XIV- Interprétations

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La journée avait mal débuté pour Alfie.

Ce matin-là, son pied gauche était celui qui avait touché le parquet froid en premier.

Cette matinée était à prévoir depuis déjà quelques temps. Si le deuil était enfin terminé, du moins en apparence, les crises que lui provoquaient son frère et Sabini étaient intenses et sans limite.

Mais Alfie avait tenté de repousser l'échéance pour mieux imploser au mauvais moment.

Aujourd'hui, c'était l'anniversaire de sa conseillère. Il le savait puisque sa date était marquée sur le contrat qui l'unissait à son entreprise. Alfie avait tenté de s'en rappeler depuis quelques semaines déjà, or sa tête était comme prise dans un étau infernal. Il avait trop de choses à penser et quand était venu le deux décembre, il avait fallu que ce soit le fameux jour où Alfie imploserait.

Qu'est-ce qu'il en avait à faire après tout ?

Un anniversaire ne signifiait rien sinon prendre de l'âge. Et en ces temps-là, Alfie n'avait pas le temps de préparer un gâteau et de le présenter sous le nez de sa chère employée. Il savait que Dorothy ne lui en tiendrait pas rigueur. Ce n'était pas le genre de femmes à attendre qu'on la gâte ou qu'on la dorlote. Du moins, elle n'exprimait aucun de ces sentiments-là.

En outre, la jeune femme était chargée de retrouver l'assassin présumé d'Ollie et Alfie n'avait toujours pas vu de résultats.

S'il était déçu d'elle, jusque-là, il ne lui en avait pas fait part, sachant pertinemment que ce sentiment n'avait pas lieu d'être. Dorothy n'avait jamais été aussi présente dans sa vie professionnelle et privée, essayant de se plier à toutes les volontés de son patron pour lui rendre l'existence moins difficile.

Elle se chargeait des tâches qu'Alfie délaissait pour se rendre plus souvent sur le terrain. Et Dorothy n'était pas idiote, elle savait pertinemment ce qu'Alfie faisait dans les venelles de Camden Town.

Tuer, menacer, cogner.

C'était devenu un refrain quotidien, qui accompagnait le distillateur, quand ses humeurs n'étaient pas optimales.

Et quand la jeune femme ne travaillait pas d'arrache-pied, elle tentait de distraire Alfie avec toutes sortes de moyens : amener de la lecture, conseiller des occupations, proposer de le ramener et même de cuisiner pour lui.

La réponse était toujours négative, Alfie aimant s'apitoyer sur son sort et se plaindre à longueur de temps. Les livres étaient lus, sans faute, et c'était bien la seule chose que Solomons faisait pour espérer que Dorothy arrête de s'en faire pour lui.

Toutefois, ce matin-là, peu importait le fait que la lecture des Misérables eut été bonne, Alfie arriva dans sa boulangerie de mauvaise humeur.

Les traits plus tirés qu'à l'ordinaire, la langue plus acérée et piquante, ceux qui se trouvaient sur son passage l'avait vite regretté.

Et si Dorothy avait échappé à l'attitude désagréable de son patron, cette fois, cela n'allait pas faire de pli.

Alfie poussa la porte de son bureau, avec brutalité, et jeta son cache-poussière de la même manière. Sans un regard pour sa conseillère, il referma la porte qui claqua, si fort, que la vitre en trembla.

Ce geste eut l'effet d'une claque sur la joue de Dorothy. Malgré les semaines de silence ou de colère, Alfie lui avait toujours communiqué un rapide bonjour. Parfois, ce n'était qu'un grommellement indéfinissable, mais elle s'en contentait. Aujourd'hui, pas un mot ni un regard dans sa direction.

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant