Prologue

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Louis

La neige recouvre lentement mes traces de pas. Mon cœur s'emballe et ma respiration est saccadée. Elle l'est bien trop. Je tente de la réguler en prenant de grandes inspirations. J'ai mal aux pieds, aux côtes, à l'âme. Mon manteau est encore marqué par les tâches de sang. Je suis perdu. Les rues se ressemblent et s'assemblent. La lueur des flammes m'éblouit et les habitations sont désespérément silencieuses. Un coup de fusil hurle dans la nuit. Je ne regarde pas en arrière, je continue d'avancer le plus vite possible. L'aboiement d'un chien résonne un peu plus loin sur ma gauche et le cri d'un enfant à droite me brise. Il doit être cinq heures du matin, ou six, j'ai perdu le compte. La lumière de jour apparaît faiblement vers l'horizon. J'ai l'impression d'avoir couru toute la nuit. Le cuir de mes chaussures me rentre dans la peau. J'ai chaud. Je n'en peux plus. De la fumée s'élève dans le ciel au loin. La moitié du village a été saccagée. Je n'ai absolument nulle part où aller. D'autres cris me parviennent, tous étouffés sous des coups de feu. Je crois que ça n'aura pas de fin. Cette nuit. Cette souffrance. Cette vie. Il ne me reste que deux balles. Et je ne sais pas assez bien tirer pour essayer de viser qui que ce soit. Ça n'était pas censé se passer comme ça. Je suis tout seul. Je les ai perdu de vue dans la mêlée. Retourner sur mes pas serait suicidaire, imbécile. Je ne peux pas prendre ce risque. Ni pour elles, ni pour moi. Une balle s'échoue dans un bruit sifflant à quelques centimètres de moi. Mon sang se glace. Ils me suivent encore. Je redouble d'effort. Non, c'est impossible, je ne vais pas crever cette nuit, pas maintenant.

"On en a un autre !", s'écrie un des soldats dans une rue adjacente

Je tourne rapidement la tête vers cette voix. L'effroi à l'état pur. Le moment où l'on réalise qu'on ne pourra jamais s'en sortir réellement car une part de nous restera à jamais dans ce village. J'ai à peine le temps de croiser ses yeux révulsés de peur que déjà une balle transperce la poitrine de mon meilleur ami.

"Stan...", parviens-je à murmurer dans ma course effrénée.

Je crois que je suis en état de choc. Oui, sûrement. Car rien ne vient. Aucune tristesse, aucune colère. Juste un profond vide. Je continue à courir le plus vite possible et me rend compte que je suis au cœur de mon village, sur la place. Je prends aussitôt à gauche, là où la lisière de la forêt n'est pas loin. Je veux rester dans cet état de néant. Ne plus rien ressentir. Je ne pourrais pas tenir le coup si je devais encaisser ces émotions. Il faut que je tienne. Au moins jusqu'à demain matin, lorsque tout sera fini. Je retiens un rire. Lorsque tout sera fini ? Mais ce n'est que le début.

J'ai à peine le temps de rire de ma propre bêtise qu'une main m'agrippe la gorge et me plaque contre un mur. Merde, je ne l'avais pas vu venir. Il a un regard noir et la peau laiteuse. Son masque recouvre la moitié de sa tête. Une seule de ses épaules doit faire au moins ma largeur. Je n'hésite pas. C'est lui ou moi. Il a à peine le temps de lever son arme que je sors la mienne et vise sa tête. Le tir part, il s'effondre. Je ne prends pas le temps d'essuyer le sang sur mon visage et poursuit mon chemin. Je viens de tuer un homme. Pour la première fois de ma vie, j'ai tué un être humain. Non, ne pense pas Louis, tu n'en as pas le luxe.

Je relève la tête, mes poumons me brûlent. Mais ça n'a pas d'importance car j'aperçois enfin le feuillage de la forêt. C'est bon. Plus que quelques mètres, je vais m'en sortir. Je cours sans m'arrêter, et enfin, enfin, mon pied foule la terre boueuse. Des feuilles me fouettent le visage, la seule lumière qui éclaire la nuit est le retour de flammes qui a incendié plusieurs maisons. Nos maisons. Celles devant lesquelles je passais tous les jours pour aller à l'école. Celles d'amis avec qui j'avais fait mes meilleures farces. La bile remonte dans ma trachée. Non, retiens-toi. Je cours encore pour m'éloigner le plus possible d'eux, mais je sais que plus personne ne me suit. Ma progression dans la forêt se fait de plus en plus difficile entre le manque de lumière et les nombreuses racines qui jonchent le sol. Je n'en peux plus. Je suis à bout de forces, à bout de nerfs. Mes jambes ne me tiennent plus et lorsque mon pied rencontre une racine et que je m'effondre au sol, je n'ai même plus le courage de me relever. Je sombre.






Bonjour à toutes et à tous!

Je suis ravie de pouvoir vous présenter cette histoire aujourd'hui! Je compte poster régulièrement - disons tous les deux jours voire moins si j'ai le temps.

N'hésitez pas à voter ou à me laisser un commentaire, cela me toucherait vraiment.

Je suis novice ici, alors j'espère qu'on passera tous un bon moment à travers cette histoire!

xx

Only For The Brave [L.S.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant