I- Faiseuse d'anges

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Primrose Hill, Londres, 1922 :

L'église Saint Mark finissait de sonner les coups de minuit.

Une brume, bien connue de Londres, s'immisçait dans chaque recoin de la ville, incitant les derniers passants à se réfugier dans leurs beaux quartiers.

Ici, dans le coin proche de Camden, il y avait beaucoup moins d'éclairage. Les lampes à pétrole se faisaient rare et le parc n'était quasiment pas éclairé.

Mais cela n'empêchait pas la présence de cette femme.

Seule, emmitouflée dans un manteau portefeuille, elle semblait attendre.

La lune, que l'on distinguait à peine, tentait vainement de baigner le parc de sa lumière.

Quand le clocher eut fini, la jeune femme se leva, quitta le banc et se mouva dans la brume.

Ses bras encerclant sa poitrine, elle avait l'air terrorisé. Ses escarpins résonnèrent sur les pavés humides, menaçant de la faire tomber.

Il n'y avait qu'elle dans cette immensité.

Le parc s'éloignait derrière elle tandis qu'elle s'enfonçait un peu plus dans le brouillard. Son cœur tapait lourdement dans sa poitrine, laissant présager une appréhension grandissante.

Loin de son grand appartement, loin de ses parents, de son père moralisateur et de sa mère indifférente, tous ses repères n'étaient plus.

Au fur et à mesure que ses pas la transportaient, l'inconnue rencontrait quelques passants ivres. Des oisifs rêveurs ou des fêtards sortant d'un pub douteux. Ces derniers incitèrent la femme à accélérer le pas.

Ce qu'elle s'apprêtait à faire nécessitait une descente dans les tréfonds de Londres. Il n'y avait pas cela, là où elle habitait. C'était un quartier respectable.

Ses cheveux, à moitié cachés par l'encolure en fourrure, passèrent sous un faisceau de lumière.

Blonds et brillants.

Dans son dos, les voix des musards se firent plus lointaines tel un écho effrayant. Les aboiements d'un chien, en revanche, la firent sursauter et la pauvre manqua de trébucher.

Finalement, la raison de sa présence se dressa devant elle.

Une suite d'appartements, dont un en particulier.

Une bougie était allumée à l'intérieur, près de la fenêtre, comme un signal.

Ses souliers, devenus noirs, s'engagèrent sur la rive gauche et la protagoniste frappa plusieurs fois à une porte en bois.

Son cœur tambourinait aussi fort que ses poings contre la paroi, lui donnant la nausée.

Une femme, plus vieille et moins attrayante, apparut sur le pas de l'entrée. Ses yeux scrutèrent au-delà de la blonde, vérifiant que personne ne l'avait suivie, puis, sans rien dire, l'accueillie.

— Z'avez l'argent ?

Tremblante, l'inconnue des beaux quartiers sortit une liasse de billets et la tendit à la doyenne.

D'un geste abrupt, la vieille femme conduisit son hôte dans la seule pièce de cet appartement.

Un lit était prêt et, dessus, étaient entreposés une bassine, des serviettes propres et des aiguilles.

La blonde eut un mouvement de recul. Hélas, il était trop tard pour se raviser.

Elle était ici pour réparer ses erreurs. Cependant, rien ne lui rendrait la place qu'elle occupait il y avait de cela encore quelques jours.

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant