Chapitre I (partie 2): Infiniement belle

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Nathanaël

Le chemin du retour fut bien plus rangé que l'allée, nous marchions Ambre et moi côte à côte sur le petit sentier en gravier, autour de nous la campagne aussi rayonnante qu'un mois d'avril, le temps était particulièrement doux ce jour là et le pas léger nous de cette fin d'après midi était des plus agréables. J'aurais aimé que le temps s'arrête, juste elle à côté de moi, son souffle, le bruit des ses pieds délicats heurtants le sol de façon si régulière. Les arbres lâchaient de petit soupirs craquelants, ne faisant preuve d'aucune résistance face à la constance du vent dans leurs feuilles, les oiseaux gazouillaient, la vie leur était facile, tout ne pouvais que leurs sourire, volants et virevoltants au dessus de nos têtes, s'en était presque insolent.

- Je crois que j'ai envie d'y aller dans ce lycée, dit Ambre l'air de rien

Ne m'attendant pas à ce qu'elle m'adresse la parole, je fus surpris d'entendre des sons, des mots sortir de sa bouche. Si elle me le dis, c'est qu'elle en crève d'envie au fond d'elle-même, et je ne le sais que trop bien, ce n'est pas le genre de personnes à parler pour ne rien dire.

- Je te comprends, répondis-je simplement.

Je me rassurais en me disant que de toutes façons, papa et maman n'accepteraient certainement pas une telle folie -et surtout une telle dépense- ma mère étant déjà tellement exaspéré par l'excentricité dont faisait preuve Ambre. Mais au fond de moi, quelque chose savait qu'elle allait me glisser des mains, qu'elle allait partir loin et m'oublier. Pourquoi est ce que nous nous attachons toujours tellement à ce qui nous fais souffrir ?

Une fois arrivés Ambre salua furtivement maman avant de s'engouffrer dans sa chambre, on ne la reverra sûrement pas de la soirée. Notre maison est petite, toute petite en bois, peinte en blanche à l'extérieur, les volets quand à eux sont vert, l'intérieur lui me paraît toujours chaleureux, rassurant, je suppose que c'est parce que rien ne m'est inconnu ici et parce que c'est certainement le seul endroit où je puisse me sentir bien malgré la compagnie.

- Ah Nathanaël ! Vous êtes rentrés, me lança ma mère qui était dans la cuisine j'ai préparé de la tarte, vous en voulez ?

J'entrais dans la cuisine calmement, souriant sincèrement à ma mère et hochant la tête pour acquiescer. Elle me lança un sourire chaleureux avant que ses lèvres ne se détendent et que ses sourcils ne se froncent légèrement. Elle était déçu.

- J'imagine qu'Ambre n'est pas intéressé par la proposition de sa vieille mère reprit-elle l'air agacé

Ambre n'a jamais considéré maman comme sa mère, une mère elle en avait une, Anastasia Leward, une grande dame que l'on aime contempler, Joséphine Hamilton n'aurait jamais fait le poids. Et malgré les dix années passées à nos côtés, elle continuais à vouvoyer mes parents et à les appeler par leurs prénoms bien que ma mère lui ai proposé des centaines fois d'utiliser quelque chose comme « maman Joséphine » et « papa Rémus », mais il n'y avait rien a faire elle ne voulait de nouveaux parents pour rien au monde. Bien sur maman aimait Ambre de tout son cœur peut être même plus que ses propres enfants, peut être même plus encore que Richard à qui tout réussissais dans la vie. Je le sais parce qu'elle n'arrêtais pas de lui faire des remarques ; et chez elle sermonner est une façon comme une autre de donner de la tendresse, il y a des signes qui ne trompent pas.

- C'est pas grave, continua ma mère avec un sourire triste, ça en fera plus pour nous...

Quand nous étions petit et qu'Ambre vivait encore dans sa maison natale, ou devrais-je plutôt dire son manoir natal, elle était notre voisine et nous avions pour habitude qu'elle vienne séjourner chez-nous lors des déplacements de ses parents -en échange de quelques billets- seulement, une fois, ils ne sont pas revenus. Je n'avais que 5 ans et ambre avait derrière elle 4 misérables petites années d'existence. Je ne me souviens pas qu'elle ait pleuré, elle s'est contenté de tout garder au fond d'elle sombrant peu à peu dans le silence. Ce n'est pas venu tout de suite bien sur, au début elle souriait tout le temps, comme s'il ne s'était rien passé cependant on pouvais lire dans ses yeux son chagrin, un chagrin qui n'a fait que grandir. «Merci monsieur Hamilton, merci madame Hamilton de bien vouloir m'accueillir en votre foyer ». Il faut dire qu'elle avait toujours très bien parlé, depuis son plus jeune âge, mais elle utilisait des grands mots ce qui avait tendance à agacer maman qui la trouvait trop prétentieuse, trop cérémoniale, peut être si j'ose le penser trop éloquente pour la petite fermière qu'elle était, peu importe. J'ai longtemps cru qu'elle détestait sa fille adoptive, c'était avant de comprendre à quel point elle l'admirait, à quel point elle était heureuse d'avoir sa reconnaissance éternelle, pour l'avoir nourris, logée et élevée comme sa propre enfant. Ce n'étaient pas que de bons sentiments qui animaient ma mère, mais j'ai compris depuis longtemps à quel point peu de personnes sont animés par des sentiments pures. Et elle aimait l'enfant qu'elle avait recueillis ; et c'est tout ce qui comptait.

« Tout de même Joséphine, vous n'y pensez pas ! Ces gens là étaient comment dire, peu recommandable ... », « Mais voyons cette enfant n'a-t-elle donc pas de la famille ? », « Et vous avez pensé à vos propres enfants ? Votre plus petit n'a que cinq ans, vous n'allez quand même pas les élever comme frères et sœurs ! », « Vous savez ma chère, si c'est sa fortune qui vous intéresses, vous n'en toucherez pas un sous, c'est elle qui héritera de tout quand elle sera majeure et les chiens ne font pas les chats, je doute que plus tard elle ait la moindre gratitude envers vous ! ».

Nous verrons bien.

C'est ainsi qu'elle entra dans nos vies, dans le tumulte. Et un jour, tout se calma, le village avait semblé imprimé le fait que l'enfant était désormais une Leward chez les Hamilton et personnes ne disait plus rien le Dimanche avant l'eglise.

Pourtant, Ambre avait bien un oncle, Harry Leward et un cousin Francis Leward, de dix ans son ainé, jamais ils n'avaient proposé d'accueillir Ambre chez eux, en ville. Ils venaient nous rendre visite parfois, déposaient un chèque sur la table et partaient comme si nous étions des miséreux. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je n'ai jamais porté ces sombres personnages dans mon cœur.

La petit orpheline comme papa l'appelait quand elle n'était pas là pour l'entendre, était la seule fille de la maison mis à part ma mère bien sûr. Il faut dire que nous étions 5 garçons sans compter mon père qui était lui général dans l'armée et qui était - et c'est peu dire - rarement présent. Tout d'abord il y avait mon frère le plus vieux Romain, 22 ans, un rouquin grand et mince, il travaillait dans un hôtel de la ville la plus proche et était fiancé à Catherine, une charmante femme de chambre. Il vivait avec elle chez leurs maîtres et je me plaisais à m'imaginer qu'ils se voyaient en cachette la nuit. Mes parents espéraient qu'ils se marieraient au prochain été, mais rien n'est jamais certain dans ces engagements là. Il y avait ensuite le très sérieux Richard, un charisme naturel, un fluidité de parole impressionnante , étudiant en médecine, il avait obtenue une bourse, et incroyablement aimable pour couronner le tout, il souriait à la vie et la vie lui souriait. Il était de ceux à qui tout réussissait. Puis venaient les très attachants et inséparables jumeaux Ronald et Romuald, l'un apprenti boulanger et l'autre apprenti fromager, ils nous parlaient souvent avec engouement de leur projet futur de commerce ce qui faisait toujours sourire maman. Et pour finir moi, Nathanaël, Ambre aimait me surnommer Nathan, elle trouvais ce nom moins ennuyeux et j'avoue ne pas pouvoir lui donner tort. J'étais le petit dernier de la famille vivant dans l'ombre de ses frères, le petit binoclard, celui qui ne dit jamais rien, le grand timide, celui que l'on ne vois pas, que l'on oublie sauf quand cela arrange le monde, les autres, les gens, les regards, la foule, celui qui ne réussira jamais rien, celui qui écris l'histoire des autres sans ne jamais en faire parti.

Ma mère quand à elle s'occupait de la maison et de la ferme, c'était une femme courageuse qui ne se plaignait jamais de tout le travail qu'elle avait sur le dos. C'était également une excellente cuisinière et bien qu'Ambre ne mange que très peu, même elle ne pouvait pas le nier. Joséphine Hamilton était une femme juste, une mère que l'on aime avoir a ses côtés et ce malgré ses défauts qu'elle ne laissait en réalité que très rarement paraître. C'était une mère rassurante, protectrice et surtout très amante pour ceux qui voulaient bien accepter un peu de tout l'amour stocké en sa personne.

Non, je n'avais pas à me plaindre de ma famille. Et ce même si je m'y sentais dans le fond terriblement seul. Et je n'ose même pas imaginer ce que devait être toute la solitude dans laquelle s'était enfermé Ambre.

L'absenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant