Chapitre 19

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Point de vue Deku

Le jour suivant notre petite dispute, Shoto n'est pas revenu de l'école. Au début, je ne me suis pas inquiété, il devait sûrement passer du temps avec Momo. Après tout, c'est ce que font les amis.

Mais c'est lorsque la nuit est tombée que je me suis rendu compte que ce n'était pas normal, que quelque chose clochait.

J'ai bien pensé à sortir de la chambre dans l'espoir d'avertir quelqu'un de l'absence du bicolore ou, à défaut, d'avoir une explication. Mais le père me fait bien trop peur. Je n'ai aucune envie de me retrouver face à lui alors qu'il m'a donné l'ordre de ne pas bouger.

C'est pour cela que je me suis résolu à attendre, roulé en boule et serrant la couverture contre moi, comme si j'avais besoin de me raccrocher. Je n'ai jamais été très matériel, de toute façon rien n'appartient à un oméga, mais je me sentais mieux en tenant ce morceau de tissus. Peut-être que l'odeur présente sur le tissu n'y est pas pour rien.

Je me suis beaucoup trop attaché. Moi qui m'était promis de ne jamais le faire. C'est le seul moyen de ne pas finir blessé.

Le lendemain, la porte s'ouvre finalement. Je me relève rapidement, pris d'espoir, mais ce n'est que Fuyumi. Elle apporte un plateau sur lequel repose un morceau de pain et un verre d'eau. Ce n'est qu'à ce moment que je me rends compte à quel point j'ai faim.

La blanche et rouge allait partir lorsque je la retiens.

- Pardon mais... est-ce que vous savez où est votre frère, je demande timidement.

Elle évite sciemment mon regard.

- Non. Il ne rentrera pas ce soir non plus.

- Et vous savez quand ?

- Quand il le voudra.

Je baisse la tête. Est-ce qu'il m'évite ?

La jeune fille quitte définitivement la pièce sans que je ne fasse le moindre geste pour la retenir. De toute façon, à quoi cela servirait ? Je suis sûre qu'il ne veut plus me voir. Et il aurait bien raison. Sans doute est-il à la recherche d'un nouvel oméga qui ne lui posera pas de questions indiscrètes.

Je savais que j'aurais mieux fait de ne rien dire ce jour-là. Si je m'étais tu, il serait sûrement dans cette chambre avec moi.

Pendant un court instant, je me suis imaginé que l'on pourrait avoir ce genre de relation amicale qu'on certains omégas et alphas. Voir même plus, semblait parfois me souffler mon instinct.

Jamais encore je ne m'étais senti aussi mal, aussi bas, aussi idiot. Pas même lorsqu'il a changé ma vie.

Dépendre d'une autre personne ne sert strictement à rien. J'y ai cru pourtant. Je voulais penser que mon cauchemar était enfin fini. Il était tellement gentil, attentionné, que je suis tombé dans le panneau.

Je devrais pourtant savoir depuis le temps que tous les alphas sont pareils. Pourquoi lui aurait-il été différent ? Il n'y avait aucune raison. Comment ai-je pu me laisser à ce point embobiner ? J'ai été le plus grand des abrutis.

Mais maintenant, le mal est fait ; et je m'en mords les doigts.

- Idiot, je marmonne en essuyant une larme qui glisse le long de ma joue.

Voilà exactement ce que je voulais éviter en me forgeant cette carapace que je n'aurais jamais dû quitter. Et désormais, il est grand temps de la regagner.

Mais ce soir, je n'en ai pas la force. Ce soir, je veux pleurer tout mon soul. Ce n'est qu'après que je serais capable de reprendre ce masque d'insensibilité.

La tête posée sur l'oreiller, je laisse mes pleurs inonder le coussin.

Jamais je n'aurais dû m'ouvrir à ce point. Aujourd'hui, j'en paye le prix fort.

Point de vue Shoto

- Tu aurais pu me prévenir, je marmonne.

Mon père, car c'est bien lui qui m'a forcé à entrer dans cette voiture, me dévisage. Bien sûr, monsieur à sa propre limousine et son chauffeur attitré. Si j'avais été un peu plus attentif, ça m'aurait évité une belle frayeur.

- Je voulais te faire une petite surprise fils. Je me rends compte que nous n'avons pas passé de temps ensemble depuis un moment.

Et ça me va très bien comme ça, je pense.

- Où allons-nous, je réponds à la place.

- Chez un collègue. Il a d'ailleurs un fils de ton âge à peu près. Vous pourriez faire connaissance.

Au moins je ne me retrouverai pas seul avec lui. Mais ça ne résout pas le problème.

- J'ai un devoir important à rendre pour demain, j'invente. Je n'ai pas le temps.

- Je suis heureux de voir que tu prends enfin tes études à coeur, fils. Mais tu n'as pas à t'inquiéter : je me chargerai d'expliquer la situation à ton professeur. À tes professeurs même.

Je tique à la formulation de sa phrase.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Je ne sais pas ce qu'il a derrière la tête, mais je ne le sens pas du tout.

- Nous allons passer plusieurs jours avec eux. Je suis sûr que tu auras beaucoup à dire à ce garçon.

C'est une blague j'espère. Pourtant, ce n'est pas du tout le style de mon abruti de mon père.

- Je ne peux pas manquer les cours, j'argumente.

- Tu n'auras qu'à demander ce que tu as manqué. J'ai confiance en tes capacités mon fils.

Bien sûr que Momo pourra m'aider à rattraper, mais l'école est bien le cadet de mes soucis.

Le vrai problème, c'est Deku. Je refuse de le laisser seul pour une période indéterminée. Mais ça je ne peux évidemment pas le dire à cet idiot.

J'attrape immédiatement mon téléphone et commence à écrire un message Fuyumi et Natsuo. Mon géniteur ne me laisse pas le temps d'écrire le premier mot qu'il m'arrache l'appareil des mains.

- Tu n'auras pas besoin de ça. J'ai déjà prévenu ta sœur des dispositions à prendre. Tout est prévu, tu n'as plus qu'à patienter quelques temps avant que l'on n'arrive à destination.

- Combien de temps ?

- Encore une heure ou deux. Il a voulu habiter à la campagne. Sa propriété est assez isolée mais n'a rien à envier à la nôtre. Même si elle reste inférieure.

Toujours à se venter. Il y a quelques mois encore, ce genre de sortie ne m'aurai rien fait. Il me suffisait de jouer la comédie durant un temps et l'affaire était réglée.

Mais la situation a changé depuis. Un ange vert est entré dans ma vie. Et je dois le protéger.

Je ne doute pas que ma sœur fera tout ce qu'elle peut pour s'occuper de lui, mais je ne sais pas ce que mon paternel lui a dit. Jamais elle n'oserait désobéir à un ordre direct.

Le fait qu'il lui aye donné "des dispositions à prendre" n'a rien de rassurant. Bien au contraire.

Je laisse mon regard se perdre dans le paysage. Je ne sais pas précisément combien de temps tout cela va durer, je ne peux qu'espérer et attendre. Il n'y a rien de plus frustrant.

Quant à ce fameux fils, je suis prêt à parier qu'il est comme tous les autres. Jamais mon père ne me présenterait à quelqu'un qui ne correspond pas à ses critères. Je ne l'ai pas encore rencontré que je sens déjà que cela ne va pas bien se passer entre nous.

Les jours à venir vont être longs, très longs.

Et je vais devoir jouer le jeu si je ne veux pas empirer la situation.

On s'en sortira ✔️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant