XXI- L'épée et le bouclier

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Alfie approchait des docks, Cyril sur ses talons. D'une main maniérée, il gratta sa barbe hirsute et suivit le canidé du regard. Il n'était pas de mauvaise humeur mais, aujourd'hui, il se sentait fatigué. Plus qu'à l'ordinaire, il avait du mal à suivre une conversation, et sa peau le tirait.

Ignorant ses maux, Solomons pénétra à l'intérieur de sa boulangerie.

Dorothy était déjà là, observant avec intérêt les marchandises qui arrivaient des péniches. Comptant et écrivant le nombre sur son calepin, elle ne faisait pas attention à l'ours qui s'approchait d'elle.

Une chose qui ne changeait pas, c'était le professionnalisme exacerbé de la blonde, ne profitant pas de son statut au près d'Alfie pour procrastiner. Malgré son emménagement chez lui, Dorothy arrivait toujours en avance au travail. Ce qui ne la rendait que plus admirable aux yeux de son employeur.

Ses orbes noirs se tournèrent vers le distillateur et un sourire se profila sur ses lèvres.

— Cyril est de la partie, aujourd'hui ?

— Mmh, il me suivait comme un con depuis que j'ai posé le pied par terre.

Dorothy ne rétorqua rien, laissant croire à Alfie qu'il n'était pas si attaché que ça à son chien.

Cyril n'était qu'un chiot quand Solomons l'avait trouvé, errant dans les venelles de Camden Town. Pris de pitié pour cette petite créature, sans défenses, le capitaine, tout juste revenu de la guerre, n'avait pu que prendre le chien sous son aile.

Oui, Alfie était bien plus attaché à Cyril qu'il ne voulait bien laisser l'entendre. Mais c'était bien comme tout le reste. Si la mort d'Abraham n'avait fait aucune différence, Dorothy restait persuadée que des souvenirs cuisants avaient rejailli, alors que la lueur dans les yeux de son frère avait disparu.

Non, Alfie ne se lamentait pas. Il ne faisait pas part de ses émotions larmoyantes et se contentait d'expulser maux et douleurs par des insultes et des grognements. Dorothy ne faisait pas l'objet d'un exutoire lorsque cela n'était pas nécessaire. Et depuis la mort d'Ollie, il ne s'était pas effondré à nouveau.

Alfie ouvrit la porte de son bureau et laissa Cyril se trouver une place de choix parmi le bazar habituel. Dorothy tourna la tête vers les travailleurs investis et s'approcha de son employeur.

— Thomas t'a fait parvenir un télégramme. Il demande la liste, étrange, des gens qui seraient intéressés par un œuf de Fabergé.

Dorothy invita Alfie à pénétrer, à son tour, dans le bureau, et elle ferma derrière eux. Le distillateur ôta son chapeau et décoiffa ses cheveux d'une main agacée.

— Alfie, est-ce en lien avec ce dont tu m'as parlé cette nuit-là ? Si c'est le cas, cette liste que tu dois rédiger, Thomas est au courant.

Le criminel de Londres ne répondit pas tout de suite, prenant connaissance du télégramme envoyé par le chef des Peaky Blinders.

Il ajusta ses lunettes sur le bout de son nez et son front se rida.

Dorothy restait immobile, ses genoux butant contre le fauteuil. L'expression aussi concentrée de Solomons aurait pu la faire sourire, mais ça n'était pas le cas. Cette situation la dérangeait, elle savait que cette histoire pouvait devenir dangereuse et elle ne s'était pas trompée. Pour autant, elle restait fidèle à elle-même et à Alfie. Le laissant faire ses propres décisions sans les contredire.

— Je vais lui faire sa liste et le rejoindre au point de rendez-vous indiqué. Pas de quoi sortir l'artillerie lourde, d'accord, love ?

Sceptique, Dorothy tira le siège vers elle et s'assit délicatement. Le calepin toujours dans sa main droite elle le cala contre sa poitrine et soupira.

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant