XX- L'œuf de Fabergé

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Alfie était avachi dans la causeuse.

Un livre à la main, ses lunettes en demi-lune sur le nez, il semblait captiver par la lecture de son roman.

Dans quelques instants, Dorothy et lui devraient prendre le train pour rejoindre Birmingham. Là-bas, Thomas les attendait pour se rendre à la maison seigneuriale des Petranova.

Pendant deux jours, Solomons avait été contraint de lâcher du lest pour se remettre de sa blessure, laissant les rênes à sa conseillère.

Reprendre le travail pour identifier et valoriser des bijoux russes, le distillateur en était très peu enchanté. Il n'avait jamais aimé ce pays et en partie parce que ces enfoirés avaient poursuivi sa mère alors qu'elle tentait de s'échapper.

Traquée comme une bête sauvage par des chiens assoiffés de sang.

En lisant les lignes de son livre, Alfie préparait en même temps sa langue acérée, prête à détruire cette famille de seigneur déchu. Et comme il s'agissait d'un travail pour le compte de Thomas Shelby, Solomons pouvait rester fidèle à lui-même et il ne se priverait pas pour critiquer.

Tournant la page à l'aide de son index, le distillateur ne fit pas tout de suite attention à la jeune femme qui venait d'apparaître devant lui. Les mains sur les hanches elle semblait attendre un avis de sa part sur ce qu'elle avait décidé de porter.

Alfie leva une main, en un geste maniéré, pour faire patienter Dorothy jusqu'à ce qu'il ait terminé son paragraphe. Agacée, sa conseillère se racla la gorge, ce qui le fit sourire. Mais il ne se pressa pas pour autant. Nonchalamment, Solomons leva les yeux et analysa sa précieuse employée.

— Mmh, conclut-il en retournant à sa lecture.

Dorothy ouvrit la bouche, outrée par le peu de considération, de la part de celui dont elle s'était occupée, depuis deux jours. Mais, elle n'en était pas vraiment étonnée. Et même si elle avait pratiquement emménagé dans cette grande maison austère, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'Alfie change ses habitudes.

S'il n'avait pas contredit la présence de la blonde, ni les vêtements qui avaient trouvé une place dans un côté de l'armoire, il restait le même. Reconnaissant et appréciant cette aura chatoyante, cette chaleur nouvelle dans le lit habituellement froid, Alfie n'en révélait pas un mot. Laissant croire, à raison, que Dorothy faisait bien de s'installer. Il ne l'avait pas repoussée et comment le pourrait-il ?

Mais parce qu'elle avait cette place toute particulière dans son cœur et dans cette maison ne voulait pas dire, pour autant, qu'Alfie devait se montrer galant et niais. Il savait être attentif et passionné mais mieux valait éviter ces moments-là juste avant de faire affaires avec des... russes.

Dorothy leva les mains en l'air, et ne bougea pas d'un iota.

Un « mmh » était certainement un euphémisme.

Elle n'avait jamais fait autant d'efforts de présentation pour une soirée dont elle ne pourrait, probablement, pas profiter. Misant le tout sur la robe, la plus coûteuse de sa toilette, elle lui avait été offerte pour son vingt-quatrième anniversaire, son dernier avec sa famille, par sa mère.

Importée d'Amérique elle était unique.

Bleu nuit, longue et serrée au niveau du buste et des hanches, la robe avait des pierres serties incrustées dans les lignes de la couture. Elle soulignait les plis et les mouvements des jambes. L'encolure était en V et nul besoin de collier le tour du tissu se suffisait à lui-même. Elle brillait de mille feux.

Elle était l'unique bijou. Dorothy ne s'était pas embêtée avec un quelconque bandeau de tête, des strass inutiles et des gants de velours. Seule la robe, un maquillage discret et ses cheveux blonds lâchés complétaient le tableau qui ne valait pourtant qu'un « mmh ».

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant