XXVII- Aiguilles à tricoter

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Dorothy ne dormait pas.

Tournée de son côté du lit, ses yeux noirs fixaient le rayon de lune qui passait à travers l'œil de bœuf.

Un filet de poussière tournoyait dans ce faisceau de lumière et il paraissait être une source d'inspiration pour elle.

Un bras calé sous sa tête, la jeune femme sentait la chaleur d'Alfie à ses côtés. Lui non plus ne dormait pas, elle imaginait qu'il avait probablement les yeux grands ouverts, fixant le plafond. Tous les deux songeurs sur ce qu'il s'était passé à ce gala.

Depuis qu'ils avaient quittés le manoir, ni lui, ni elle n'avaient parlé. Dorothy avait gardé ses lèvres scellées et ses mains contre ses cuisses, montrant inconsciemment qu'elle était vulnérable et sur la défensive. Alfie n'avait pas voulu insister, ni la brusquer même si cela l'avait démangé de fouiller ses pensées.

Leur silence était le seul témoin de ce fantôme qui était venu troubler la blonde.

Et même une fois rentrés dans leur sphère privée, Dorothy n'avait toujours rien dit. Elle n'y arrivait pas. Les souvenirs étaient trop honteux, cuisants. Ce n'était pourtant pas une montagne insurmontable. Plein de femmes avaient déjà vécu cette situation, Dorothy n'était pas une exception. Seulement, elle faisait certainement partie de celles qui en avaient gardé une douleur profonde.

Un trauma.

Et parfois, quand elle fermait les yeux, Dorothy sentait encore l'aiguille à tricoter pénétrer son corps.

Quand la porte de la maison d'Alfie s'était fermée derrière eux, celui-ci s'était dépêché d'ébouriffer ses cheveux et de défaire son nœud qui enserrait sa gorge.

Cyril était venu à leur rencontre, espérant que l'un des deux allaient l'emmener faire une courte promenade. Solomons avait répondu à sa requête, il semblait que Dorothy avait besoin d'être tranquille, il l'avait compris.

Alors sans rien dire, Alfie était parti promener son chien, laissant sa partenaire seule avec ses douloureux souvenirs et son for intérieur.

Le mutisme ne les avait toujours pas quittés quand ils s'étaient retrouvés dans le lit pour lire.

Lire sans vraiment suivre les lignes, ni les imprimer dans leur esprit.

Dorothy était ailleurs, des mois en arrière et Alfie, lui, était trop concentré sur la respiration fébrile de sa compagne. 

Il voulait lui demander. Ses questions lui brûlaient les lèvres et le rendaient fou mais il ne pouvait pas. Ce n'était pas à lui d'en décider.

Mais malgré tout, malgré ce silence pesant, lourd, et plein de non-dits, la lumière s'était éteinte. Le feu dans la cheminée avait continué à réchauffer la pièce de ses flammes vigoureuses, mais à présent il se mourait sous les cendres, incapable de combattre les peurs enfouies de Dorothy.

La jeune femme déglutit.

Depuis qu'ils partageaient un lit, ce n'était pas dans leurs habitudes de s'endormir sans rien dire. Ou du moins, de se tourner le dos en attendant que la situation finisse par s'améliorer toute seule. Alfie et elle étaient bien plus intelligents que cela et c'était pour cette raison que leur relation était simple et naturelle. Mais ce soir-là, Dorothy tournait le dos à son tout  et le laissait gamberger sur sa condition.

Nerveuse, la main de Dorothy se faufila sous l'oreiller et elle mordit sa lèvre inférieure. Ses cuisses se serrèrent un peu plus, elle avait besoin d'en parler. Elle n'était pas habituée à tant de secrets. Celui-ci, elle pouvait s'en débarrasser, elle pouvait trouver le courage d'expliquer la situation. Elle savait qu'Alfie s'inquiétait, et il méritait de savoir. Lui, ne parlait pas de son passé parce qu'il l'avait enterré avec son frère. Or, contrairement à lui, la blonde n'avait rien enterré si ce n'est son embryon à peine formé.

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant