.

Elle ne répondis rien. Elle avait tellement changé et pourtant si peu.

-    J'ai donné votre livre à une amie. Une amie qui est partie, j'espère que vous ne m'en voudrez pas.

-    Jamais je ne pourrais t'en vouloir voyons, un livre ça voyage, ça se lit, ça se transmet. Je suis sur que c'était la chose à faire.

Le garçon arriva « un thé avec un nuage de lait », ce n'était plus n'importe quelle jeune fille. Ses goûts étaient distingués et ses gestes étaient fins. Pourquoi m'avait-elle fait venir ?

-    Je voulais vous... Commença-t-elle.

-    Alors dites moi... Dit-je-en la coupant, Pardon vas-y.

-    Non non, vous d'abord, répondit-elle en baissant légèrement les yeux.

Je l'avais connu avec plus d'assurance, quelques mois avant, elle n'aurait eu que faire de mes mots, elle aurait complètement ignoré mes paroles. J'avais connu une jeune fille fière, je retrouvais un moineau tremblant. Quelque chose avait définitivement changé, pour le meilleur et pour le pire.

-    Je vous ai déjà posé la question, une fois, mais je vous la repose en face ; tu as songé à votre vie après St Joseph ?

Elle mélangea le thé devant du bout de sa cuillère en argent, fuyant mon regard.

-    J'aurais adoré être chercheuse mais...

Elle s'interrompit longuement, elle se serait tue éternellement si je n'avais pas renchéris :

-    Qu'est ce qui t'en empêches ? Dis moi ? Tu es jeune, tu as la vie devant toi !

-    Il se pourrait que je n'ai pas la vie devant moi pour ce genre de choses.

J'avoue ne pas avoir compris ses mots. Je me suis demandé si finalement, cette vie ne la brimait pas plus qu'autre chose, dans un monde d'apparence, dans un monde de convictions.

-    Il y a un an vous ne m'auriez pas répondu ça. Il y a un an vous m'auriez regardé droit dans les yeux comme pour me défier, où est-elle passée, la jeune fille que je connaissait ?

Elle me fusilla du regard. Je l'avais blessé, je ne savais pas comment me comporter avec cette version d'Ambre Leward. Je pris une gorgée de mon café, regardant l'animation ambiante. Sa tête était inclinée, son visage vide de toutes expressions. Et je ne savais toujours pas pourquoi je me tenais là face à elle.

-    Je ne suis plus la jeune fille que vous avez connu, et si vous croyiez la retrouver en venant me voir aujourd'hui, vous vous êtes trompé. Les gens changent, c'est ainsi.

Sa voix ne tremblait pas, au contraire, elle était affirmée, loin d'être diffuse. C'était comme si quelque chose s'était brisé en elle pour faire éclore quelque chose de nouveau. Ce que j'entendais là n'était pas le discours d'une fille de son âge. Ce que j'entendais là c'était la complainte d'une fille condamnée, et je ne pouvais pas le laisser passer. Je m'étais battu pour elle, et je me battrais encore s'il le fallait.

-    Écoute, je ne sais pas ce qu'il s'est passé ici, et je ne sais pas non plus pourquoi je suis là. Je ne suis sur que d'une chose, c'est que quelqu'un ou quelque chose t'as blessé. Peut être que tu crois que tout est finit. Que plus rien de changera jamais. Mais crois moi Ambre, crois moi, moi qui t'aime comme un père. Moi qui te connais depuis toujours. Crois moi simplement. Rien n'est jamais finit. Il y toujours une nouvelle façon d'avancer.

Elle ne me quittais pas des yeux. Nous sommes restés là, alors que le soleil se couchait sur nos visages. Sans rien dire. Cette situation ne me dérangeais pas, et je doute que cette situation l'ai dérangé. Peut être qu'elle avait juste besoin de réconfort. Peut être qu'elle n'avait besoin que d'une bouffée d'air pour avancer. Au moment de partir, elle me demanda si j'avais un hôtel en ville, ou si je voulais passer la nuit chez les Leward. J'ai mentis, bien sur. Je rentrerais de nuit. Dire que j'étais le seul qu'elle avait appelé de son ancienne vie. Alors que sa silhouette s'éloignait au loin, j'hurlai :

-    Ambre ! Ambre !

Elle se retourna gracieusement, sous cette lumière cristalline.

-    Ambre, n'oublie pas surtout, il n'y a rien de pire que les regret.

Ses lèvres ondulèrent. Il se pourrait qu'elle ait prononcé un merci. Elle me fit un signe de la main, plus souriante que je ne l'avais jamais vu. Quelque chose avait peut être changé. Mais quelque chose était en devenir, j'en étais persuadé.

L'absenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant