XXXXIV- Dernier train pour Camden Town

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La gare Victoria était la seule gare de Margate. Peu de trains y passaient et la plupart ne reliaient que les villages du Kent. Pour autant, en période estivale où les touristes affluaient déjà, il était courant qu'un voyage se fasse jusqu'à Londres.

Sur les quais peu bondés, Dorothy se tenait droite, prête à monter dans le wagon qui se présenterait à elle. Vêtue d'une robe pourpre en velours, qui lui tombait en dessous des genoux, elle était probablement la seule femme arborant une toilette coûteuse dans les environs.

Rien, sur son corps et d'apparence, ne laissait penser qu'elle ressortait d'une semaine longue et épuisante. Son visage était lumineux, sa peau laiteuse n'avait aucune imperfection, ni cerne et aucun trait creusé. Elle n'avait pas eu besoin d'appliquer de poudre, pourtant elle l'avait fait. Ses cheveux blonds couvraient ses épaules visibles, par des manches longues mais ouvertes. Joliment bouclés, ils n'étaient plus aussi ternes qu'auparavant.

Physiquement, il était certain que l'ancienne conseillère s'était remise de ses blessures. Elle arrivait à porter la valise en cuir marron qu'Alfie avait fait venir à sa chambre. Celle qui résidait à Margate, il y a de cela encore quelques temps.

Après le départ de ce dernier, Dorothy avait d'abord entamé une grève de la faim, refusant les plats que les infirmières lui apportaient. Si elle acceptait la décision du criminel, elle n'était pas obligée de la cautionner. Mais cette protestation avait pris fin quand Mary était venue lui rendre visite.

La rouquine ne lui avait pas expliqué la raison de sa présence, ni pourquoi elle savait ce que Dorothy faisait au Queen Elizabeth. De toute manière, il n'y avait pas besoin de chercher bien loin pour comprendre.

Alfie avait des remords et des regrets. Il avait fait venir Mary au chevet de sa bien-aimée, ne pouvant se résoudre à la laisser sans personne.

Patientant encore quelques minutes, la blonde alluma une cigarette entre ses lèvres rouges. Un halo de fumée se forma autour de son visage et s'évapora dans l'air frais. Plusieurs autres voyageurs s'ajoutèrent autour d'elle, désireux de profiter de cet unique voyage pour Londres.

Dorothy tourna légèrement la tête et prit une longue bouffée de tabac. Ses yeux noirs se posèrent sur un enfant qui tenait la main d'une dame plutôt âgée. Le petit garçon paraissait pressé de voir le train arriver en gare. Sa grand-mère lui expliquait comment toute la machine fonctionnait, elle avait eu un mari qui travaillait pour une compagnie de train aux États-Unis.

Bien avant la guerre.

La blonde continuait à suivre la conversation, qui prenait part à quelques pas d'elle, seulement. Coiffé d'un petit canotier et habillé d'une salopette bleu marine, le jeune garçon était ébahi par ce que lui racontait la dame qui semblait l'élever.

Puis, enfin, la locomotive s'approcha dans un bruit mécanique, familier. La vapeur siffla et souffla sur les rebords des quais, faisant s'envoler le couvre-chef de l'enfant.

Dorothy lâcha son mégot et attrapa le chapeau avant qu'il ne termine sa course sur les rails.

— Oh, merci, madame ! William, remercie la dame, tu aurais pu perdre ton précieux chapeau, sans elle.

Un sourire timide se dessina sur le visage encore rond du petit et il s'approcha de Dorothy. Lui rendant son expression joviale, la blonde s'abaissa à sa hauteur et lui rendit son canotier.

— Merci, souffla William en attrapant le chapeau de sa petite main.

La jeune femme acquiesça et se releva avant d'adresser un regard à la vieille dame. Les contrôleurs sifflèrent un coup et les voyageurs purent prendre place dans les wagons qui leur étaient attribués.

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant