XXX- Le procès de Dorothy Dahlbeck

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Alfie descendit de son Austin noire en poussant un grognement bestial.

Le solstice du printemps n'était pas encore là et pourtant sa sciatique revenait au grand galop. Sans quitter la maison du regard, il extirpa sa canne et claqua la portière. Ses yeux clairs balayèrent les maisons aux alentours, c'était vraiment un quartier on ne pouvait plus calme.

Alors qu'il faisait un temps superbe pour un mois de février, aucun enfant ne jouait dans la rue. Pas de cerceaux, de ballons ou de familles se promenant. Il ne s'en plaignait pas, au contraire. Surtout depuis qu'il habitait réellement dans cette grande maison.

Ses breloques, accrochées à sa ceinture, teintèrent entre elles alors qu'il remontait les quelques marches qui le séparaient du porche. Son long manteau noir volait avec la brise légère encore hivernale, laissant entrevoir ses bretelles qui pendaient le long de ses cuisses.

Le courrier et le journal, qu'Alfie ne lisait jamais, étaient posés sur le sommet du pallier. Distraitement, il les ramassa sans oublier de râler contre sa hanche douloureuse et tourna la clé dans la serrure de la porte en bois. Une fois la paroi ouverte, l'odeur de cheminée et de parfum d'orient vinrent effleurer ses narines. Cela n'avait rien à voir avec le renfermé qu'il connaissait, il y avait de cela des mois en arrière.

Cyril, qui était couché à l'intérieur du hall, se leva et se traîna vers son maître, prêt à recevoir sa flatterie de la journée. Dorothy était encore au travail, aussi se contenterait-il de la main de Solomons et non des câlins puérils que lui prodiguait la blonde.

— Cache ta joie, mon vieux, tu t'es trop attaché à elle, mmh. Ouais, moi aussi, pas la peine de me regarder avec tes grands yeux, marmonna Alfie en caressant le poitrail du chien.

La journée avait été longue mais elle l'aurait été davantage si Dorothy ne l'avait pas remplacé pour la fermeture.

Ils avaient un inventaire avant la fin du mois de février et Alfie en était déjà épuisé d'avance.

Sa conseillère avait bien vu qu'il ne tenait pas debout aujourd'hui et elle avait proposé de le remplacer.

D'habitude, Alfie n'acceptait pas.

Il n'était pas du genre à rechigner contre le travail, jamais. Or, tout semblait l'épuiser en ce moment et il avait fini par accepter la proposition.

Retirant son chapeau et son cache-poussière, Alfie retroussa les manches de sa chemise dévoilant ainsi ses bracelets divers et ses tatouages de guerre.

De sa main droite, il frotta sa barbe hirsute et se dirigea vers le living-room, Cyril sur ses talons, toujours curieux de savoir ce que son maître allait faire. Généralement, Alfie le sortait ou se posait sur la causeuse pour reposer ses yeux mais ce soir-là rien de tout cela n'était au programme.

Le journal du jour servirait à allumer le feu et le courrier serait lu plus tard, aussi Alfie le posa sur le dessus du piano à queue.

D'un air fatigué, le distillateur fixa les livres qui traînaient sur la causeuse et un sourire se dessina sur ses lèvres. La veille, Dorothy et lui avait eu un désaccord sur l'origine du romantisme et les auteurs qui en avaient bouleversé le mouvement.

Tous deux ayant une culture assez riche, l'une grâce à ses nombreux précepteurs et professeurs, l'autre grâce à lui-même, ils avaient beaucoup débattu avant de finir par vérifier à la source. Ils avaient donc sorti les premiers livres traçant la pensée de l'époque et bien sûr, Alfie avait eu raison.

Sans se préoccuper des œuvres qui traînaient, Solomons pénétra dans la cuisine et s'attela à préparer le dîner.

Cyril ne le quittait pas des yeux, suivant les gestes plus qu'intéressants de son maître. Il savait pertinemment que si Alfie cuisinait, il aurait le droit à quelques bouts de ci et de ça. Ce dernier avait beau se moquer de Dorothy, qui infantilisait Cyril, il n'était pas sans reste.

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant