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En arrivant devant l'hôpital, je m'empresse de sortir de la voiture et de me diriger vers l'accueil. Je demande à la secrétaire :

- Bonjour, la chambre d'Antoine Rivière s'il vous plaît.

- La 151 au premier étage.

- Merci beaucoup.

J'avance aussi vite que je peux avec mes béquilles et Max peine même à me suivre. Lorsque j'arrive devant la chambre 151, je vois Antoine, allongé sur un lit d'hôpital, les yeux fixés vers l'avant, sans aucune expressions sur le visage.

- Je te laisse seule avec lui, je suis dans le couloir d'à côté si tu as besoin, me dis Max.

- Je te remercie.

Je toque à la porte et entre doucement.

- Hé, comment tu vas ?

Antoine ne me répond pas. Je me fais un tas de films... Est-il sourd ? Aveugle ? Est ce qu'il va bien mais qu'il m'en veux d'avoir été aussi bornée ?

- Antoine ?

Il tourne doucement la tête vers moi mais ne dit toujours rien. Je m'approche prudemment et m'assoie sur son lit en face de lui.

- Je suis désolée... Parles moi s'il te plaît, dis moi si tu es énervé contre moi parce que j'ai étais débile de m'énerver contre lui et de le provoquer et j'aurais dû t'écouter...

- J'peux plus marcher Cassiop'... me lance Antoine en me coupant la parole.

- Quoi ? dis-je d'une voix nouée.

Il marque une pause. Je vois les larmes s'amonceler dans ses yeux... Il ne porte pas sa lentille.

- J'peux plus marcher... Le coup que Rayan m'a donné à la nuque... J'suis devenu paraplégique... dit-il en fondant en larme tout en continuant de me regarder droit dans les yeux.

Je me mets à pleurer à mon tour... Je ne sais même pas quoi lui dire... D'un coup, tous les moments passés avec lui resurgissent de ma mémoire... Nos courses sur la plage, nos fausses parties de handball, cette journée d'initiation au centre quand je lui ai appris à sauter avec Céleste... Tous ces instants où il allait bien, où il avait un projet d'avenir qui lui correspondait, où il était heureux de vivre... Je ne peux même pas imaginer le dixième de ce qu'il peut ressentir à cet instant ci... Je le prends dans mes bras et le serre le plus fort possible, comme si je n'allais jamais le revoir... Il se laisse aller et pleure pour de bon cette fois. Je ne peux même pas relativiser la situation, c'est trop horrible... Il ne méritait pas ça ! Je suis furieuse à l'intérieur, le destin est un abruti et la vie une connasse... Je desserre mon étreinte et le prends par les épaules :

- Je serai toujours là si tu as besoin de moi. Tu es mon meilleur ami et je ne veux pas que ça change. On a commencé cette aventure ensemble, on la finit ensemble d'accord !

- Je ne peux pas terminer le stage t'as remarqué ?

- Oui, et moi non plus t'as remarqué ?

- Oui...

- On peut être fiers de nous non ?

- Ah ça oui ! lance Max en entrant dans la chambre.

- Mon Commandant ?

- Comment vas-tu Antoine ?

- Je vais en vie...

- Vous pouvez être fiers de vous les enfants, vous avez été de loin les plus forts, les plus résistants, les plus à l'écoute, les plus performants et les plus respectueux et respectables de ce stage. Vous aurez les honneurs de l'armée, au nom de tout le camp de Souge, qui est fier de vous avoir accueilli dans ses rangs pendant trois semaines.

- Merci mon Commandant.

- Merci Max.

- Bien, je vais voir à l'accueil quand est-ce que tes parents arrivent...

Max sort de la pièce. Je n'ose plus rien dire. Le temps s'est arrêté autour de nous... Puis Antoine rompt le silence :

- On s'appellera pendant le mois d'août, et à la rentrée...

- Oui, bien sûr.

- J'aimerai bien qu'on se revoit aussi. Pendant les vacances scolaires par exemple.

- On prévoira ça, moi aussi je vais finir par m'ennuyer sans toi.

- Je suis trop indispensable à ta survie, rigole doucement Antoine.

Cette allusion à ce qu'il s'est passé la veille m'enlève le sourire...

- Mais je suis sûr que tu vas très bien te débrouiller sans moi, se rattrape-t-il, tu es forte, bien plus que moi en fin de compte...

- Tu sais je n'ai aucun mérite...

- Si bien plus que ce que tu ne crois.

Il me prend la main. Je regarde avec tristesse la perfusion plantée dans son bras, elle lui donne un air vulnérable que je ne lui connais pas... Antoine Rivière est loin d'être quelqu'un de vulnérable, il est carrément le contraire. Même dans la situation qu'il vit actuellement, il semble être plus fort qu'un ouragan. Pourtant des failles se dessinent sur son armure, comme des cicatrices invisibles qui ne disparaîtrons jamais... J'ai la sensation d'être la seule à les voir, la seule à qui il ne les cache pas... Ce garçon est une énigme pour beaucoup de gens, c'est lui qui me l'a dit. Mais je crois que je commence à comprendre pourquoi il m'a dit aussi, que je suis la seule qui peut le comprendre. Il suffit de regarder à travers ses yeux.

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