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- Le principe est simple, tenez dans cette position le plus longtemps possible et vous aurez une bonne moyenne, annonce Max.

Ce matin, exercice qui allie résistance et force mentale. Nous devons tenir le plus longtemps possible en faisant le paresseux sur un rondin de bois, en étant suspendu par les bras et les jambes et le corps qui pend. Pour les mecs dont les muscles pèsent lourd, je ne me fais pas de soucis ce sont eux qui tomberont en premiers. Pour moi en revanche, il va falloir que je m'accroche... Il est presque 9h et le sol à complètement séché, la journée s'annonce très ensoleillée. Nous nous positionnons sur la poutrelle et le chrono commence. On est pas sorti de l'auberge...

Au bout de quinze minutes les premiers commencent à lâcher prise. Je soupçonne une mauvaise position de départ (ou simplement pas assez de force)... Perso, je pense être bien calée.

Le temps passe, le soleil cogne de plus en plus fort, les muscles tétanisent... J'essaie d'étirer mes bras et mes jambes un à un pour garder un maximum de capacité physique.

- T'es craquante dis moi, me lance Antoine qui est juste à côté de moi.

- Merci du compliment ! dis-je en rigolant.

Je ne sais pas si s'en était un mais il est vrai que dès que je bouge, mes articulations craquent dans tous les sens... D'habitude, je fais exprès de me faire craquer les doigts ou les poignets (et mes chevilles claquent, même quand on les a pas sonné) mais là, ça fait un peu moins de bien...

- Ça fait une heure que vous tenez sur cette poutre et vous êtes encore 28.

Ceux qui sont déjà tombés sont partis en entraînement avec des soldats du camp sur le terrain d'en face. Il n'y a aucun bruit si ce n'est le chant des oiseaux qui viennent se poser de temps à autre à côté de nous sur le rondin. En voilà d'ailleurs un qui ne s'est pas gêné pour faire de mon bras un perchoir. C'est un petit rouge-gorge. Je l'observe attentivement, admire les fines plumes de son plastron et souris bêtement comme je sourirais à un ami. Je lui chuchote :

- Tu penses que je vais tenir longtemps ?

Évidemment il ne me répond pas mais il penche légèrement la tête sur le côté. J'ai toujours cru que si un rouge-gorge se posait sur vous, c'est qu'il vous choisit pour être son ami. J'aime à croire que ces petits êtres sont dotés d'une générosité telle, qu'ils n'ont pas de scrupule à accorder leur confiance à un humain. Je lui chuchote à nouveau :

- Toi tu es tranquille, tu es tout léger et tu n'as de toute façon pas à faire le cochon pendu...

- À qui tu parles ? me demande soudain Antoine.

- À personne pourquoi ? je lui répond en faisant mine de ne pas savoir de quoi il parle.

En criant aussi fort, il m'a fait sursauté et le petit rouge-gorge est parti. J'ai le sentiment d'avoir été abandonnée...

- Ah d'accord, tu parles toute seule ?

- Ça m'arrive oui.

- Intéressant, dit-il sur un ton comique.

Le temps continue de filer et les gars continuent de tomber. Au bout d'un moment, il y a carrément une hécatombe ! Au moins la moitié des personnes encore accrochées ont lâché au même moment.

- Déchargement de la poutre après une heure et demie. Pour les 10 derniers, courage !

Antoine est toujours pendu mais je sens qu'il commence à bouger un peu trop...

- Tiens bon Antoine !

- J'suis pas aussi léger que toi...

- C'est dans la tête.

Je me concentre un maximum sur moi même. L'avantage, c'est que je n'ai pas changé de position depuis le début (sans compter les petites variations après m'être étirée). N'empêche, je ne pensais pas tenir aussi longtemps ! Je ne suis pas très avantagée en terme de muscle alors ça relève de l'exploit.

Antoine tombe au bout de deux heures. Je fais partie du trio final avec Thomas, un mec neutre relationnellement parlant, et Rayan... La tête de fouine est au moins douée pour quelque chose... Cette rivalité me donne encore plus envie de finir première de cette épreuve. Je tiens bon mais je ne peux plus m'étirer... Mes membres sont complètement paralysés et je me maintiens juste par la force de l'équilibre. Je crois même que je ne pourrais pas tomber même si je le voulais... C'est là que le mental entre en jeu, celui qui aura le plus de volonté trouvera la force de tenir une seconde de plus que l'avant dernier... Et une seconde suffit, à faire la différence. D'ailleurs, Thomas vient de lâcher prise.

- Tu es resté suspendu deux heures et vingt minutes.

Je prie pour tenir plus longtemps que Rayan, je rêve de mettre une claque à son air condescendant qui m'énerve au plus haut point... Les minutes continuent de passer, le soleil continue de taper sur mon front mais je suis toujours dans la course.

- Bon, y'en a un des deux qui lâche ? lance Max.

- Je comprends toujours pas pourquoi elle est encore là elle ! ricane Rayan.

Mais en disant cela, ce débile s'est déconcentré et se ramasse la face par terre en hurlant de douleur... Yes ! J'ai gagné !

- Bien fait Rayan ! Ça t'apprendra à ne pas être fairplay et sexiste, s'énerve Max. Bravo Cassiopé ! Tu peux descendre maintenant, tu as tenu deux heure et demie !

Je me réjouis de cette nouvelle mais je ne peux pas bouger... Je suis complètement paralysée et la moindre tentative de mouvement me fait atrocement souffrir... Entre temps, tous ceux qui sont tombés avant nous ainsi que les soldats qui étaient avec eux sont revenus voir qui il restait.

- Est-ce que vous pouvez m'aider ? Je n'arrive pas à lâcher le rondin...

Antoine et Maé se précipitent vers moi pour me porter secours. La poutre en bois n'est pas très haute alors ils n'ont pas de mal à m'attraper.

- Essayes d'ouvrir doucement tes bras, me dis Maé.

Je sens les puissantes mains d'Antoine se poser sur mes flancs et me tenir fermement le temps que je tombe.

- Laisses toi aller, je te tiens.

La douleur est si piquante que je ne peux pas retenir mes larmes et des petits cris de détresse. Je me laisse fondre dans les bras d'Antoine alors que Maé desserre mes jambes de leur prise.

- Ça va aller, emmène la à l'infirmerie s'il te plaît, demande Max à Antoine.

À cet instant, je ne sais plus où j'habite, je suis à la limite de la syncope, je sais juste que je suis dans les bras d'Antoine...

Option de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant