XVI- Violemment vôtre

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Dorothy lâcha l'arme encore fumante et se tourna vers Alfie.

Le corps de Sabini était inerte sur le sol de la cave. Son sang commençait à s'écouler lentement hors de la plaie.

Il était rouge, pensait Alfie. Étonnant, il avait imaginé que les ritals avaient le sang noir. Mais c'était là tout le principe de la stigmatisation.

Ses yeux bleus quittèrent le corps de son vieil ami, maintenant parti, et se posèrent sur Dorothy. La jeune femme tremblait, prenant conscience de son acte. Alfie vit les genoux de sa conseillère flancher derrière le fin tissu de sa jupe noire, sa poitrine se souleva et elle se tourna pour rendre le peu de nourriture qu'elle avait avalé dans cette sombre journée.

Ce n'était pas supposé finir ainsi, mais Dorothy avait vu le moment où son patron tomberait. Sabini l'avait obligé à sortir de son aplomb éternel et elle avait pu le tirer de ce mauvais pas. Justement parce qu'elle lui avait désobéi, elle n'était pas partie comme il le lui avait demandé.

Et pourquoi cela ?

Je l'aime.

Tapie dans le noir, la blonde avait attendu et elle avait vu Sabini sortir son arme pour menacer Alfie. L'italien braillait. Tantôt dans sa langue tantôt en anglais, Dorothy en avait eu des frissons. Et Solomons qui ne bronchait pas, il semblait se délecter de la violence de Sabini. Le voir pointer son arme contre son torse ne l'impressionnait pas, toutefois, ça n'avait pas été le cas de Dorothy.

Après tout ce qu'ils avaient fait ensemble, ce qu'il lui avait montré, appris, elle était devenue sa conseillère. Il était fier d'elle, de sa présence, de sa force nouvelle, de cette lueur de défie dans ses orbes noirs.

Alors, sans chercher à comprendre Dorothy avait tiré.

Un coup.

Net.

Précis.

Droit dans la poitrine gauche de Sabini. Se dévoilant ainsi de l'ombre, elle baignait sous la lumière des caves. Et maintenant, effrayée par sa propre violence, elle dégobillait tout son soûl sur le bitume froid.

Sa gorge, devenue une terre sèche et aride, lui tira les larmes. La blonde rouvrit ses yeux et sentit une main se poser dans le creux de ses reins.

Elle ne se détourna pas, pas encore. Son chemisier blanc se froissait sous le contact de la main rugueuse d'Alfie.

Alors, il ne lui en voulait pas ?

Elle n'osait pas renouer le contact visuel par peur de voir la déception dans ses yeux. Yeux qu'elle aimait avoir sur elle. Ce regard majestueux qu'il avait quand elle lui répondait, le poussait hors de ses retranchements ou quand elle entrait dans une pièce.

Il l'avait vue grandir à ses côtés, s'épanouir telle une fleur avec son piquant. Le potentiel qu'il avait vu ce jour-là à son bureau, il savait qu'il deviendrait grand.

Cette bourgeoise était devenue sauvage, comme lui. Et il ne s'en voulait même pas de l'avoir fait tourner au vinaigre. Cependant, maintenant que sa main se voulait rassurante contre le dos fébrile de la blonde, Alfie sentait un sentiment coupable le gagner.

Il n'était pas idiot, le geste de la blonde était très clair. Ce qu'il soupçonnait s'avérait donc vrai, et il n'avait jamais cherché à y mettre un terme. Il voulait la voir de ses propres yeux, il voulait voir sa noirceur sortir de son corps frêle et l'envelopper.

Dorothy essuya les commissures de ses lèvres et elle s'appuya sur la poutre afin de se relever.

Sans rien dire, Alfie partit chercher une bouteille de rhum et rappela ses hommes, qui étaient sortis fumer une cigarette.

The Woman In Black And White || PEAKY BLINDERS A.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant