II- Alfie Solomons

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D'une démarche lourde, les épaules voûtées et la tête baissée, Alfie arpentait sa petite fabrique. Passant tout d'abord par la confection des pains, pour finir par le réel produit qui était vendu.

Grattant sa barbe négligée, le propriétaire de la « boulangerie » vérifiait les fûts entreposés sur le long de la galerie. Ces maudits murs en pierre gardaient l'odeur de l'alcool et le pain chaud n'arrivait à le couvrir qu'à moitié. Ce petit détail suffit à titiller l'humeur fragile de Solomons.

— Merde.

Voilà, c'était dit. Le premier mot de cette journée. Il ne faudrait pas s'attendre à un autre champ lexical. Aujourd'hui, Alfie ravirait les oreilles de ses employés avec ses doux mots.

Ses mains se posèrent sur ses hanches et son front se rida.

Il s'agirait de trouver une solution pour éviter que tout l'entrepôt ne sente le rhum. Sa couverture suffisait depuis quelques années, mais un drame était vite arrivé. Surtout quand la police n'était pas avec lui, mais contre lui.

Alfie n'y pouvait rien, il se méfiait de ces enculés. Ils étaient tous à la botte de Sabini. Ce maudit rital qui l'empêchait de s'étaler sur le nord, opprimait ses bookmakers et s'arrangeait pour que son pain ne soit pas distribué aux bons endroits.

— Merde, répéta Alfie.

Derrière lui, le reste des boulangers s'activait pour faire rentrer les nouvelles cargaisons avant l'arrivée des premiers policemen. Leur ronde se faisait tôt, surtout dans le coin. Ils aimaient flâner près des docks comme pour jouer avec les nerfs d'Alfie.

Le chef des juifs se redressa, prêt à pousser ses premiers ordres, mais se ravisa. Ses yeux clairs furent attirés par son protégé.

Ollie enfilait son tablier en cochant rapidement les paris à prendre cette semaine sur le journal. Son corps semblait parler pour lui et il n'avait pas cet air si sûr qu'à l'ordinaire.

Alfie grommela quelque chose d'inaudible et ferma les caves avant de retourner près des bureaux.

— Sur quoi tu mises, Ollie boy ? Coche pas n'importe quoi, marmonna-t-il.

— Je mets ce que vous aviez en tête la semaine dernière, Alfie. Mais les côtes ont changé.

Avant que le distillateur ne puisse répondre, un des travailleurs fit tomber une caisse de rhum.

La dernière fournée devait être apportée à leur nouveau partenaire en affaires.

Les gitans.

Alfie ferma la porte du bureau qu'il avait commencé à ouvrir et se fraya un chemin jusqu'au pauvre diable qui avait manqué d'adresse.

— Ma canne, Ollie boy, ma putain de canne !

— Vous avez cassé votre canne hier, Alfie.

Celui-ci leva les yeux en l'air. Il n'aimait pas le ton condescendant d'Ollie, sous-entendant que ses violences étaient devenues une habitude. Ce n'était pas vraiment sa faute, la pleine lune rendait ses sautes d'humeur quotidiennes. Sans oublier ses foutues sciatiques.

— Tu vas me ramasser ce merdier, mmh, avec tes putains de mains ! Demain, cent putains de gitans vont débarquer ici ou des putains de sodomites, je n'sais pas ce qu'ils sont et je m'en branle. Mais vous êtes l'exemple, aye ! Le prochain qui me fait tomber une fournée, je lui fous la gueule dans les foudres !

Ceux qui avaient eu le courage de s'arrêter pour écouter les insanités d'Alfie reprirent leur chemin vers les péniches à l'extérieur, laissant leur collègue ramasser les débris sous les yeux attentifs du patron.

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant