Chapitre 2

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Point de vue Shoto

J'étais en train d'analyser les fluctuations de la bourse lorsque ma porte s'ouvre brusquement. Mon père entre sans plus de cérémonie et jette un garçon aux cheveux vert dans ma chambre avant de me lancer une clé que j'attrape au vol.

- Non mais ça va pas ? je m'écrie.

- Je t'apporte de quoi devenir plus fort, tu devrais me remercier.

- Pardon ?

- Tu te laisses beaucoup trop guider par ton instinct. Apprend à te contrôler. Lorsque ce déchet entrera en chaleur, tu devras te retenir.

Dites-moi que c'est une blague.

- Tu n'y arriveras sûrement pas tout de suite. Il n'est pas marqué alors ne te prive pas. Si j'estime que tu as bien travaillé, je te le laisserais peut-être en tant que récompense.

- Je n'en veux pas.

- Nous verrons ça en temps voulu. Pour l'instant, assure-toi qu'il ne sorte plus de cette pièce. Utilise la méthode que tu veux je m'en moque complètement. En ce qui te concerne, tu as l'interdiction de quitter ta chambre pour une autre raison que l'école, les repas ou nos séances d'entrainements jusqu'à ce que tu te sois dominé.

Je serre les points. Il est complètement tordu.

- Ses suppresseurs ne devraient plus tarder à cesser de faire effet. Tu as une semaine pour t'habituer à son odeur avant qu'elle ne devienne plus forte si tu vois ce que je veux dire. Tu me remercieras plus tard, mon fils.

Et sur ces mots, il disparait, me laissant seul avec le garçon qui n'a d'ailleurs pas bougé depuis son entrée fracassante.

Lentement, il finit par se relever. Il doit avoir à peu près le même âge que moi. Ses yeux sont aussi verts que ses cheveux et ses joues sont constellées de taches de rousseur.

Mais ce qui me marque le plus est à quel point il est maigre, ses habits semblent bien trop grands pour lui.

- Bon, il va falloir cohabiter il semble.

- D'accord.

Il fixe le sol.

- Est-ce que tu as écouté notre conversation ?

- Non monsieur.

- Appelle moi Shoto.

- D'accord monsieur Shoto.

- Non. Simplement Shoto. Et toi, quel est ton nom ?

- Deku.

Bon à rien ? Je suppose que là où mon père l'a trouvé, c'est comme ça qu'ils ont décidé de le nommer. Je ne me fais aucune illusion : c'était ça, sa petite course. Le marché aux omégas est certes très critiqué mais pas interdit pour autant. Il faudrait que les puissants se mettent d'accord sur ce point. Or les alphas sont bien trop heureux de pouvoir montrer une fois de plus leur supériorité pour y mettre un terme.

Je m'approche de lui, la clé à la main. Le vert ne bouge pas d'un pouce. Pas même lorsque je retire sa chaine. Son regard semble vide.

- Tant que tu ne quitteras pas cette pièce, tu seras en sécurité.

- Bien.

- Je ne te ferais aucun mal.

- D'accord.

Je me frotte l'arrière de la tête. Je ne sais vraiment pas quoi lui dire. J'ai l'impression de parler à un robot vide de toute émotion.

Point de vue Deku

Il dit qu'il ne me fera aucun mal mais il est certainement comme tous les autres. Après tout, les alphas adorent se donner des airs de bons samaritains avant de vous planter un couteau dans le dos. J'ai fait l'erreur il y a longtemps d'en croire un. Voilà où j'en suis maintenant.

Souvent, après ce petit numéro, ils se demandent pourquoi je ne réagis pas plus que ça. Puis ils perdent patience et dégagent leurs phéromones jusqu'à ce que je me roule en boule ou que je sois sur le point de perdre connaissance. Je ne suis qu'un jouet à leurs yeux. Au moins, j'en ai conscience. Je souffrirai moins quand il commencera à s'amuser avec moi.

- Ecoute, je ne sais pas ce que mon idiot de père a pu te dire sur moi, mais je ne suis absolument pas comme lui.

- Compris.

Il soupire. Je dois être moins distrayant qu'il ne le croyait.

- J'ai des devoirs à finir. Tu n'as qu'à prendre un livre pendant ce temps-là.

D'un geste de la main, il m'indique une vaste bibliothèque.

- Prend celui que tu veux. Tu peux t'asseoir sur mon lit.

Le bicolore se retourne, sans doute pour retourner à son travail. Au moins, il ne compte pas s'en prendre à moi tout de suite. Je regarde la collection impressionnante d'oeuvres qu'il possède. Quand j'en avait encore l'occasion, j'aimais bien regarder leurs couvertures au marché. J'ai l'impression qu'une éternité s'est écoulée entre temps.

J'attrape le premier volume et l'ouvre à une page au hasard. Je n'ose pas me poser sur le matelas comme il me l'a proposé. Et si c'était un piège ? Au lieu de quoi, je me laisse simplement tomber par terre. Il me jette un regard mais ne dit rien de plus.

Au bout d'un moment, il délaisse son travail et s'approche de moi. Il en a sans doute marre de jouer la comédie, il veut passer aux choses sérieuses. Instinctivement, je me recroqueville. De toute façon, je pourrais faire ce je veux, il arrivera toujours à me dominer. C'est comme ça que nous sommes faits.

- Comment réussir en tant que PDG ? Tu aimerais en devenir un ?

Pourquoi de tous les titres possibles a-t-il fallu que je tombe sur celui-là ? Je ne pouvais pas tomber sur un récit d'aventure ou autre ? Remarque, j'aurais pu en avoir un qui traite de la suprématie des alphas. Ça aurait été bien pire.

- J'ai pris un livre. C'est ce que vous m'avez demandé de faire.

- Mais je voulais dire un livre pour t'occuper. A moins que tu ne saches pas lire ?

Je hoche simplement la tête.

- Il fallait le dire. Je t'aurais donné autre chose pour t'occuper.

- Vous n'avez pas posé la question. Je n'avais aucune raison de vous le dire.

Je deviens trop bavard. Ce n'est pas bon.

- Si tu veux, je peux demander à ma soeur de t'apprendre. Elle est institutrice primaire, ça ne devrait pas être trop compliqué pour elle. Et puis, ça te permettra de ne pas trop t'embêter quand je serai à l'école.

Il veut sûrement un oméga capable de lire pour épater la galerie. Regardez, j'ai réussi à éduquer cet animal c'est incroyable. Voilà le genre de pensée qu'il doit avoir. Je n'ai pas vraiment le choix.

- D'accord.

De toute façon je ne me fais pas d'illusion quant à sa prétendue gentillesse. Je me demande juste à quel moment son masque se brisera. Quel genre d'alpha se cache derrière ? J'ai vu passer tellement de personnalités différentes que j'ai toujours peur d'en voir surgir une nouvelle. Je ne peux pas me préparer à la nouveauté.

- Je vais tout de suite lui demander alors. Je reviens vite, ne bouge pas de cette pièce.

Et il quitte la chambre. Sans doute va-t-il dire à son père que son jouet est cassé et qu'il en faut un nouveau. Et puis, une alpha qui serait institutrice ? Il me prend vraiment pour un idiot. Il n'y a aucune chance que ça arrive, c'est un rôle qu'occupent plutôt les betas.

J'aimerais tellement que cette société ne soit pas aussi pourrie qu'elle ne l'est. Mais ce n'est rien de plus qu'un simple rêve éveillé. Jamais il ne se réalisera.

On s'en sortira ✔️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant